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tre ans après il fut fait vicaire de l'inquifiteur gé- AN. 1565. néral. Le cardinal Caraffe étant devenu pape, fous le nom de Paul. IV. & ayant connu fon mérite le fit malgré lui évêque de Nepi & de Sutri en Tofcane; ces deux fieges étoient unis. Six mois après il le créa cardinal, le chargea de l'office d'inquifiteur général de toute la chrétienté, & lui fit prendre le titre de cardinal Alexandrin, parce qu'il étoit né dans le territoire d'Alexandrie de la Paille. Jufques-là les papes s'étoient réservez cette charge d'inquifiteur fouverain de l'église universelle; mais Paul IV. connoiffant la capacité de ce cardinal, la lui confera en plein confiftoire avec beaucoup de folemnité, & lui foumit tous les autres inquifiteurs & leurs déleguez, fans en excepter même les évêques qui étoient chargez de fes offices. La raifon du pape étoit, que ce pouvoir qui devoit s'exercer fur toute forte de fujets, fe trouvoit affoibli par le nombre, & qu'il avoit appris par expérience, que les uns ruinoient souvent, sous un prétexte d'humanité, ce que les autres avoient fagement & feverement ordonné. Mais les papes qui vinrent après Paul IV. redoutant la puisfance d'une fi grande charge, tant qu'elle feroit feparée de la leur, fe la referverent comme auparavant, & laifferent le foin de l'inquifition à la congrégation des cardinaux déleguez pour cet effet, fuivant le reglement qui en avoit été déja fait par Paul III. Pie IV. fucceffeur de Paul IV. honora Ghisleri de fon eftime, le confirma d'abord dans la charge d'inquifiteur général, & le transfera à l'évêché de MontReal en Piemont. Il y trouva beaucoup à travailler, à cause des défordres que les guerres & les herefies

avoient introduits dans ce diocese. Mais en 1563. AN. 1565. il fut obligé de revenir à Rome pour préfider aux congrégations du faint office. Il voulut y ufer de la même rigueur qu'il avoit exercée fous Paul IV. qui avoit été très-favorable à l'inquifition; mais Pie IV. le trouva trop fevére, le fit fortir du Vatican, & tâcha de diminuer une partie de l'autorité que lui donnoit fa charge. On lui dit même un jour, que s'il ne fe rendoit plus compatiffant, il devoit craindre qu'on ne le renfermât dans le château Saint-Ange. Il fe contenta de répondre, que quand on voudroit l'empêcher de parler pour la juftice & pour la vérité, on pourroit le renvoyer dans fon monaftere. Enfin lorfraffes dans leurs qu'il eût été élu pape & couronné, un de ses pre

LXXI.

Il rétablit les Ca

lib. 39. hoc an.

Ciacon. t. 3. P.

992.

Spond. Cont. Annal. hoc an.

n. 4.

honneurs & pre- miers foins fut de faire examiner de nouveau la cause mieres dignitez. De Thou, in hift. du cardinal Charles Caraffe, & du duc de Palliano fon frere, pour connoître s'ils avoient été justement condamnez. Cet examen ne fut pas inutile: plufieurs de ceux qui avoient affifté à ce jugement, & qui avoient prononcé contr'eux, se retracterent, déclarerent qu'ils n'avoient agi que pour plaire au pape précedent, & affurerent qu'on avoit mal jugé. Pie V. fur cette déclaration voulut que les Caraffes fuffent rétablis dans leur réputation, leurs titres & leurs dignitez. Le nouveau pape ne montra pas moins de zele recherche, & la pour la religion dès ces commencemens, qu'il vepunition des héré- noit d'en faire voir pour la justice dans cette occaDe Thou, hift. fion. Il fit rechercher exactement tous ceux qui Spond.hoc. an. avoient des fentimens fufpects, & autant qu'il put, il

LXXII.

Son zele dans la

tiques.

1. 39.

1.4.

fe les fit amener à Rome. Il demanda par cette raifon au fénat de Venife un certain Jules Zannetti, qui faifoit fon féjour à Padoue, & le fit condamner au feu

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› AN. 1565.

à Rome. Il envoya à Florence le maître du facré palais, pour enjoindre au grand duc de lui livrer Pierre Carsenecchi grand ami des Medicis, & qui avoit été fort confideré de Marguerite femme du duc de Savoye. Le maître du facré college préfentant les lettres du pape au duc, trouva Carfenecchi à table avec le duc, qui craignant l'humeur fevere de Pie V. livra lui-même celui qu'il honoroit de fa bienveillance, fans être arrêté par le danger auquel il alloit l'expofer. Carfenecchi fut mené à Rome, & ayant été convaincu d'avoir entretenu des liaisons fort étroites avec les heretiques. d'Allemagne, & en Italie avec Victoire Colonne veuve du marquis de Pescaire, & avec Julie Gonzague, dames d'une très-grande condition, mais soupçonnées d'errer dans la foi, il le fit condamner au feu. Le fçavant Aonius Palearis, célebre par ses écrits, reçut la même punition, pour avoir mal parlé de l'inquifition, qu'il appelloit un poignard dégainé contre les fçavans.

Pie V. fit auffi plufieurs ordonnances très-rigoureuses contre les femmes débauchées & les lieux de prostitution; il voulut que les premieres fortiffent de Rome, ou fe mariaffent, fur peine du fouet, fi elles n'obéiffoient. Mais fur la remontrance de quelques feigneurs, il ordonna qu'elles demeureroient renfermées chez elles, fans qu'il leur fût libre de paroître dans la ville, ni le jour ni la nuit. Son deffein dans cette ordonnance étoit, que la honte les obligeât à renoncer à leur vie criminelle, & que les hommes craignant de paffer pour infâmes, évitaffent de se trouver dans les lieux de prostitution. Le pape ordonna de plus que celles qui mourroient dans la débauche, feroient

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privées des facremens & de la fépulture ecclefiaftique. AN. 1565. Le confeil pouffé en fecret par le clergé, qui n'ofoit pas agir ouvertement, s'y oppofa, fous prétexte que les maisons ne pourroient plus être louées, & qu'on détruifoit l'ancienne liberté: mais Pie V. fut ferme dans fa premiere réfolution, & quand le confeil le preffa de nouveau là-deffus, il menaça avec émotion de fortir de la ville, & de tranfporter le faint fiege ailleurs, fi l'on n'obfervoit fes reglemens.

LXXIX. Reglemens pour

Ciacon. ut fuprà

L. 3. p. 992.
Gabinius, in

6. II.

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De plus, il regla fa maison de telle maniere, qu'il fa maifon & pour eut plus d'égard à la vie fage & reglée & à la probité les cardinaux. de fes officiers, qu'à leur nombre, & à leurs talens pour le monde. Il voulut que chacun lui déclarât son vita Pii V. lib. x. nom, fon emploi & fes bénefices: il enjoignit aux prêtres de célebrer la fainte messe au moins trois fois la femaine, aux autres diacres & foudiacres de communier tous les quinze jours: apparemment qu'il leur fuppofoit les difpofitions faintes, qu'il faut apporter, pour recevoir le facrement de l'eucharistie dignement. Il ordonna à ceux qui avoient quelque ordre dans l'églife, ou qui jouiffoient des biens ecclefiaftiques, d'avoir la tonfure, & de ne porter aucun habit de soye. Il les exhorta à étudier les écrits des faints peres; il éta blit à cet effet pour eux trois leçons de théologie chaque femaine en fon palais; & chargea celui qui en avoit le foin de veiller à l'obfervance de ce reglement. Mais peu fatisfait d'avoir établi cette police dans fa maison, il ordonna encore aux cardinaux de réformer leur train, d'éviter le fafte, & de mener une vie fobre & frugale. Il établit la coûtume de fonner de la trompette toutes les fois que le pape & le facré college entroient au confiftoire; il fit fortir de Rome

AN. 1565.

tous les parens à l'exception de deux neveux, dont l'un étudioit au college des Allemands, & un autre qu'il retint auprès de lui, & qu'il éleva au cardinalat. Il voulut auffi, que les cardinaux, qui ne fatisferoient point à leurs dettes, y fuffent contraints, comme les autres par juftice, même par la faifie de leurs biens & de leurs meubles. Enfin il renouvella la défense qu'In- LXXV. nocent III. avoit faite aux médecins de vifiter leurs ma- titutions de ce

Différentes conf

in Bullar. receCiacon. loco fup.

dit. & conftit. 12.

citato.

8.

part. 2. Bullariš Martii 1566.

lades plus de trois jours, s'ils ne s'étoient confeffez pape. pen- Pii V. conftit dant cet intervale. Et il défendit aux prêtres Grecs, 3. & fur-tout à ceux qui étoient mariez, de célebrer la messe, ou quelqu'autre office divin, autrement que felon le rite Grec, & aux prêtres Latins de pratiquer les céremonies des Grecs; ce qu'on doit entendre des messes folemnelles. Ce pape fit auffi imprimer le catéchifme en latin, en françois, en allemand, & en polonois pour l'inftruction des jeunes gens. Il publia les bréviaires & les miffels corrigez avec beaucoup de foin & de dépenfe. Il défendit de donner en fpectacle des combats de bêtes dans le cirque, comme une chofe indigne de la pieté chrétienne. Il s'employa à rétablir la difcipline monaftique, dont il ne reftoit presque aucun veftige en plufieurs monafteres; il excommunia les moines apoftats, & vagabonds, & enjoignit aux généraux des ordres de s'informer diligemment des libertins, & de les ramener dans la voie du falut, s'il leur eft poffible. Il envoya de même dans toute l'Italie des vifiteurs pour examiner, fi les évêchez, les chapitres, les colleges, & les monafteres étoient bien gouvernez & lui en faire exactement leur rapport; car quoiqu'il fût déja affez avancé en âge, il vouloit néanmoins entendre, voir, & connoître par lui-même

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