Page images
PDF
EPUB

il n'y eut dans les Pays-Bas, ni ville, ni bourg, ni châAN. 1567• reau, qui ne chassât à l'envi les ministres de l'hérésie

LXVIL

inquiéte de la re

a

& les auteurs des feditions, & qui ne se soumît à la difcrétion & à la clémence du roi. On défendit entierement les prêches à Oudenarde, & afin d'empêcher les Proteftans de s'affembler à Bruges, l'on envoya au lieu où se faisoit le prêche, commander au ministre de comparoître le lendemain devant le magistrat : mais ce ministre au lieu d'obéïr, prit la fuite, & se sauva. Un peu après un autre ayant entrepris de prêcher publiquement contre l'édit du fouverain, & la défenfe du magiftrat, il fut mis en prison ; ce qui donna tant de crainte, que dans la fuite il n'y eut plus de prêches. Enfin partout les églises furent rétablies; l'on renouvella les anciens décrets touchant la religion; des enfans même qui avoient été baptifez par les Proteftans, furent rebaptifez de nouveau, pour diffiper les fcrupules de quelques femmes, ou peut-être parce qu'on n'avoit pas observé la matiere & la forme prefcrites par l'églife. Enfin les temples que les heretiques avoient fait bâtir avec autant de magnificence que le peu de tems avoit pû le permettre, furent abatus, & les peuples s'y employerent avec tant d'ardeur, que celui de Gand qui étoit un grand édifice, fut rasé en moins d'une heure.

Au milieu de ces heureux fuccès & profpéritez, il La gouvernante n'y avoit qu'une chose qui inquiétât la gouvernante; traite de plufieurs, elle voyoit qu'un grand nombre de Flamands ne deStrada, ut fup mandoient point pardon de leurs fautres, & qu'ils abandonnoient tous les jours le pays, épouvantez du bruit de l'arrivée du roi; qu'au défavantage des villes de Flandres, ils s'établissoient chez les peuples voifins,

46.

&

& y tranfportoient leur commerce, & leurs manufactures. C'est ce qui l'avoit fouvent obligée de prier le roi Philippe, ou de lui accorder le pouvoir de pardonner, & d'accommoder les affaires, ou de venir au plutôt lui-même dans les provinces tout-à-fait calmes, & difpofées à fe foumettre; non pas les armes à la main, mais avec la bonté d'un roi, qui doit plus être le pere de fes fujets que leur maître.

Philippe avoit paru touché de ses représentations, mais le bruit de fon voyage en Flandres s'étant répandu en Espagne, il crut qu'il devoit changer de deffein, & envoyer en fa place le duc d'Albe, en laiffant cependant toujours courir le bruit qu'il iroit lui

même.

à

Le duc d'Albe s'embarqua à Carthagene, fur les galeres que Jean-André Doria y avoit conduites, fuivant les ordres du roi, & il mit à la voile le dix de Mai. Le trajet fut heureux, la flotte aborda à Genes, & le duc d'Albe qu'une maladie avoit obligé de s'arrêter Nice avec quatre galeres, fe rendit enfuite lui-même dans cette ville. Il y fit choix de quatre compagnies de nouvelles levées qu'il avoit amenées avec lui, & les ayant incorporées dans les vieilles troupes destinées pour les Pays-Bas, il partit pour s'y rendre, prenant fon chemin par la Savoye.

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

LXIX.

Il entre dans Bru xelles & va faluer

la gouvernante.

441. hoc. an.

Strada, l. 6

Il arriva à Bruxelles le vingt-deux d'Août & alla droit chez la gouvernante, avec laquelle il n'eut pour lors qu'un entretien fort court; le lendemain il lui De Thou, in hift. envoya les lettres du roi, qu'il avoit apportées d'Efpagne, & la copie des ordres par lefquels Philippe donnoit au duc le commandement des armées dans les Pays-Bas, laissant à la princesse sa sœur ladministraTome XXXIV.

[ocr errors]

tion des affaires d'état. Le même jour il alla lui faire AN, 1567. vifite ; & il lui marqua d'abord tout le refpect & toute la vénération que méritoit la fille d'un empereur, & la fœur de fon fouverain; mais après que ceux qui l'accompagnoient fe furent retirez, il lui montra des ordres plus amples que ceux dont il lui avoit déja envoyé copie. Par ces ordres le roi lui attribuoit, outre le souverain commandement des armées, la connoiffance de tout ce qui concernoit la religion; avec le pouvoir de punir les magiftrats, de les dépofer, d'en mettre d'autre en leur place, d'accorder la grace des fautes commises, ou d'en châtier les auteurs, de bâtir des citadelles, & de regler feul avec une entiere autorité dans le civil, ce qui feroit de fa fonction, même de celle de la gouvernante, qui fe plaignoit avec raison de ce pouvoir exceffif, dont on revêtiffoit un homme, qui fa naiffance lui étoit bien inférieur.

par

Le duc après avoir diftribué les troupes dans le Brabant, aux environs de Bruxelles, répondit par un écrit imprimé au nom du roi, à la requête préfentée l'année précédente; & faifant revivre les ordonnances de Charles V. & de Philippe, au fujet de la religion & de l'inquisition, il fit perdre l'efpérance de les modérer, & de convoquer l'affemblée des états généraux de Flandres. Enfuite il renvoya aux états de chaque province des lettres de créance, leur fit fçavoir ce que le roi lui avoit mandé, les exhorta d'obéir au fouverain, de quitter les armes, & d'embraffer l'ancienne religion. Il fit même imprimer les lettres patentes, afin qu'on doutât moins de l'autorité que le roi lui avoit confiée. Et comme par fes inftructions fecretes, il étoit chargé de réduire tous les grands qui étoient sus

pects; il ne tarda pas à fe fervir de ce pouvoir, pour à fe fervir de ce pouvoir, pour AN. 1567. faire arrêter le comte d'Egmont & de Horn, & la plus grande partie de la nobleffe qu'il avoit mandée à Bruxelles fous de faux prétextes. La gouvernante offensée de cette conduite, à laquelle elle n'avoit aucune part, envoya Machiavel en Espagne pour demander au roi qu'il lui fût permis de fe retirer, & en ayant obtenu la permiffion, elle remit les foibles reftes de l'autorité qu'elle avoit encore, entre les mains du duc d'Albe, & fe prépara à son départ.

LXX. Commencemenc

du duc.

4.6.

Strada, ut fup

LXXI.
Le duc d'Albe éta

Strada, de bello

Le duc devenu encore plus puiffant par cette ceffion, & autorisé par le roi pour gouverner abfolu- du gouvernement ment les Pays-Bas, établit un conseil de douze juges, De Thou, in auquel il présidoit, pour juger fouverainement des hist. l. 41. n. 3. matieres qui concernoient les troubles paffez. D'abord on y nomma quelques grands feigneurs Flamands, mais feulement pour la forme, comme les comtes d'Aremberg & de Barlemont, qui n'y parurent jamais; Norkerme les ayant remplacez. Tous ces confeillers étoient ou Efpagnols, ou gens livrez à cette nation, blit un confeil de comme Jean de Vargas, & Louis Del-Rio jurifcon- douze juges. fultes Efpagnols, Adrien Nicolai chancelier du con- Belg. L. 7. feil de Gueldres, Jean de la Porte, Jacques Heffels, nal. l. 2. p. 29. Jean Blaser seigneur du Bois, procureur général, & Jacques de la Torre fecretaire. Leur jurisdiction fut depuis fort étendue par le duc d'Albe, au préjudice des privileges des peuples, de l'autorité des cours, & principalement du confeil fouverain des Pays-Bas ; car il ôta les appellations, & attribua à ce nouveau confeil une connoiffance entiere de tout ce qui regardoit la religion, & le crime de léze-majefté; ce qui fut encore dans la fuite extraordinairement augmenté; en

Grotius in an

forte qu'il n'y avoit point de différence entre ce conAN. 1567. feil, & l'inquifition d'Espagne.

Les chofes étant ainfi reglées, l'on mit en prifon à Tournai, à Malines, à Gand, & à Anvers, un grand nombre de personnes; & plufieurs ayant été conduits au fupplice, l'on en conçut tant de haine, & tant d'horreur contre ce confeil, qu'on l'appella un conseil * En Flamand, de trouble & de fang.

den Bloetradt.

LXXII.

De Thou, hift.

[ocr errors]

Le duc d'Albe fe rendit enfuite à Anvers, où l'on Il fait bâtir une avoit déja commencé la citadelle, qui fut bâtie dans citadelle à Anvers. le fauxbourg du Kel vers le midi, fuivant le deffein de Paciotti Savoyard, architecte de celle qu'Emmanuel Philibert duc de Savoye, avoit fait depuis peu bâtir à Turin, & fous la conduite de Chiapin Vitelli, & du comte de Serbellon, grand prieur de Hongrie. Elle fut faite de figure pentagone, & le duc employa deux mille ouvriers à cet édifice; auffi futil achevé en peu de tems. Les habitans d'Anvers fournirent quatre cens mille florins, qu'on devoit reprendre fur l'imposition d'un centiéme & d'un dixiéme. Ils croyoient par-là fe délivrer d'une garnison, mais ils furent trompez dans leur efpérance; Alberic de Lodron fut mis dans la ville avec quelques compagnies d'Allemands.

Les Proteftans de France allarmez de la conférence de Bayonne, dont on a parlé, & fçachant que l'on prenoit des mefures pour les perdre, prirent en ce temslà les armes, & s'affemblerent de tous côtez. Leurs progrès furent fi rapides, que le roi retournant à Paris, & étant arrivé à Meaux, s'y trouva investi par le prince de Condé, qui l'avoit fuivi avec plusieurs escadrons de cavalerie. Le connétable de Montmorency craignant

« PreviousContinue »