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AN. 1564.

quoique Jefus - Chrift n'eût donné à fes miniftres qu'une autorité fpirituelle. Que le clergé étant devenu partie de l'état, les princes avoient accordé par grace aux évêques de punir leurs prêtres de peines temporelles, afin que la difcipline fût obfervée parmi eux; mais que les évêques n'étoient point en droit d'user de ce pouvoir contre les laïques ni par la loi divine, ni par la loi humaine, & que c'étoit une veritable ufurpation quand ils le faifoient. L'on trouvoit à redire que le concile excommuniât l'empereur, les rois & les autres princes fouverains qui permettoient le duel, parce que la puiffance des princes venant de Dieu, il n'eft perfonne fur la terre qui puisse ni la leur ôter, ni la restraindre. On blâmoit encore ce que le concile definit fur les patronats; fondé fur une fauffe fuppofition, que tous les benefices font libres, fi le patronat n'eft pas prouvé; vû que les églifes n'ont point de biens temporels qui ne viennent de la liberalité des feculiers. De plus l'on fe plaignoit que le renvoi des caufes criminelles des évêques au pape fruftrât les conciles provinciaux & nationaux, qui en avoient toujours été les juges. L'on ajoutoit, que d'obliger les évêques d'aller à Rome pour répondre de leurs crimes, cela derogeoit nonfeulement à l'ufage de France, mais encore aux canons des conciles, qui veulent que ces caufes foient jugées fur les lieux. Que le droit & la coutume de France ne fouffroient pas non plus que les benefices fuffent chargez de penfions, ni de reservations de fruits, comme le concile le determine d'une maniere oblique. Qu'il n'étoit pas fupportable que les caufes en premiere inftance fuffent évoquées par le pape

hors du royaume ; ce qui violeroit une coutume très-
ancienne confirmée par un grand nombre d'édits : &
que l'expreffion pour caufe preffante & l'égitime, ne
justifioit point cette évocation, étant manifeste par
l'experience, que fous ce pretexte toutes les causes
iroient à Rome. L'on n'approuvoit point non plus
qu'on permît aux Mandians de poffeder des biens en
fonds; & l'on difoit que ces religieux ayant
été reçus
en France fous une inftitution contraire, il n'étoit
pas jufte de les y fouffrir autrement. Il y avoit en-
core beaucoup d'autres chefs qu'on employoit pour
prouver qu'on ne devoit point recevoir le concile.
Mais celui qui s'éleva le plus fortement contre la
reception du concile, fut Charles du Moulin, ce
celebre Jurifconfulte dont on a deja fouvent parlé.
Il étoit revenu à Paris dès le commencement de cette
année 1564. & la confultation qu'il fit fur ce fujet
eft du vingt-huitieme de Fevrier. Il y expofe que
quelques perfonnes du confeil du roi lui ayant remis
entre les mains neuf feffions du concile, dont les
fix premieres avoient été imprimées à Cologne en
1551. & depuis à Anvers, & les trois autres à Paris;
après les avoir vûes & examinées, il eft d'avis que le
concile, à l'exception de ce qui eft de la foi, de la
doctrine, des constitutions de l'église, & de la refor-
mation des mœurs & des perfonnes, ces choses n'é-
tant nullement reprehenfibles, ne peut & ne doit
être reçu dans le royaume de France tant pour les
nullitez & la forme de l'indiction & de la tenue,
que parce qu'il ordonne à l'égard de la police plu-
fieurs chofes qui font contre les anciens conciles de
France, contre les droits de la couronne, la dignité

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AN. 1564.

LXV.
Du Moulin eft

& la majesté du roi, l'autorité de fes édits, ordonnances, arrêts & reglemens des parlemens, & autres cours fouveraines, les reglemens des états, les droits, libertez & immunitez de l'églife Gallicane : & qu'il donne de juftes & legitimes foupçons que l'on veut introduire l'inquifition en France. Il propose ensuite en particulier les nullitez & les raifons fur lesquelles fon avis eft appuyé. Cette confultation fut dediée à Antoine de Crouy, & du Moulin la fit imprimer à Lyon dans la même année fans privilege du

roi.

Ce zele de du Moulin lui devint funefte: les parmis en prifon, & tifans du concile lui fufciterent plufieurs affaires fadélivré enfuite par cheuses; il fut cité au parlement, & interrogé juriDe Thou, ibid. diquement en pleine chambre fur le livre qu'on lui

ordre du roi.

attribuoit, il avoua qu'il en étoit l'auteur, & qu'il l'avoit fait imprimer à Lyon, & fur cet aveu on le mit en prifon à la conciergerie, comme ayant de mauvais fentimens fur la religion, & publiant des écrits capables d'exciter une fedition. L'on fit faire inventaire de tous fes papiers, & l'on défendit à tous Imprimeurs & Libraires de vendre & debiter fon livre. Dans le même tems le parlement ayant écrit au roi fur cette affaire, fa majefté approuva la detention de du Moulin, mais le vingt-cinquieme de Mai, ou le vingt-unieme de Juin, felon d'autres, il y eut des lettres patentes expediées pour ordonner au parlement de le mettre en liberté, à condition toutefois qu'il ne feroit rien imprimer à l'avenir sans une permiffion du roi. En confequence de ces lettres intervint un arrêt quinze jours après, par lequel du Moulin fut élargi, ayant d'abord sa maifon pour prison, & jouif

fant enfuite d'une entiere liberté. M. de Thou dit que par les mêmes lettres le roi ôta au parlement la connoiffance de cette affaire, en l'évoquant à fon confeil pour y être jugée.

AN. 1564.

LXVI. Autre confulta

l'élection de Pierre

De Thou, hift.

Quelques jours avant cette confultation du Moulin en avoit fait une autre; la noblesse de Picardie ayant tion du même fur deputé le vidame d'Amiens pour lui demander fon de Crequi à l'évêavis touchant la promotion à l'évêché d'Amiens, ché d'Amiens. d'Antoine ou Pierre de Crequi grand ennemi des Pro- ibid.ut fuprà. teftans, & auparavant évêque de Nantes, & fi l'on pouvoit justement l'empêcher de prendre poffeffion de cet évêché; du Moulin répondit que puifque les états de la province n'avoient rien sçu de la nomination de cet évêque, qu'on ne leur avoit point. demandé leur avis, & qu'ils n'y avoient point consenti, l'on pouvoit justement s'opposer à son installation & à fa prise de poffeffion, pour cette raison principale, qu'il étoit ordonné par les decrets des conciles generaux, les ordonnances des rois de France, Clotaire, Charlemagne, Louis le Debonnaire, & par les refolutions des états du royaume assemblez à Orleans il y avoit trois ans, que l'autorité & le confentement de la nobleffe & du peuple intervinffent auffi dans l'élection des évêques. Sur cette réponse Antoine d'Ally de Pequigny vidame d'Amiens, fut oppofant au nom de la nobleffe de Picardie, & rendit fon oppofition publique par un écrit qu'il fit imprimer dans le mois de Mars. On croit que ce fut ce qui determina le parlement à fevir contre du Moulin, joint à la confultation qu'il avoit donnée & publiée touchant le concile de Trente.

Comme les difficultez fembloient croître chaque

LXVII.

faire recevoir le

AN. 1564. jour en France pour la reception du concile, le pape envoya au roi Charles IX. Louis Antinori, Nouvelles démar- qui avoit deja été chargé de negociations importantes, ches du pape pour afin de folliciter vivement auprès de ce prince la puconcile en France. blication des decrets du concile dans le royaume. Antinori n'oublia rien de ce qui pouvoit engager le roi à satisfaire le pape fur cet article: il s'efforça de faire connoître à ce prince que Pie IV. ne demandoit rien que de raisonnable, rien qui ne tournât à l'honneur & à l'avantage de la France. Mais le roi fe contenta de promettre, encore d'une maniere assez vague, qu'il feroit executer dans la fuite les decrets du concile les uns après les autres; mais que pour les faire publier dans fon royaume, il ne le pouvoit de peur que les Calviniftes ne le replongeafsent dans de nouveaux troubles dont il lui feroit peut-être plus difficile de se tirer que par le paffé. Qu'au reste il ne laifferoit échapper aucune occafion de temoigner au faint fiege combien il avoit de veneration pour lui, & qu'il fçavoit l'obéiffance qui lui étoit

LXVIII.

recevoir le concile

dûe.

Le pape content en apparence de cette excuse, Le pape veut faire tourna ses vûes du côté de l'Allemagne, pour y faire en Allemagne. publier le concile; il en avoit écrit à fon oncle l'é1. 24. c. 12. vêque de Vintimille. Il fçavoit bien qu'il n'y avoit De Thou, hift. l. rien à attendre du côté des Lutheriens, qui par des Spond hoc anno. Ouvrages publics avoient deja protefté contre fes de

Pallavic. ibid.

36. verf. fin.

A. I.

crets; entr'autres un certain Jean Fabrice, qui avoit adreffé aux Allemands un difcours rempli d'erreurs, qui fut auffi-tôt refuté par Pierre Fontidonius, théologien Efpagnol, qui avoit affifté au concile. Martin Chemnitius, disciple de Melanchthon, s'étoit pareil

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