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Strada, L. s.

fi

ressouvenir des demandes qu'il lui avoit faites. Il étoit AN. 1566. accompagné de Louis de Nassau, & des comtes de De Thou, L. 40. Bergh & de Culembourg, principaux chefs de la faction; & demanda les mêmes chofes par une nouvelle requête. Il ajouta qu'il n'étoit pas à propos de différer & d'attendre d'Espagne la résolution du roi, les peuples étant devenus furieux, & prêts à fe foulever; que pour eux ils avoient été obligez par l'amour de la patrie, de lui déclarer que les Flamands étoient disposez à une fédition qu'ils feroient bien - tôt éclater : Que fi néanmoins elle avoit réfolu contre un mal fi pressant d'ufer de lenteur, & d'attendre le remede d'un pays éloigné, il prenoit le ciel à témoin, que la noblesse de Flandres ne feroit pas coupable des événemens malheureux, qui menaçoient le pays. Mais la gouvernante, fans s'émouvoir, lui répondit, qu'elle fe chargeroit du soin non-feulement de faire venir promptement les ordres d'Espagne, mais encore d'ôter les occafions du tumulte, en avertiffant les inquifiteurs & les magiftrats des villes d'exercer leurs charges avec plus de modération. Elle leur demanda seulement une chofe, que puifqu'ils croyoient avoir satisfait à leur devoir, ils ne fiffent plus rien de nouveau fur ce sujet ; qu'ils ne follicitaffent perfonne pour entrer dans leur union, & qu'ils ne fiffent plus d'affemblées fecretes: qu'autrement elle feroit ce qui dépendoit de fa charge & de l'autorité que le roi lui avoit donnée pour maintenir dans le Pays-Bas l'ancienne religion de ses ancêtres, & l'autorité royale..

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Les conjurez pu

Les confédérez, après ces paroles, fe retirerent, & blient un écrit pour fortirent de la ville, à l'exception de quelques-uns fédération. qui y refterent pour obferver toutes chofes. BrederoStrada, loco fu de, & les comtes de Culembourg & de Bergh parti

appuyer leur con

prà citato.

du

rent avec plus de cent cinquante cavaliers; le premier pour Anvers, & les deux autres pour la Gueldre. La AN. 1566. gouvernante, inftruite par fes efpions, que Brederode y foulevoit les peuples; quoique le magiftrat lui eût écrit qu'il fe contenoit dans les bornes de la modération, en écrivit au roi. Cependant les autres conjurez répandirent le bruit dans les provinces, qu'ils avoient obtenu tout ce qu'ils prétendoient; & pour le faire croire, ils publierent un écrit supposé fous le nom des chevaliers de la Toifon d'or, ou pour rendre la foi de ces chevaliers fufpecte, ou pour faire accroire au peuple que cet ordre les favorifoit. Dans cet écrit les chevaliers juroient & promettoient aux députez corps de la nobleffe, que les inquifiteurs de la foi, & les magiftrats ne puniroient perfonne à l'avenir ni de la prison, ni de l'exil, ni de la confifcation des biens pour la religion, à moins qu'on ne fût coupable d'avoir foulevé le peuple; qu'ils entendoient, qu'il n'y eût point d'autres juges de ce crime que les confédérez, tant que le roi n'en auroit pas autrement ordonné du consentement des états de Flandres. La gouvernante ayant vû cet écrit, en eut de grandes inquiétudes; & pour empêcher qu'il ne féduisît les peuples, elle affembla les neurs de provinchevaliers, à qui elle le préfenta. Lecture faite, les ces; touchane ces comtes d'Egmond & de Mansfeld l'affurerent que les chevaliers n'avoient rien fait de femblable ni rien dit de tout ce que l'écrit contenoit, & elle en donna auffi-tôt avis aux gouverneurs des provinces, afin qu'ils détrompaffent le peuple; elle leur envoya en mêmetems une copie de la requête des nobles avec fa réponse en marge, & leur marqua, que tout ce qu'on pourroit publier au contraire, étoit un invention des

CIV. La gouvernante écrit aux gouver

écrit.

féditieux. Mais pour plus grande fûreté, elle députa AN. 1566. en Espagne Florent de Montmorenci, baron de Montigni, qui arriva à Madrid le dix-feptieme de Juin. Le roi le reçut affez bien, & lui donna des lettres, par lesquelles il promettoit de fe rendre inceffamment en Flandres, & d'y modérer les édits de l'empereur Charles V. fon pere, s'ils étoient trop séveres. Il le promit, & n'en fit rien. Le peuple s'en apperçut, & voyant qu'il n'y avoit rien de favorable à attendre d'Espagne; çachant d'ailleurs que la cour de Rome, & le pape en particulier preffoient le roi d'Efpagne & la gouvernante d'agir avec toute févérité, tint des affemblées, & alla. publiquement aux prêches, pour donner du courage par cette liberté à ceux de fon parti, & intimider fes ennemis par le nombre qui s'augmentoit tous les jours. La ville d'Ypres fut la premiere où on commença à prêcher publiquement, à parler mal du pape, du concile de Trente, des inquifiteurs, & de toute la religion. On contínua dans le Brabant, dans la GuelLes héretiques dre & dans la Frife, dans les villes & dans les campa publics, où le peu- gnes, où le peuple accourut de tous côtez, d'abord. fans armes, enfuite avec des épées pour se défendre, Strada, loco fu & enfin avec des arquebufes; & vers le commencement du mois de Juin l'on fit des prêches en Allemand & en François dans une campagne auprès d'Anvers : ce qui fut cause que le confeil de cette ville écrivit à gouvernante pour la prier de venir elle-même appaifer ces mouvemens. Mais ayant demandé quelquetems pour fe déterminer à ce voyage, elle fit pendant ce tems-là publier un édit fort févere contre ceux qui faifoient des affemblées; mais il ne fit qu'augmenter linfolence des heretiques, Ils s'affemblerent encore au,

CV.

font des prêches

ple accourt.

De Thou, 4.

prà citato.

la

teurs,

AN. 1566.

CVI.

la gouvernante.

Strada, 1.4.

nombre de plus de quinze mille hommes, & préfenterent une requête au confeil le troisieme de Juillet, dans laquelle ils prétendoient montrer , que les prê Autre requête ches qui fe faifoient auparavant en fecret, devoient fe qu'ils présentent à faire alors en public à cause du grand nombre d'audi- "De Thou, L. 40: & demanderent qu'on leur affignât un lieu pour éviter le trouble & la confufion; que le magiftrat avoit ce pouvoir suivant leurs privileges; & ils le montrerent par des exemples. Le confeil envoya auffi-tôt cette requête à la gouvernante, & la pria une seconde fois de fe rendre à Anvers, & d'y établir fa demeure. Mais ayant répondu, qu'elle ne pouvoit y consentir, moins qu'on n'y mît une garnifon de gens de guerre, les habitans s'y oppoferent, & elle ne vint point. Elle fe contenta d'y envoyer le comte de Megue pour examiner fi l'on pouvoit efpérer quelque fecours des citoyens, afin d'appaifer les troupes. Mais aufsi-tôt qu'on s'apperçut de l'arrivée du comte, le foulevement commença, & l'on publioit de tous côtez, que le comte d'Aremberg devoit le fuivre de près avec douze compagnies; que quand la ville feroit remplie de foldats, la gouvernante y entreroit, qu'elle y établi roit l'inquifition, & qu'elle y feroit bâtir une citadelle : & comme ces bruits augmentoient confidérablement ; le comte de Megue fut rappellé, & le prince d'Orange y fut envoyé à la place, felon les fouhaits du peuple, qui le demandoit avec empreffement. Brederode vint au-devant de ce prince, à mille pas de la ville, fuivi de tous les habitans, & on lui fit une réception accompagnée de tant d'applaudiffemens & de démonstrations de joie, qu'il fut obligé d'arrêter le peuple, jufqu'à s'offenfer des difcours qu'on tenoit en

CVII.
Le prince d'O
range arrive à
Anvers

fa faveur. Il defcendit au palais, & commença dès la AN. 1566. même nuit à traiter avec le magiftrat des moyens de retenir le peuple dans fon devoir, & de diffiper ces affemblées féditieuses. Mais tandis qu'on cherchoit des remédes au mal, il augmentoit de plus en plus, & les assemblées n'étoient pas moins nombreuses, quelques foins que fe donnât le prince pour les diffiper. Les chofes étoient en cet état, lorfqu'un accident inopiné donna de nouveaux embarras à la gouver

CVIIL 'Assemblée des

nante.

On lui rapporta que le confédérez voyant qu'on ne confédérez à S. parloit plus de convoquer les états, comme on l'avoit Tron. fait efpérer, faifoient de nouvelles entreprises, & s'éStrada, s. toient assemblez au nombre d'environ deux mille à

De Thou, l. 40.

faint Tron petite ville de l'évêché de Liege aux confins du Brabant. Les habitans craignant qu'on ne fit le dégât fur leurs terres, & qu'on ne brûlât leurs maifons, reçurent dans leur ville Brederode & tous les autres, malgré les défenfes du gouverneur. On y tint une affemblée vers le milieu de Juillet, mais on n'y prit aucune résolution. La gouvernante leur envoya le prince d'Orange & le comte d'Egmond, qui fe trouverent avec Brederode & les principaux de la conjuration dans un village proche Anvers appellé Duffel, afin de conférer enfemble: ils exhorterent au nom de la gouvernante de ne rien entreprendre de nouveau, en attendant la résolution du roi, de ne point donner à ce prince un juste sujet de s'irriter contr'eux; de démeurer dans le devoir; de réprimer l'infolence des fec taires, qui fe vantoient d'être prêts à faire éclater la fédition & la révolte, & d'empêcher les prêches au sant qu'ils le pourroient.

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Les

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