Page images
PDF
EPUB

AN. 1568.

reform. eccl. Po

gues de Blandrat, qui vouloit acquerir du crédit à fa fecte. Cette conférence leur fut accordée. Elle fe tint à Albe-Jule le huitiéme Mars 1568. & dura dix jours. Lubienieski hift. Blandrat s'y trouva lui-même avec François Davidis, Basile ministre de Claufembourg, Démétrius, Hunniade, Paul Jule, Jean Sinning, Morofinus, Martin Albanus, Benoît Ouart, Gregoire Vagnerus, tous qualifiez dans les églises des prétendus réformez. Blandrat y difputa contre les myfteres de la Trinité, la divinité de Jefus-Chrift, des deux natures en fa feule perfonne ; & foutint avec tant de véhemence fes thefes contre fes adverfaires, que le prince & les grands de la cour lui applaudirent.

pro

On poursuivoit toujours l'affaire du docteur Michel Baïus dans les Pays-Bas. Après que le grand vicaire Morillon eut fait faifir les livres de ce docteur, & ceux de fon collegue Heffelius; il entreprit au commencement de cette année 1568. de foumettre les Cordeliers attachez aux fentimens de ces deux docteurs. Il manda le pere Averfa leur commiffaire en Flandre, & lui ordonna de défendre à tous les religieux de fa vince, de foutenir déformais les propofitions condamnées par la bulle de Pie V. & de lui amener à Bruxelles le ministre général de leur ordre, auffi-tôt qu'il feroit arrivé dans les Pays-Bas, afin qu'il lui fignifiât la bulle avec les ordres de fa fainteté, & qu'il la fît obferver dans toutes les maifons de l'ordre. Il fit auffi venir frere Pierre Lupi, & son profeffeur en présence du curé de fainte Gudule comme notaire, & leur déclara les mêmes défenfes, aufquelles ils acquiefcerent avec docilíté : ils promirent de ne plus foutenir les propofitions condamnées, & en donnerent acte le dix de Janvier.

Bbb bij

[blocks in formation]

Morillon manda tout ce détail au cardinal de Gran

AN. 1568. velle; fa lettre eft datée de Bruxelles du vingt de Juin 1568. Il ajouta que pour ce qui concernoit les autres provinces des Cordeliers, on pouvoit attendre l'arrivée du pere Ange Averfa commiffaire, qui feroit en état de ne mettre en place que des fupérieurs éloignez des fentimens de Baïus.

LIX. Morillon va trou

fation qu'ils ont

enfemble.

Vers le mois de Mai Morillon ayant reçu des lettres ver Baius. Conver- du cardinal de Granvelle pour les remettre à Raveftein, à Jansenius & à Baïus, il fe rendit exprès à LouVoyez la lettre de vain aur commencement de Juin, & vit ces docteurs. velle du 20. Juin Baïus fe plaignit de ce qu'on l'avoit condamné sans l'ent. z. oper. Baii p. tendre; il ajouta que les articles avoient été mal extraits;

Morillon à Gran

1568. in Baïana

71.& feqs

qu'il étoit aifé de le voir en conférant avec son livre, & qu'il y en avoit quelques-uns dans la bulle qui n'étoient pas de lui; que par elle on condamnoit des articles qui avoient toujours été disputez; & qu'il étoit à craindre que quelque jour on n'écrivit contre. Morillon répondit qu'il étoit furprenant qu'il tînt un pareil langage, & qu'il parût animé; & reprenant les griefs qu'il alléguoit, il lui dit que fon livre parloit pour lui, qu'il n'étoit pas befoin de l'entendre, puifque fes expreffions étoient claires, & marquoient affez fa doctrine; qu'à l'égard des articles, qu'il difoit mak extraits, il s'en rapportoit à la bulle & à fon livre; qu'il avoit tort de fe plaindre, que cette bulle contînt des propofitions qui ne fuffent pas de lui, puifque cela lui étoit favorable, & montroit qu'elle n'étoit faite pour lui feul, comme on l'y avoit expreffément marqué: que pour les articles qui avoient été de tout tems controverfez parmi les théologiens, il étoit assuré que le faint fiége fçavoit bien ce qui devoit être dé

pas

fendu ou non ; que d'ailleurs il ne pouvoit nier que fa doctrine n'eût été cenfurée par la faculté de théologie de Paris, & par toutes les univerfitez d'Espagne, aussi bien que par plufieurs fçavans de Rome. Que quelques peres même du concile de Trente en avoient été scandalisez, & l'avoient témoigné dans cette assemblée. Morillon parla enfuite avec beaucoup de véhémence à Baius fur ce que ce docteur avoit dit, que l'on pour roit bien quelque jour écrire contre la bulle. Il lui représenta que l'on s'en prendroit à lui, s'il paroifsoit quelque écrit contre cette bulle; qu'il se perdroit, & que le pape (ce qui n'étoit pas difficile à croire,) en feroit extrêmement irrité. Après quelques autres difcours de part & d'autre, Baïus affura Morillon qu'il ignoroit fi l'on écrivoit contre la bulle; que pour lui il promettoit de ne le point faire, & d'empêcher même ceux qui voudroient écrire, au cas que cela fût en fon pouvoir. Cette afsurance étant donnée, il voulut montrer que l'on n'avoit pû condamner plufieurs de fes propofitions, fans condamner en même tems le langage des peres de l'églife; il cita quelques autoritez de faint Auguftin. Mais Morillon l'arrêta subitement, & lui dit : qu'il n'étoit pas venu pour juger de fa doctrine, ni T'entendre fur cette matiere, & qu'au furplus le roi entendoit & vouloit que dans toutes les univerfitez de fes états, la doctrine & la maniere d'enfeigner la théologie fût femblable & uniforme, & qu'il n'y fouffriroit jamais aucune divifion. Pour conclufion le grand vicaire lui demanda s'il vouloit fe departir de fa premiere résolution, qui étoit d'obéïr à notre faint pere, qui avoit toujours été reconnu pour le feul juge de la doctrine, & au jugement duquel tout bon chrétien

pour

AN. 1568.

AN. 1568.

LX.

On accufe Baïus

me propofition

condamnée.

ra Baii, t. 2. p.

198.

étoit obligé de se soumettre. A quoi Baïus répondit fans
héfiter, que tant qu'il vivroit, il
tant qu'il vivroit, il fe montreroit fils d'o-
béiflance; qu'il tiendroit toujours le même langage,
& qu'il perfévereroit dans la même réfolution. Moril-
lon fe contenta de ce témoignage. Il étoit chargé néan-
moins de tirer de Baïus une abjuration expreffe des
propofitions cenfurées; mais il n'ofa pas pouffer plus
loin la conversation, la voyant en grande peine & re-
gret, écrit-il au cardinal de Granvelle, il ne m'a fem-
blé pour cette fois de lui mettre en avant l'abjuration,
& qu'il prit congé de moi pour fe faire abfoudre, en-
core qu'il me femble qu'il en ait bon befoin. Mais
quand les efprits des gens font ainfi agitez, il vaut
mieux, ajoute-t'il, différer pour quelque tems, que
les irriter ou exacerber davantage. Cette lettre de
Morillon eft du vingtiéme de Juin.

Dans la même année 1568. le vingt fix de Novemde renouveller la bre, Baïus préfidant à une thefe foutenue par un quarante cinquié-bourfier du collège du pape, nommé Mathias Hovius, on agita la question du facrifice de la messe. Sur la Baiana inter ope- fin de la difpute, Cunerus Petri reprocha au docteur préfident, qu'il avoit renouvellé la quarante-cinquiéme propofition condamnée par la bulle de Pie V. fçavoir, que le facrifice de la meffe n'est sacrifice que dans le fens général, dans lequel le font toutes les actions que l'homme fait pour s'unir à Dieu par une fainte focieté ; ce que Joffe Raveftein ofa confirmer publiquement. On l'accufa donc d'ôter l'oblation, qui conftitue l'effence du facrifice, & de ne laiffer à celui de la messe, que l'idée générale de facrifice applicable à toute action, faite pour s'unir à Dieu par une fainte fociété. Baïus pour convaincre ces deux adversaires par

collectio, &c.

Les écrits, & juftifier fa foi contre leurs calomnies. leur adreffa plufieurs lettres, qui furent imprimées avec AN. 1568. les réponses de ces docteurs, fous ce titre:Conférences de Michaëlis Bait Michel Baïus avec Joffe Raveftein & Cunerus Petri, Inter opera Bail; docteurs en théologie de la faculté de Louvain,touchant ".p.198. &feq. le facrifice de la meffe. Les premieres de ces lettres. furent écrites le famedi après la fête de sainte Caherine, qui étoit le vingt-fept de Novembre; les fecondes le jeudi après la fête de saint André, le deux Decembre. On peut les confulter dans le recueil des ouvrages de Baïus, où l'auteur justifie ce qui avoit été avancé dans la difpute. Ce Mathias Hovius qui la soutint, devint dans la fuite curé de faint Pierre de Malines archidiacre, & enfin archevêque de cette métropole, & fut un des grands prédicateurs de fon tems.

,

LXI.
Les Cordeliers

P. 147.

Comme les difputes élévées au fujet de la doctrine de Baïus avoient causé des divisions parmi les religieux reçoivent la bulle, Cordeliers; Leodius n'eut pas plutôt été élu pro- Opera Baii t. 2 vincial en la place du pere Papin, qui étoit favorable à ce docteur, qu'il convoqua à Nivelle une affemblée des gardiens & des députez de chaque couvent de fa province; leur intima les ordres de fa fainteté, & leur fit abjurer les foixante-feize articles condamnez par la bulle; à quoi ils fe foumirent tant en leur nom, qu'en celui des maifons de toute la province. Mais Baïus voyant qu'on l'attaquoit de tous côtez, & qu'on lui suscitoit un grand nombre d'ennemis, crut devoir employer fa plume pour se justifier. Dans ce deffein il compofa une apologie de fa doctrine contre la bulle, & l'envoya à Rome le huit de Janvier 1569. avec une lettre au faint pere qu'il adressa au cardinal Simonette, qu'il avoit connu au concile de Trente. La lettre étoit conçue en ces termes.

« PreviousContinue »