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la garnison de la citadelle. Après quoi il alla former

AN. 1567. le fiege de Valenciennes, quoique Philippe II. ne parût pas l'approuver; l'opiniâtreté du peuple fit changer ce prince de fentiment.

LIV.

kerme fe rend

ciennes.

Strada, ut fup.

1. 6.

La

a gouvernante néanmoins pour répondre aux preLebaron de Nor- mieres intentions du roi, tenta toutes chofes pour maitre de Valen- obliger les rebelles à fe reconnoître; elle leur envoya le comte d'Egmont & le duc d'Arfcot, afin d'effayer par leur autorité de leur faire prendre de meilleures réfolutions: ils leur propoferent de se rendre, & de recevoir une garnison; que c'étoit en vain qu'ils comptoient fur le fecours des étrangers, qu'ils devoient fe redimer de leur rebellion par leur repentir, & détourner la colere du prince, & la ruine de leur patrie, pendant qu'ils le pouvoient encore par la foumiffion & l'obéiffance. Mais toutes ces raisons n'ayant point été écoutées; ces deux seigneurs se retirerent fort irritez, & Norkerme eut ordre de preffer le siege, & de battre promptement la ville. Elle fut battuë fi vigoureusement, & avec tant de fuccès, qu'en moins de quatre heures la meilleure fortification fut ruinée. Les habitans étonnez de ces commencemens voyerent deux trompettes pour prier Norkerme de vouloir entendre les députez au fujet de la reddition de leur ville. Ces députez arriverent fur le foir au nombre de vingt; mais le commandant s'étant mocqué d'eux, fit continuer la batterie pendant toute la nuit, fans aucune interruption; en forte qu'à peine le jour commença à paroître, que d'autres députez parurent pour fe rendre à la clémence & à la difcrétion de la gouvernante. L'attaque dura trente-fix heures, & l'on y tira trois mille coups de canon, qui endomma

,

en

gerent fort les murailles, fans tuer beaucoup d'hom

mes.

Le même jour qui étoit le dimanche des Rameaux vingt-quatre de Mars, Norkerme entra dans la ville avec treize compagnies d'infanterie. Les femmes & les enfans vinrent au-devant de lui, avec des rameaux à la main, implorant d'une voix triste la clémence & la compaffion du vainqueur : il les fit retirer avec bonté, & défendit le pillage. Enfuite il désarma le peuple, ôta à la ville quatre-vingt piéces de canon qui s'y trouverent, & toutes les munitions de guerre ; enfin il fit rechercher les auteurs de la rébellion, & les miniftres des heretiques: trente-fix des principaux rebelles furent arrêtez prifonniers; mais on ne put prendre aucun miniftre: ils avoient tous trouvé moyen de fe retirer fecretement de la ville, quoiqu'on eût eu foin d'en fermer les portes, & qu'on y eût mis des gardes. Ils furent néanmoins peu de tems après arrêtez proche de faint Amand, & après avoir été affez longtems prifonniers, le baron fit pendre Guy de Brés, & Peregrin de la Grange, avec quelques-uns des habitans les plus coupables. Tous les magiftrats & les officiers de la ville furent changez, & pour punition on ôta à Valenciennes fes privileges & fes immunitez, jufqu'à ce qu'il plût au roi de les lui rendre. La gouvernante lui manda ce fuccès, & lui marqua les noms des capitaines, & même des foldats qui s'étoient fignalez dans ce fiege, le priant de lui permettre d'appliquer les biens confifquez des coupables à recompenfer la fidelité & le courage de ceux qui l'avoient fì bien fervi. Les choses ainfi terminées, l'on rétablit le culte divin dans les églises, on fit venir l'évêque d'Arras,

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AN. 1567.

LVI.

exige un ferment

des magiftrats. Strada ut fup.

lib. 6,

& l'on mit dans la ville une garnifon de huit compagnies pour contenir le peuple dans fon devoir.

Cependant la gouvernante informée que le roi se La gouvernante préparoit à venir lui-même en Flandres, jugea à pro'des feigneurs & pos d'exécuter ce qu'elle avoit projetté depuis longtems, qui étoit de faire jurer les feigneurs & les ma-giftrats de fervir fidelement le roi contre ceux qui seroient déclarez criminels de leze-majesté, sans exception de perfonne. Elle exigeoit ce ferment non pour fçavoir les fentimens de quelques-uns, dont elle n'étoit que trop affurée, mais pour les priver de leurs charges d'une maniere moins odieufe, s'ils refufoient de jurer, ou pour les punir, s'ils manquoient à leur ferment, & par-là procurer la paix dans les Pays-Bas. Dès le commencement de cette année elle communiqua fon deffein au confeil, & dit qu'elle feroit ravie que les plus grands feigneurs fiffent ce ferment les premiers; parce qu'ils feroient infailliblement fuivis de beaucoup d'autres, Pierre Erneste de Mansfeld promit le premier de jurer : de jurer le duc d'Arfcot & les comtes d'Egmont, de Mégues & de Barlemont firent de même, & l'exécuterent. Mais Henri de Brederode, qui fervoit le roi & commandoit une des quatre compagnies de la cavalerie de Flandres, après plufieurs exhortations de la part de la gouvernante, refufa de jurer, & se démit de fa charge, Les comtes de Horn & d'Hocftrate refuferent auffi, mais avec plus de civilité; ils dirent qu'ils étoient affez engagez par le ferment qu'ils avoient fait dans les années précedentes. Ce refus détermina la gouvernante à ôter le gouvernement de Malines à ce dernier, & elle le donna au baron de Semier recommandable par fa religion & fa fidelité.

par

Le

Le prince d'Orange ayant refusé de prêter le serment, écrivit à la gouvernante pour la prier de don- LVIL

AN. 1567.

Le prince d'O

range le refufe, &

fe démet de fes

charges.

Strada, ut fup. 1.6.

ner un gouverneur aux Hollandois, aux Zelandois &
aux Bourguignons, puisqu'il connoiffoit que c'étoit
la volonté du roi qu'il le défit du gouvernement de ces
provinces. Cette propofition la furprit beaucoup : &
comme elle ne vouloit pas avoir ce prince pour en-
nemi, elle lui envoya à Anvers Jean-Baptifte Berti
fon fecretaire qui le trouva qui vivoit en homme
privé: il lui remit les lettres de la gouvernante, & lui
représenta par beaucoup de raifons que le deffein qu'il
avoit de quitter les gouvernemens, n'étoit approuvé,
ni par cette princeffe, ni par aucun des grands fei-
gneurs, non-seulement parce qu'il étoit préjudicia-
ble aux provinces, & honteux à lui-même; mais en-
core parce que ces gouvernemens ayant été donnez par
le roi, la gouvernante ne pouvoit les ôter de son auto-
rité; & que ceux qui les avoient, ne pouvoient s'en
défaire que du consentement du roi ; qu'ainfi il devoit
reprendre le foin des affaires publiques, & penfer que
ce n'étoit pas fans raifon que le roi, au milieu des trou-
bles qui agitoient ces provinces, demandoit des gou-
verneurs qui fuffent zelez pour le service du fouve-
rain, en renouvellant leur ferment. Le prince d'O-
range repliqua en préfence du comte d'Hocftrate,
qu'il avoit refufé de prêter le ferment pour de bonnes
raifons. 1. Parce qu'on n'avoit jamais demandé ce fer-
ment aux précedens gouverneurs, & que l'ayant prêté
au roi depuis long-tems, comme les autres feigneurs,
on pourroit croire qu'il y auroit contrevenu, s'il étoit
obligé de le renouveller. 2. Qu'ayant juré de conferver
& de défendre les privileges des provinces dont il étoit
Tome XXXIV.

Kkk

AN. 1566.

chargé, il ne pourroit obéir, fi l'on commandoit quelque chofe qui y fût contraire, parce qu'il feroit retenu par fon ferment ; & qu'il feroit toutefois obligé d'obéir, s'il avoit juré d'exécuter tout ce qui lui feroit ordonné de la part du roi.

Il ajoutoit que dans la formule du ferment, on n'exceptoit pas même l'empereur dont il étoit vassal, & contre qui par conféquent il ne prendroit jamais les armes; qu'on n'exceptoit pas fes enfans & ses amis, comme le duc de Cleves, & beaucoup d'autres, à qui il lui feroit impoffible de faire la guerre. Il joignit à ces raisons qu'on faifoit tous les jours contre ceux qui n'étoient pas catholiques une infinité d'édits, dont il ne vouloit pas être le miniftre; qu'il avoit horreur de ces fupplices, aufquels on condamnoit tant de monde à caufe de la religion: que par ce ferment il pourroit être contraint de faire mourir fa femme même qui étoit Luthérienne ; & qu'enfin il avoit à considérer que celui qui devoit bientôt arriver pour commander en Flandres au nom du roi, tel que pouvoit être le duc d'Albe, pouvoit être d'une telle condition, qu'il feroit honteux à une perfonne de fa naissance de lui obéir; on croyoit en effet qu'il étoit indigné de l'arrivée de ce duc, & qu'il s'étoit perfuadé qu'il ne pouvoit s'y fier avec fûreté. Le fecretaire de la gouvernante, après avoir repliqué à toutes ces raifons du prince, le pria, qu'avant que de prendre fon parti, il eût une conférence avec le comte d'Egmont, ou quelqu'autre qu'il voudroit choifir entre les feigneurs de Flandre.

Le prince d'Orange y confentit, & affigna Villebroch, entre Bruxelles & Anvers, pour le lieu de la

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