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au parlement, & intervinrent en faveur de l'univer

AN. 1565. fité, demandant qu'on ne reçût les peres de la societé de Paris ni comme reguliers, ni comme college, ni comme focieté. Eustache du Bellay, évêque de Paris, le prévôt des marchands, les échevins, le cardinal de Châtillon évêque de Beauvais, comme confervateur des privileges de l'univerfité, les deux chanceliers de l'univerfité & de fainte Genevieve, les administrateurs des hôpitaux, & les ordres des religieux mendians préfenterent auffi leurs requêtes, & choifirent des avocats pour plaider en leur nom contre les mêmes peres.

XXXVI.

Du Moulin don

te affaire.

I

Avant que l'affaire fût plaidée, l'université avoit con, ne fon avis fur cet- fulté Charles du Moulin, & fa confultation fut mife par écrit & rendue publique; il avoit répondu que l'univerfité étoit bien fondée à intenter une action nouvelle contre les Jefuites, afin de les empêcher d'enfeigner, fur ce qu'ils formoient un nouveau corps dans l'églife. Voici les raisons dont fe fervoit ce juris confulte. Que ces peres établiffoient une nouvelle compagnie contre les anciens decrets des fynodes, & le concile general tenu à Rome fous Innocent III. en 1215. qui avoit voulu refferrer dans de certaines bornes ces nouveaux inftituts, pour éviter le trou ble dans l'ordre eccléfiaftique. Que c'étoit auffi contre les arrêts de la cour, & le confeil des cardinaux assemblez à Nice par l'ordre de Paul III. avec quelques prélats qui avoient défendu de recevoir de nouvelles religions. Qu'avant eux le cardinal Pierre d'Ailly, l'archevêque d'Armach, Guillaume de SaintAmour & Jean Gerfon avoient été du même avis; qu'enfin il y avoit de l'injustice auffi-bien que de l'ir

régularité, à fouffrir au milieu de l'univerfité un college compofé d'étrangers, indépendans, & fans aucune liaifon avec elle.

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Les deux plus célébres avocats du parlement Etienne Pafquier & Pierre Verforis furent choifis pour plaider la cause. Le premier pour l'univerfité, & le fecond en faveur des Jefuites. Verforis dit, que comme la nature ne laiffe fortir les ferpens de leur retraite pendant le printems, qu'après avoir produit la fleur du frêne, qui doit fervir d'antidote à leur venin, & ne refferre cette fleur à la fin de l'automne, qu'après avoir renfermé les mêmes ferpens: ainsi la providence divine n'avoit permis les héréfies de Luther & de Calvin qu'en établissant dans l'église la compagnie de Jefus, qui les devoit combattre, & qu'elle ne cefferoit pas de les multiplier, jusqu'à ce qu'elles fuffent entierement détruites, Que pour montrer que cette compagnie étoit miraculeufe dans fon origine & dans fon progrès, on devoit remarquer qu'elle avoit été inftituée par un homme de guerre. Cet avocat fit enfuite l'histoire de la vie de ce faint; il parla de fa conversion, de ses voyages, de fes études, des premiers compagnons qu'il affembla, du deffein qu'il eut d'aller dans la terre fainte, & dont il ne fut détourné que par la rupture qui furvint entre les Vénitiens & les Turcs; il rapporta encore la confirmation de l'inftitut de cette compagnie par le pape Paul III. qui la fixa d'abord à foixante perfonnes, & il eut le foin de faire remarquer, ce que tout le monde apperçoit assez, que cette limitation ayant été levée, ces peres fe multiplierent d'une maniere fi étonnante, que quinze ans après leur établissement il

Verforis en faDe Thou, hift. l.

veur des Jefuites.

17.

D'Argentré,

collect. jud. de nov.

error. t. 2. in-fol. pag. 349. & feq.

y

avoit déja douze provinces de leur ordre dans l'anAN. 1565. cien & le nouveau monde. Verforis prétendoit qu'on ne pouvoit attribuer ces progrez fi rapides, qu'à l'utilité que les peuples en tiroient les peuples en tiroient pour l'instruction de leurs enfans, & il ofa affurer qu'il n'y avoit rien à craindre d'un ordre, qui par un vou exprès renonçoit aux dignitez de l'église. Ensuite voulant justifier ceux pour qui il parloit, des oppofitions fans nombre qu'ils trouvoient en France, & fur-tout à Paris, il en fit prefque un corps tout compofé de faints, & le comparant avec plufieurs ordres religieux, qui avoient eu des contradictions dans leur origine, il prétendit faire valoir les Jefuites par les oppofitions même qu'on formoit à leur établissement. Enfin paffant aux privileges que les papes leur avoient accordez, il prétendit qu'ils ne portoient aucun préjudice aux évêques, ni aux curez, ni aux universitez, & défia de prouver qu'ils en eussent abusé jufqu'alors. Cependant il voulut encore répondre à tout Ses réponses aux ce qu'on objectoit, ou qu'on pouvoit objecter concontre l'inftitut de tre l'inftitut de la societé. On alleguoit premierement la défense d'établir des colleges, & de nouvelles recollect. t. 2.p.340. ligions, fondée sur les conciles de Latran & de Lyon, de peur que cette grande diversité n'introduisît la confufion dans l'églife. Verforis répond, que ces défenfes ne regardoient que les nouvelles religions qui n'étoient point confirmées par le faint fiege : ce qui ne se rencontroit point, dit-il, dans la compagnie des Jefuites, qui étoient approuvez par les papes, par un concile, par l'églife Gallicane, par le roi, par la cour, le recteur, & la ville de Paris. 2°. On objectoit que le nom de Jefuites & de focieté de Jefus étoit tueux, & même scandaleux. Verforis répond, que

XXXVIII.

objections formées

la focieté.

D'Argentré in

trop

faf

c'eft

que

AN. 1565.

c'est fans fondement qu'on s'en fcandalife, & qu'il n'y a pas plus de raifon à blâmer ce titre, que ceux des ordres de la Trinité, du Saint-Efprit, des Filles Dieu, dont on ne s'est jamais plaint; que d'ailleurs ce nom de Jefuites leur avoit plûtôt été donné, qu'ils ne l'avoient pris, & qu'ils ne l'avoient retenu que par humilité. 3. On condamnoit leur habit, qu'on traitoit d'habit d'hipocrites: mais, dit l'avocat, ce blâme n'eft pas mieux fondé, puisque la regle de ces peres eft de s'habiller comme les gens d'églife, modestement & d'une maniere convenable à leurs fonctions. 4. On attaquoit leur doctrine, de ce qu'ils soutenoient le pape étoit au-deffus du concile, & de ce qu'ils faifoient vœu d'être foumis en tout au fouverain pontife. Versoris dit fur cela, qu'à l'égard de la premiere queftion, il n'étoit de la décider, & qu'à pas propos l'égard de l'autre, il affuroit les Jefuites ne promettoient obéiffance au pape, que dans les chofes permises. Il fe reprit néanmoins fur la premiere question, & dit que le concile étoit au-deffus du pape, comme étant une assemblée où préfide le Saint - Esprit même, puisqu'il est dit dans l'écriture-fainte la A. xv. 28, femblé au Saint-Esprit, & à nous. 5. On reprochoit aux Jefuites Paul IV. étoit de leur ordre; que ce pape avoit été caufe des guerres de France, & que Guillaume Poftel avoit été auffi Jefuite: mais, dit Verforis, fi Paul IV. eft caufe de la guerre, doiton l'imputer à ces peres? d'ailleurs ce pape eft mort & Postel ne fut jamais profez de la fociété : il n'y a été que novice, & on l'en a renvoyé. Verforis vanta en cet endroit le désintéressement qu'il trouvoit dans les Jefuites, & enfuite voulant répondre Tome XXXIV. Nn

que

que

:

AN. 1565.

auffi à la requête de l'évêque de Paris & des curez qui avoient montré qu'il étoit de l'intérêt de l'église de ne point recevoir les Jefuites ni comme reguliers, ni comme société, ni pour l'instruction de la jeuneffe, il dit qu'on avoit pourvû à ce qu'ils ne puffent nuire à l'églife, & que fi par leurs bulles ils avoient quelque privilege préjudiciable aux droits des évêques & du clergé, l'affemblée de Poiffi, qui avoit confirmé leur institut, y avoit remédié. Il prétendit de même qu'ils ne pouvoient nuire à l'université ; ils ne viennent point, dit-il, pour détruire la loi, ils promettent qu'ils obéiront en tout au recteur, & qu'ils fe conformeront aux loix & aux conftitutions de l'univerfité; peut-on exiger davantage? Ils tiennent leurs privileges du roi & du pape avec l'approbation & le confentement du clergé; ils en doivent être eux-mêmes les confervateurs; & cependant ils confentent que ces privileges à eux accordez pour les favorifer, ne puiffent s'étendre au préjudice des autres & qu'on les retranche s'ils bleffent quelqu'un. Enfin comme le prévôt des marchands étoit auffi intervenu dans cette affaire, prétendant que l'intérêt public demandoit le retranchement des Jefuites, Verforis employa encore fon éloquence pour détruire cette raison. Que rifque - t – on, dit - il, puifque ces peres s'obligent de garder les loix de la ville, & qu'ils n'y veulent contrevenir en aucune maniere? De toutes ces raisons qui ne diminuerent rien dans bien des efprits de la frayeur que leur caufoit ce nouvel établissement, il conclut qu'il falloit entériner fa requête, & approuver l'établissement du college de Clermont, & permettre que la jeunesse

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