Page images
PDF
EPUB

régions élevées où il plane depuis si longtemps, et nous voudrions l'y maintenir; mais, pour suivre la métaphore dans les bas-fonds où il va malheureusement la chercher, la société n'a-t-elle donc pas le droit de rejeter au loin les ordures qui l'empestent? Et si elle confie à un censeur cette rude tâche que des passions aveugles lui payent d'abord en injures, si le censeur, quel qu'il soit, honore sa mission par ses lumières et son intégrité, la société ne lui devra-t-elle pas le respect et la reconnaissance dont elle entoure le magistrat? Le conseil d'État actuel est une sorte de congrès où tous les grands partis politiques ont, par l'élection, des organes et des défenseurs. Dans la commission d'enquête, la restauration était représentée par M. Defresne, l'opposition modérée et le parti gouvernemental de juillet par M. Vivien et M. Béhic, la république de la veille par M. Charton: nous gagerions à coup sûr que le langage dé M. Hugo n'a soulevé qu'un seul et même sentiment dans tous ces esprits éclairés et impartiaux. La censure est venue ellemême, par la bouche d'un ancien censeur, M. Florent, rétablir les faits dénaturés et repousser les calomnies dirigées contre elle. Le nom et la personne de M. Florent nous sont également inconnus; mais sa parole honnête a l'accent de la vérité et l'autorité de la bonne conscience: nous en rendons juge le public:

M. VIVIEN, président : « Pouvez-vous donner à la commission quelques détails sur la manière dont s'exerçait la censure sous le dernier gouvernement? »

M. FLORENT: « J'ai commencé mes fonctions, sous le titre d'examinateur, le lendemain du jour où fut promulguée la loi qui rétablissait la censure, en 1835; je les ai cessées le jour où la révolution de février l'a détruite. Je puis donc donner à là commission tous les détails qu'elle désire avoir sur la manière dont s'exerçait la censure sous le dernier gouvernement... >>

M. LE PRÉSIDENT : « Pourriez-vous nous dire quelles étaient les idées générales d'après lesquelles vous opériez? »

M. FLORENT: « Nous sommes arrivés au ministère de l'intérieur comme des jurés, et nous avons agi comme tels; nous n'avions d'autre guide que notre conscience. En voyant un

passage scabreux, nous nous demandions : « Mènerions-nous nos femmes et nos filles au théâtre pour entendre de telles choses? » C'était pour nous un criterium. En voyant des passages d'une signification politique ou sociale, nous nous demandions: << Ceci n'a-t-il pas pour objet de soulever les unes contre les autres les diverses classes de la société, d'ameuter les pauvres contre les riches, d'exciter au désordre? » Nous demandâmes (au ministre), dès le principe, « s'il était possible de laisser ridiculiser sur la scène les institutions du pays, et en particulier celles qui maintiennent le plus efficacement l'ordre; s'il fallait laisser désarmer à l'avance ces dernières en les exposant au rire et aux moqueries de la foule. » La négative n'était pas douteuse, et c'est pourquoi, si nous empêchions qu'on mît sur la scène, dans des conditions inconvenantes, des députés et des pairs de France, nous empêchions aussi qu'on y tournât en ridicule des gardes nationaux, des gendarmes ou des sergents de ville. A mesure que des difficultés nouvelles se présentaient, nous cherchions à les aplanir d'après des considérations analogues. Nous combattions surtout avec beaucoup de soin l'introduction des idées antisociales sur la scène. Leur propagation par la voie du théâtre eût été plus funeste que par toute autre voie..

M. LE PRÉSIDENT : « Vous occupiez-vous autant de la morale que de la politique, et du fond que des détails? »

M. FLORENT: « Nous avions surtout à nous occuper des questions de morale; les pièces politiques étaient fort rares : nous en avons eu trente, au plus, en douze ans; directeurs, acteurs, public, personne ne s'en souciait; on en avait assez dans les chambres et dans les journaux. Lorsqu'il s'en présentait, un rapport était adressé au ministre, qui statuait sur le fond. Quant aux détails et aux allusions, nous faisions disparaître ce qui nous paraissait porter atteinte à la tranquillité publique et aux institutions du pays. On admettait les épigrammes qui n'atteignaient que le ministère.

Nous l'avons dit franchement : nous souhaitons, dans l'intérêt même de l'art dramatique, le rétablissement de la censure; là seulement nous trouvons une indispensable garantie contre

les perturbations politiques et le désordre social. En quelles mains sera-t-elle remise, et par qui sera-t-elle exercée? Nous ne nous rendons pas encore juges des systèmes divers exposés dans l'enquête; mais nous souhaitons à là censure nouvelle de ressembler d'aussi près que possible à celle que février a emportée dans le naufrage universel des bonnes lois et des institutions salutaires.

18350.-3.

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

25

TABLE DES MATIÈRES.

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE. Histoire d'un paillasse, par
Charles Dickens. (Traduit de l'anglais par M. P. Gro-

lier.).

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
[merged small][ocr errors]
[merged small][merged small][ocr errors]

Le fard de Setti, par madame
Charles Reybaud.

La critique littéraire sous l'empire, par

Paul Rembrandt né en 1606, mort en 1674,

par Charles Blanc.

[ocr errors]

--

[ocr errors][ocr errors]

POLITIQUE. Affaires de Rome, par John Lemoinne.
POÉSIES. Adieu. A Ninon, par Alfred de Musset.
VARIÉTÉS. - Erreurs et préjugés populaires. Cent vérités,
par Alphonse Karr.

[ocr errors]

ART DRAMATIQUE. - Enquête et documents officiels sur les

théâtres.

FIN DE LA TABLE.

1

11

97

153

174

212

247

250

267

« PreviousContinue »