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LXII.

Baïus écrit au pa

fon apologie.

Baiana inter ope

198. & 199. Et

Très-faint pere, il y a déja un an qu'on nous a figAN. 1568. nifié les ordres de votre fainteté dans une bulle munie d'un fceau de plomb, & rendue à Rome le premier & lui envoye d'Octobre 1567. par laquelle foixante-feize propofitions étoient profcrites, fans que nous ayons pû obtera Baii, t. 2. p. nir une copie de ces lettres, ni ici, ni à Rome. Cepenibid. p. 79. & feq. dant les propofitions condamnées se répandent de tous côtez dans les Pays-Bas. Ce qui nous fait craindre que cela ne faffe tort à votre fainteté non feulement à cause des calomnies manifeftes que cette censure semble contenir, mais encore parce que les termes, & comme il paroît, les sentimens des faints peres y femblent être condamnez: car ce pays, pour : car ce pays, pour la néceffité où l'on s'y trouve de combattre les hérétiques, a beaucoup plus de personnes accoutumées aux expreffions des écritures faintes & des faints peres, qu'au langage des docteurs scolastiques; & qui croyant qu'en faveur de ceux qui font accoutumez à penfer & à parler comme les scolastiques, on a profcrit des fentimens contenus dans les faints peres, en seront scandalisez. C'est pourquoi il nous a femblé d'envoyer à votre sainteté, au jugement de laquelle nous foumettons toutes chofes, ces propofitions avec ce qui fait le fujet de nos allarmes; afin que les ayant mûrement pésées, elie prononce, sielle veut que nous regardions ces propofitions comme légitimement condamnées, & dûement examinées; ou comme fubreptices & obtenues plutôt par artifice & par les importunitez de ceux qui font jaloux de la vertu des gens de bien, que par de bonnes raisons. Que Dieu conferve long-tems votre fainteté à fon églife. A Louvain ce huit Janvier 1569. aux pieds de votre fainteté,

Dans

Dans fon apologie, qui eft fort longue, Baïus ne AN. 1568. paroît pas avoir d'autre but que de faire voir qu'il y a des fens très-catholiques, dans lesquels on peut foute- LXIII. nir fes propofitions, puifque les termes font conformes à ceux des faints

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& que

peres, &

c'est dans ce fens

Ce qui étoit con

tenu dans l'apolo-
gie de Baïus.
Inter opera Baii,

t. 2.

Baianap. 59. &.

qu'il les a entenduës, comme il prétend que le pape
lui-même le difoit expreffément dans la bulle. Cette feq.
apologie étoit intitulée: » Propofitions condamnées
à Rome par notre faint pere le pape Pie V. le pre-
mier d'Octobre 1567. avec des applications qui
que les unes ne fe trouvent, ni quant aux
» termes, ni quant aux fens, dans les livres, d'où
l'on marque qu'elles ont été extraites ; que les au-
» tres font prises dans un fens forcé & contraire à ce-
» lui que le texte préfente; & que d'autres encore pa-
» roiffent avec raifon n'avoir point été affez exami-

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Le feize de Mars de la même année, il envoya une feconde apologie, mais beaucoup plus courte, qu'il adressa au cardinal Simonette, avec une lettre qui tient lieu de préface; mais ce cardinal étoit mort avant que ces écrits parvin ffent à Rome. Baïus dans certe apologie protefte que l'honneur du faint fiége, l'intérêt de la faine doctrine, & de la propre réputation, ont été les feuls motifs qui l'ont engagé à écrire. Que depuis plus de dix-huit ans qu'il enfeignoit la théologie, après la lecture de Pierre Lombard, & de quelques fcolaftiques, il s'étoit fait un plan, dans lequel il ne prenoit pour guide que les livres facrez, & les faints peres des premiers fiecles, pour lefquels les heretiques confervoient encore quelque refpect; qu'en cela il avoit voulu fe conformer à Jean Heffel fon collegue, Tome XXXIV. Cccc

Baiana t. 2. P. 131.& feq.

qui fuivoit la même méthode, afin de mieux combatAN. 1568. tre l'erreur.

LXIV.
Bref du pape Pie
V. à Baius.

Inter opera Baii,
Baiana t. 2. P.

140.

Pie V. reçut fans chagrin les apologies de Baïus, il ne témoigna point de peines de ce qu'un docteur de ce mérite cherchoit de bonne foi à se justifier; & dans le deffein de lui ôter tout fujet de plainte, il confentit que fes ouvrages fuffent foumis à un nouvel examen. Les pieces furent donc examinées une feconde fois à Rome; mais le jugement du pape fut confirmé, & Pie V. avertit Baïus par le bref fuivant, que le cardinal Granvelle envoya à Morillon.

Mon cher fils, falut & bénédiction apoftolique. Quoique ce que nous avons décreté & statué fur le livre, & les propositions déferez à notre tribunal, par nos lettres apoftoliques, ait été fait après une mûre déliberation, & avec toute l'attention qu'exige de nous l'importance de l'affaire, & la qualité des personnes, qui d'ailleurs ont fi bien merité du faint fiége: cependant voulant retrancher tout fujet de plaintes nouvelles, & fouhaitant de fatisfaire à vos demandes, nous avons ordonné que vos livres, vos écrits & vos propofitions, qui nous ont été envoyez depuis peu, fuffent de nouveau examinez, & difcutez avec la derniere exactitude & un très-grand foin: & le tout confideré avec beaucoup de maturité, nous avons jugé que le décret que nous avons donné là-deffus, s'il n'étoit pas déja fait, feroit le même dans tout fon entier, comme nous le confirmons aujourd'hui. C'eft pourquoi nous vous impofons un filence perpétuel, de même qu'à tous ceux qui voudroient foutenir lefdites propofitions; & nous vous exhortons en Notre-Seigneur, comme un fils très-foumis au faint fiége, d'o

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beir fans aucun refus ni excuse à ce que le droit & la sainte église votre mere & maîtreffe, & celle de tous les fidéles, vous ordonne, & d'exécuter tout ce qui vous fera propofé par notre cher fils Maximilien prevôt de l'églife d'Aire, & vicaire general de notre vénerable Frere l'archevêque de Malines. Par-là vous nous donnerez, & au faint fiége, un témoignage de foumiffion, qui nous fera & refpectable, & agréable. Donné à Rome à saint Pierre sous l'anneau du pêcheur le treizième jour de Mai 1 569. & le quatriéme de notre pontificat.

En confequence de ce bref, Morillon manda Baïus à Bruxelles. Le docteur s'y rendit le vingt de Juin. Morillon lui présenta le bref & la lettre que le cardinal de Granvelle lui avoit écrite en le lui envoyant. Baïus lut le bref, & entendit la lecture de la lettre. Il fut étonné de ce que fon recours au faint fiége y étoit regardé prefque comme un crime, & que l'on déclaroit, qu'il avoit encouru les cenfures, & les irrégularitez. Il témoigna sa surprise ; la réponse de Morillon augmenta encore fon étonnement. Le grand vicaire ne lui parla que d'obéiffance & de foumission au saint fiége. Baius protefta de fon obéiffance, & cédant à l'autorité, il demanda l'abfolution des cenfures que l'on prétendoit qu'il avoit encourues, & fe mit à genoux pour la recevoir; mais le grand vicaire ne voulut pas lui donner, qu'il n'eût auparavant abjuré les propofitions le avoit condamnées. Baïus répliqua que pape qu'il ne pouvoit accorder ce qu'on lui demandoit, qu'auparavant on ne lui eût donné copie de la bulle, parce qu'il y étoit dit, que plufieurs de ces propofitions étoient foutenables en rigueur, & dans le fens propre

la

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des paroles. Morillon preffé par cette demande fe contenta de répondre que le pape ne consentiroit jamais, qu'on lui donnât copie de la bulle: & il fallut se soumettre à ce refus. Baïus répliqua feulement que l'on pourroit s'accommoder, fi le pape vouloit bien marquer, quelles étoient les propofitions qu'il jugeoit abfolument condamnables, & quelles étoient celles qui pouvoient être foutenues en rigueur felon lui-même, & dans le fens propre des paroles. Mais Morillon infifta toujours fur une abjuration generale, & fans restriction. Cette fermeté irrita un peu Baïus, il lui échappa de dire, qu'il voyoit bien que cette bulle étoit l'ouvrage du cardinal de Granvelle, & que toute cette affaire étoit plus la fienne que celle du pape : puis revenant à fa douceur naturelle, il fit fes excufes à MoFillon de ce qu'il venoit de dire, & lui demanda l'abfolution; mais fans parler encore d'abjuration. Le grand vicaire constant dans fon refus, perfifta à l'exiger; & ne pouvant l'obtenir, il demanda à Baïus, s'il trouvoit bon que le curé de fainte Gudule entrât. Le docteur y confentit : Morillon expofa au curé les difficultez qui arrêtoient Baïus, & qui l'empêchoient de donner l'abjuration qu'il lui demandoit: le curé pour toute réponse gémit, & traita Baïus d'opiniâtre, & enfuite prenant un ton de maître, il lui dit, qu'il étoit fort furpris de fon entêtement; que puifque le faint pere condamnoit fes propofitions, il ne lui convenoit pas d'en parler, & qu'il étoit plus obligé d'obéir au pape, que les bacheliers n'étoient tenus de lui obéir à lui-même. Cependant Morillon pour appaiser Baïus, que ces vivacitez ne devoient pas laiffer fort tranquille, lui promit de lui montrer la bulle; mais enfuite il

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