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fon pere, d'heureuse mémoire, avoient suivi cette

AN. 1568. voie; qu'ainfi lè roi de France agiroit fagement, & prudemment, en ne souffrant pas que fes fujets fussent en danger pour la religion ; qu'en effet la religion véritable n'étoit pas une caufe de fédition, mais plutôt le nerf de la discipline & de l'obéiffance. Qu'au refte les princes de l'empire étoient choquez de ce qu'on avoit publié un traité fait avec le roi d'Efpagne & le pape contre ceux de la confeffion d'Aufbourg, & qu'il avoit appris que Charles IX. y avoit part, s'étant laissé perfuader par de mauvais confeils. Que ce prince devoit y faire attention; que pour lui autant que la religion & fa confcience lui pourroient permettre, il ne l'abandonneroit jamais. Fumée fut ainsi congédié, & revine en France, sans avoir pû rien obtenir.

CXXXIV.

fe rend maître de Neubourg.

Pendant que le duc d'Aumale s'emparoit de NeuLe duc d'Aumale bourg, & de quelques autres places en Allemagne, Charles de la Rochefoucaut feigneur de Barbéfieux, affiégea Noyers en Bourgogne, & s'en empara à quelques conditions qui ne furent point obfervées, & dont les habitans furent la victime.

De Thou, l. 44.

in fin.

CXXXV.
Le prince de Con-

mers.

Le prince de Condé de fon côté équipa une flotte dé équipe une flot- confidérable, pour courir les mers. Il en donna le comte pour courir les mandement à un frere de Portant nommé la Tour, qui De Thou, ut fup. obtint d'Elifabeth reine d'Angleterre, que fous fon Mezerai, abrégé autorité, il pourroit user du droit de la guerre fur les chr. t. s. in-12. François & fur les Flamands, comme ennemis ; que

L. 44. p. 561.

P. 183.

les vaisseaux & les hommes qui feroient pris de l'aveu du cardinal de Châtillon, feroient de bonne prise, & que l'argent qui proviendroit de leur rançon, seroit employé pour les frais de la guerre, & par conféquent pour le foutien de la cause commune.

LIVRE CENT-SOIXANTE-ONZIE’ME.

A

L guerre ne fe faifoit pas en Flandre avec moins

il

d'ardeur & de vivacité. Le même faux zele de religion, qui avoit allumé en France la guerre civile, continuoit à fomenter la difcorde & la divifion dans les Pays-Bas. L'on a déja vû combien l'arrivée du duc d'Albe y caufa d'allarme parmi tous les habitans; fa conduite, dont on a rapporté quelques traits, ne la diminua point. Dès le dix-neuf de Janvier 1568. cita Guillaume de Nassau prince d'Orange, & Antoine de Lallain comte d'Hocftrate. Il accufoit le premier d'avoir confpiré contre fon fouverain, à dessein de fe rendre maître de plufieurs provinces des PaysBas: d'avoir fait des incurfions dans le Brabant; follicité les peuples à la revolte, en leur inspirant la crainte de l'inquifition d'Espagne; tenu à Bruxelles & à Breda des affemblées clandeftines; engagé Brederode un des chefs des rebelles à faire fortifier Vianen, & porté le peuple d'Anvers à la fédition en faveur des fectaires quoiqu'il y eût été envoyé en cette ville pour en appaifer les troubles. A l'égard du comte d'Hocftrate, il lui reprochoit d'avoir eu part aux mauvais deffeins du prince d'Orange, d'avoir favorifé les rebelles, d'avoir fait publier un édit en faveur des féditieux. Il y cita auffi Louis de Nassau, le comte Culembourg, le marquis de Bergues, de Brederode

& d'autres.

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Cette citation ne fut pas fans replique; les deux

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AN. 1568.

II.

juftification.

De Thou, lib.

43

premiers répondirent de Dilembourg, le vingt d'Avril, par un long écrit, dans lequel après s'être appli Ecrit pour leur qué à fe juftifier fur tout ce dont on les accufoit, & avoir rejetté fur l'inquifition d'Efpagne la caufe des maux & des troubles, ils s'efforçoient de montrer par plufieurs raifons, que les Espagnols n'employoient l'artifice & la tyrannie, que pour abolir les privileges, les immunitez, & les droits anciens des Pays-Bas, en ruinant la liberté de la patrie, fous prétexte de la religion, & pour jetter les Flamands dans une malheureufe fervitude. Enfuite ils s'étendoient fort au long fur la création des nouveaux évêques; ils s'élevoient contre la publication du concile de Trente, & contre l'ambition du cardinal de Granvelle: enfin ils foutenoient qu'ils n'avoient rien fait que pour conserver la liberté & établir le repos public. Mais le duc d'Albe faifant peu de cas de cette apologie, continuoit toujours l'édifice de la citadelle d'Anvers, & il reçut dans ce tems-là une lettre des feigneurs ajournez, qui lui représentoient : que le confeil qu'il avoit établi, n'étoit pas le tribunal devant lequel les chevaliers de la toifon d'or devoient répondre. Au refte ils crurent deflors qu'il y avoit plus de fûreté pour eux à se défendre de loin que de près.

III.

Ils font déclarez

majefté.

Sup. l. 7.

Le prince d'Orange écrivit encore à l'empereur Macriminels de léze ximilien, & lui demanda fa protection, & celle des Strada, ib. ut princes d'Allemagne, pour obliger par leur autorité le duc d'Albe à quelque accommodement. Sa majesté imlib. de reb. Belgic. périale, ni ces princes ne refuferent pas leur protection aux Flamands. Mais le duc d'Albe répondit, que rien ne fe faifoit par fes ordres, mais par l'autorité du roi; & auffi-tôt que le tems qu'il avoit donné pour compa

Grotius in anna

lib. 2. p. 29.

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roître fut expiré, il déclara, felon le pouvoir que le AN. 1568.

roi lui en avoit donné, le prince d'Orange, Louis de Nassau fon frere, le comte de Culembourg & tous les autres qui avoient été fommez, criminels de léze-majefté, & tous leurs biens confifquez. Il mit en mêmetems une garnison Espagnole dans Breda, qui appartenoit au prince d'Orange; & retira Guillaume fon fils âgé feulement de treize ans, de l'université de Louvain, où il étudioit; il l'envoya à Anvers d'abord, & enfuite en Efpagne, où il fut longtems gardé fans être prifonnier. Le prétexte qu'on prit, fut la néceffité de le faire inftruire dans la religion Catholique.

y

La punition du comte de Culembourg s'étendit jufques fur fon hôtel, où le duc d'Albe, avoit logé, en arrivant à Bruxelles, & qu'il fit rafer le vingt-huit de Mai, parce que le nom des Gueux de Flandres avoit autrefois pris naissance, il y eut pour cet effet un décret du confeil des douze. La place où étoit cet hôtel fut pavée, & l'on y éleva une colomne de marbre, avec une inscription en quatre langues, dont le contenu étoit que cette maifon de Florent de Pallant avoit été rasée à cause de l'exécrable mémoire des conspirations qui avoient été fi fouvent faites contre la religion, contre l'église catholique Romaine, contre la majesté royale, & contre la patrie même. Mais ce qui augmenta la terreur des peuples, furent les nouvelles qu'on reçut d'Espagne, que le baron de Montigny député par l'archiducheffe marguerite de Parme auprès de Philippe II. avoit été mis en prifon dans Ségovie par l'ordre du roi, parce qu'on l'accufoit des mêmes chofes que le comte d'Horn fon frere, & qu'il s'étoit

IV.
Le duc d'Albe

fait rafer la mai-
Culembourg.
De Thou, l. 434

fon du comte de

Strada, l. 7.

AN. 1568.

montré trop zelé protecteur des Flamands.

Une autre nouvelle qui confterna encore beaucoup les Flamands, fur la détention de Dom Carlos prince d'Espagne. Elle fut faite par ordre même de Philippe fon pere. Ce jeune prince âge de vingt-trois ans faisoit paroître une fi grande ambition & un fi violent defir de regner, que fes ennemis firent foupçonner au roi fon pere, qu'il avoit deffein de fortir secretement de l'Efpagne, & de fe mettre à la tête des révoltez des PaysBas, qui l'euffent affurément déclaré leur fouverain, dans les circonftances où ils fe trouvoient; Philippe crut même avoir des preuves convaincantes de ce desfein. Outre cela il s'étoit mis dans l'efprit que Dom Carlos en vouloit à sa vie ; qu'il étoit amoureux de la reine, & qu'il en étoit aimé, il s'étoit d'ailleurs expliqué en des termes qui faifoient craindre à l'inquisition, qu'il ne la fupprimât, dès qui feroit le maître. C'étoitlà fon plus grand crime; il en faut beaucoup moins pour être très-coupable aux yeux de ce tribunal. Il eft vrai que Dom Carlos touché de la beauté de la reine, qui avoit été d'abord demandée en mariage pour lui, ne pouvoit assez diffimuler l'indignation qu'il avoit contre fon pere, de la lui avoir ôtée, après la lui avoir deftinée lui-même. Tant de fujets de jaloufie, & les follicitations des inquifiteurs, troublerent tellement l'efprit de Philippe, qu'il fe porta aux dernieres extrémitez contre fon fils. Il conféra de fon deffein avec les inquifiteurs, qui lui remontrerent qu'il devoit facrifier ce jeune prince pour le bien de la religion, & prétendirent qu'elle feroit ruinée dans les Pays-Bas, fi Dom Carlos fe mettoit à la tête des Proteftans. Philippe trop crédule, & trop paffionné, fit donc arrêter

le

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