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& des confeillers, qui toutefois ne pouvoient rien décider, fans auparavant l'avoir communiqué au confiftoire d'Anvers, comme au principal. Ils firent encore alliance avec l'électeur Palatin, & les autres princes heretiques d'Allemagne, ennemis de la maison d'Autriche. Le comte de Megue fit fçavoir à la gouvernante, qu'on levoit douze cens chevaux en Saxe, par ordre du prince d'Orange: d'autres lettres fecretes qu'elle reçut de France, l'avertirent que les Calvinistes de ce royaume, par l'entremise de l'amiral Coligny, avoient réfolu d'envoyer aux Flamands dix compagnies de cavalerie, & trente d'infanterie, qu'on leveroit en Allemagne, parce que Charles IX. avoit défendu de faire des levées en France. Enfin les confédérez reçurent des lettres de Conftantinople d'un certain Jean Muches, ou Miches, Juif favori du Sultan Selim II. qui mandoit aux fectaires d'exécuter au plutôt la confpiration faite contre les catholiques; que l'empereur des Turcs faifoit de grands préparatifs contre les Chrétiens & que dans il donneroit tant d'affaires au roi Philippe, qu'il n'auroit pas feulement le tems de fonger aux Pays-Bas.

peu

AN. 1566.

Requêtes des hé

Ces nouvelles enflant le courage des confédérez, il CXXII. fut résolu dans le confiftoire d'Anvers, que, puifqu'on rétiques à la gouavoit une fi belle occafion de fortifier le parti, on le- vernante, par le veroit autant d'argent qu'il feroit poffible, pour s'en te. Strada, loco fu

comte d'Hoeftra

fervir dans le befoin, & auffi-tôt on commença cette prà cit. 1. §. levée avec beaucoup de zéle. Le comte d'Hoestrate qui cominandoit dans Anvers pour le prince d'Orange, envoya dans le même-tems à la gouvernante une requête qui lui avoit été présentée, & dans laquelle les fectaires demandoient pour eux, & pour tous ceux

de leur parti, le libre exercice de leur religion, & of AN. 1566. froient au roi pour cette grace trois millions de florins; mais on crut que c'étoit un artifice pour avoir occafion de lever de l'argent de tous côtez, & pour tromper les Espagnols en leur offrant une fi grande fomme peut-être auffi n'offroit-on en apparence une fomme fi confidérable, que pour faire voir la force & & les facultez du parti. On fit courir en Flandres plufieurs copies de cette requête, où étoient écrits les noms des nobles & des marchands, qui s'obligeroient de fournir cet argent. Mais la gouvernante peu touchée de ces offres, ne daigna pas répondre au comte d'Hoeftrate: elle envoya néanmoins cette requête au roi, pour l'engager à fe hâter, & à ne plus ufer de remise.

CXXIII.
Elle travaille à

derez.

Strada de bello Belgico, l. s.

Cependant la gouvernante bien inftruite de tout ce défunir les confé- qui s'étoit paffé dans ces confiftoires, après avoir reconnu que le bruit du voyage du roi en Flandres avoit déja refroidi quelques-uns des conféderez, usa d'artifice pour tâcher de les gagner entierement. Elle leur écrivit des lettres remplies de témoignages d'affection & de confiance; elle y ajoûta des promeffes qu'elle leur fit faire en particulier; & comme elle avoit des blancs signez de la main du roi, elle en remplit quelquesuns, qu'elle adreffa à ceux qu'elle connoifoit n'être pas ennemis de la religion, en les exhortant de la défendre, & de maintenir les peuples dans le refpect, dans l'ancienne obéiffance. Elle fit diftribuer ces lettres de telle forte, que ceux qui n'en avoient point, en fussent informez, afin d'exciter entr'eux des foupçons & des jaloufies. Dans le même-tems il arriva fort à propos que cette princeffe reçut quelques lettres écrites de

&

la main du roi, adreffées au prince d'Orange, & rem- AN. 1566.

plies de témoignages d'affection; lefquelles furent auffitôt imprimées, & rendues publiques. Elles produifirent cet effet, que beaucoup de confédérez craignant d'être abandonnez par les autres, qu'ils voyoient chancélans, & fe dégoûtant de quelques-uns, à qui ils croyoient être fufpects & odieux, réfolurent de ne plus fe trouver aux affemblées; fe retirerent en leur logis, pour ne penfer qu'à leurs intérêts particuliers; ou fe donner à la gouvernante, & aimerent mieux fe rendre dignes de la bienveillance du roi, que d'éprouver fon indignation.

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pour

CXXIV.
Sa réfolution

abattre l'au

dace des féditieux. Strada loco fue

Cette divifion des confédérez anima le courage de la gouvernante; elle fe réfolut d'employer la force pour abattre entierement l'audace des féditieux; & pour y mieux réuffir, elle écrivit à tous les évêques prà d'ordonner des prieres & des jeûnes, pour implorer le fecours de Dieu, & appaiser sa colere. Elle dépêcha un courier en France à d'Alava ambaffadeur du roi d'Efpagne, pour l'avertir des deffeins des heretiques; & elle informa l'empereur des demandes que les Flamands devoient faire dans la diete, & des menaces de l'électeur de Saxe, & du Palatin. Le comte de Manffeld s'offrit à la gouvernante, pour aller trouver l'empereur, & lui promit de détourner l'électeur de Saxe de son dessein, en l'occupant dans fes états. Mais comme ce comte lui étoit néceffaire, elle loua fon zele, le fit fçavoir au roi, & obligea Mansfeld de refter auprès d'elle. Le nombre des foldats fut augmenté dans les provinces; les gouverneurs y furent renvoyez avec de plus fortes garnifons, & la gouvernante fit publier un édit par lequel elle impofoit des

l. s.

AN. 1566.

CXXV.

née à Brederode

zroupes.

Belgico, l. s.

peincs févéres aux rébelles. Elle envoya une copie de cet édit au roi, à qui elle manda qu'on l'avoit jugé nécessaire, pour reprimer les entreprites des heretiques, & que tous ceux du confeil fecret y avoient confenti, à l'exception du comte d'Egmond, qui regardoit la publication de cet édit, comme le fignal qui alloit faire prendre les armes à tous les peuples des Pays-Bas. Ce qu'il difoit, arriva en effet.

On fe hâta d'armer, on fe trouva au confiftoire en Commiffion don plus grand nombre; les assemblées furent tenuës avec pour lever des plus de foin & de circonfpection; enfin on réfolut de Strada de bello recourir aux armes, puifque la gouvernante vouloit employer la force; de lever des foldats en partie dans le Palatinat, & de se servir principalement des troupes que le Palatin avoit offertes. On en donna la commiffion à Brederode, avec les noms des marchands d'Anvers, qui devoient fournir l'argent nécessaire pour la folde des gens de guerre. Brederode fans diffé

rer, nomma des gens pour lever ces deniers,
& pour
tréforier, Philippe Marnix de fainte Aldegonde: &
Louis de Naffau fe chargea de traiter avec le duc de
Saxe; mais la guerre que ce prince avoit dans fes états,
& le peu d'efpérance que les confédérez avoient d'en
tirer fi promptement du fecours, les obligea de s'af-
fembler à Breda ville du prince d'Orange, où trois
choses furent arrêtées. 1. Qu'ils écriroient au comte
d'Egmond, pour l'attirer dans leur parti. 2. Que par
une nouvelle requête ils rendroient compte de leurs
actions à la gouvernante. 3. Que néanmoins ils leve-
roient des troupes en Flandres le plus promptement
qu'il leur feroit poffible.

En conféquence de cette délibération, le prince.

AN. 1566.

CXXVI. Requête des cons

la gouvernante.

De Thou, l. 40i

d'Orange, le comte d'Hoeftrate & Brederode adrefferent en commun une lettre au comte d'Egmond, & le prierent de s'unir à eux, l'affurant que par cette union, ils feroient ceffer les prêches des heretiques, & que par-là ils détourneroient le roi de venir avec une armée dans les Pays-Bas, ou qu'ils pourroient l'empêcher d'y entrer, en se joignant ensemble, fuppofé qu'il ne voulût pas changer de résolution. Mais le comte refusa d'entrer dans cette ligue. Dans le même- féderez envoyée à tems Brederode qui vouloit préfenter à la gouvernante Strada loco fu une nouvelle requête des confédérez, fit demander à prals. cette princesse un sauf-conduit, pour se transporter fûrément à Bruxelles ; mais ne l'ayant pû obtenir, il prit le parti d'envoyer la requête à la gouvernante. Elle contenoit beaucoup de plaintes de la part des nobles, de ce qu'on vouloit armer contr'eux malgré ce qu'ils avoient fait pour défarmer les peuples, & appaifer les féditions ; de ce qu'on les chaffoit des villes, & de ce qu'on les obfervoit dans la campagne, & de ce qu'enfin on les doit par-tout comme des ennemis. Ils prétendoient que toutes ces choses étoient contre leur réputation, leur fidélité & la tranquillité des peuples. En conféquence ils fupplioient son altesse de confirmer la fûreté qu'elle avoit donnée aux confédérez & de permettre aux peuples les prêches, & tout ce qui en dépend. Ils promettoient de se tenir contens, fi elle licentioit les foldats levez depuis peu de tems, & fi elle revoquoit les édits contraires aux conditions accordées. Ils protef toient de demeurer après cela fi étroitement obligez au roi & à son alteffe, qu'ils préféreroient toujours la gloire & la grandeur de l'un & de l'autre à leur vie & à leur fortune. Qu'autrement ils prévoyoient un grand

regar

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