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AN. 1569.

CXIII.

traité tant de genereux défenfeurs de la religion : mais comme tous ces efforts impies font tournez au désavantage de celui qui les a fuggerez; aussi, continue le pape, en parlant au gouverneur, vous devez prendre garde que le zele que vous faites paroître pour maintenir la jurifdiction royale, ne tourne à votre ruine par une conduite fecrete de la providence. Le faint pere répond enfuite à la demande du gouverneur, que la caufe des chanoines fût jugée à Milan; que ce n'eft point l'ufage du faint fiége, qui eft en droit d'évoquer à foi les caufes graves & importantes ; & fur la menace que faifoit le gouverneur de bannir le cardinal de l'état de Milan, fa fainteté l'avertit de prendre bien garde de ne rien faire par violence contre un fi faint archevêque, puifque deflors il encoureroit les cenfures ecclefiaftiques. Qu'au refte il feroit glorieux à un fi faint prélat de fouffrir pour la défense de fon églife; mais que l'auteur de cette peine honorable devoit craindre que fon nom ne foit regardé comme infâme, & qu'il ne pourroit éviter les effets de la justice divine, qui ne fouffre pas qu'on offenfe impunément les oints du Seigneur. Le pape finit en difant au gouverneur, qu'il lui écrit en ces termes autant pour l'amour qu'il lui porte, que par le devoir de la charge que Dieu lui a imposée.

rétablissement de

Pendant

que

cette affaire fe poursuivit à Rome, le Ordres du roi roi d'Efpagne écrivit au gouverneur de Milan, qu'il d'Espagne pour le eût à fupprimer l'édit qu'il avoit publié fur le fait de la jurifdiction. de jurifdiction, qui avoit caufé tant de défordres, & de faint Charles, qu'il procédât avec vigueur contre les rebelles qui 1. 2. cap. 24. avoient été assez infolens pour faire violence à la perfonne du cardinal dans la visite du chapitre de la Scala;

Giufano, vie

& que bien loin qu'il voulût que cette collegiale fût exemte de la jurifdiction de l'archevêque, il prioit le cardinal d'en prendre foin, de la vifiter pour en corriger les abus, & y établir tout ce qui feroit néceffaire au bon ordre. Il le chargea pareillement de faire une exacte recherche des coupables, & d'en tirer une punition exemplaire, principalement de ceux qui avoient tiré des coups d'arquebufes contre la croix.

Le pape outre les ordres donnez à fon nonce, avoit envoyé en Espagne le pere Vincent Juftiniani general de l'ordre de faint Dominique, qui fut depuis cardinal, pour engager Philippe à rendre justice à l'archevêque; & fa fainteté eut fujet d'être fatisfaite de fa négociation; puifque conformément à la volonté du roi catholique le gouverneur fupprima son édit; & comme il croyoit avoir encouru les cenfures ecclefiaftiques, il obtint du pape un bref pour se faire abfoudre par fon confeffeur, afin de pouvoir participer aux faints mysteres à la fête de Noël. Les officiers de l'archevêque furent auffi folemnellement retablis dans l'éxercice de leur jurisdiction.

Le prevôt des chanoines de la Scala, qui avoit eu moins de part que les autres à la violence faite au faint cardinal, fut des premiers à fe reconnoître & à demander l'abfolution, que faint Charles lui donna en public; après que ce prévôt eut promis de fe foumettre à la jurifdiction archiepifcopale. Les chanoines qui avoient le Calabrois pour chef furent plus long-tems liez par les cenfures, parce qu'ils n'en faifoient aucun cas, & ils célébroient toujours l'office divin à l'ordinaite dans leur églife, quoiqu'elle fût interdite. Ils affecterent même de le faire avec plus de folemnité qu'auparavant, pour

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AN. 1569.

CXV.

abfout. Pénitence

Giuffano, vie de

2. c. 25.

infulter, ce semble à l'autorité du faint prélat. Mais quand ils fçurent que Barbesta étoit mort miférablement & que le pape avoit réfolu de les châtier avec rigueur, ils demanderent grace, Pie V. en vouloit faire une punition, qui fervît d'exemple aux autres ; mais le cardinal intercéda pour eux avec de fi fortes inftances, que le pape lui renvoya toute l'affaire, & l'en rendit abfolument le maître. Ainfi comme il ne vouloit point la mort du pécheur, mais fa correction & la confervation de fes droits, quand il vit ces deux choses au terme où il defiroit de les voir, il accorda avec joye aux coupaples le pardon qu'ils demandoient, & leva l'excommunication, qu'il avoit lancée contre eux.

La cérémonie s'en fit à la porte du dôme; les couL'archevêque les pables étant entrez après avoir été relevez des cenfures, qu'il leur impofe. reconnurent à genoux l'archevêque de Milan pour leur faint Charles, 1. fuperieur. Il leva enfuite l'interdit de leur église & bénit de nouveau lui même le cimetiere où l'excès s'étoit commis contre fa perfonne & contre fes ecclésiastiques ; il n'imposa aux rebelles d'autre satisfaction que celle de venir en corps pendant dix années de fuite au jour de la nativité de la fainte Vierge, qui eft la grande fête de l'église métropolitaine, au milieu de la grande meffe, fe profterner devant l'archevêque officiant, lui demander pardon de nouveau & reconnoître par une proteftation publique, qu'il avoit toute jurisdiction fur eux & fur leur églife, à quoi ils fe foumirent. La fin de cette fâcheufe affaire fut très glorieufe pour le faint prélat, & caufa beaucoup de joie à toute la ville, qui s'intéreffoit avec raifon dans la défense d'un fr bon & fi vigilant pafteur. Elle fervit à faire paroître la modération de fon efprit, & l'humilité de fon

& au

cœur ; car on ne l'entendit jamais prononcer aucune
parole,qui pût faire connoître le moindre ressentiment
contre ceux qui le déchiroient, foit de vive voix dans
les compagnies, foit par des libelles répandus dans
public, ou par les lettres qu'on écrivoit au pape
roi d'Espagne. Dans celle qu'il fut obligé d'écrire pour
fa défense, content d'expofer le fait, il ne dit jamais
rien qui pût blesser les accufateurs. Pie V. vouloit
qu'on refusât l'abfolution à ceux qui avoient assemblé
les foldats, & fait violence au cardinal, & il defiroit
qu'ils fuffent févéremenr châtiez, mais le faint impor-
tuna tant encore sa fainteté, que la caufe lui fut remi-
fe, & il les condamna feulement à quelques amendes
pecuniaires pour les réparations de l'églife.

AN. 1569.

CXVI.
Les prévôts des

Humiliez attenfaint cardinal.

tent à la vie du

Giullano, vie de faint Charles, l.

2. c. 23.

Ripamontius in

Ciacon. in vit. t. 3. P

Mais le démon fufcita d'autres ennemis contre le faint archevêque ; & il auroit fuccombé fous leurs coups, fi Dieu ne l'eût protégé d'une maniere visible. Il avoit reformé, comme on l'a dit, l'ordre des Humiliez ; & cette réforme fut reçuë fans peine de la plûpart des réligieux; mais elle paroifsoit infupportable aux fupérieurs, qu'on vita S. Caroli. nomme prevôts; qui fe voyoient réduits à mener une portion in vie réguliere, & qui par-là perdoient la difpofition de 893. leurs bénéfices. Ils employerent le crédit des princes & des plus grands feigneurs pour tâcher de fléchir le pape fur ce fujet; les parens intéressez firent beaucoup de bruit; enfin l'on n'oublia rien pour s'opposer aux deffeins pieux du cardinal; mais tout ce qu'on fit fut inutile: & le faint apporta une grande attention pour empêcher qu'on ne furprit la religion du pape. Ĉette fermeté irrita les prevôts, & ils prirent la résolution de se venger, en attentant à la vie même de leur réformateur. Trois d'entr'eux fupérieurs des maisons de Ver

ceil, de Vérone & de Caravage, concerterent ensemAN. 1569. ble ce malheureux dessein, ne doutant point que par fa mort leur réforme, qui étoit toute récente, ne se détruisît d'elle-même pendant la vacance du fiége. Ils communiquerent une entreprise fi détestable à quelques particuliers, qu'ils engagerent dans leur complot, & choifirent pour l'exécuteur un de leurs religieux Jérôme Donat, furnommé Farina.

CXVII.
Un de ces reli-

d'arquebufe fur le

Laint.

Giuffano, ib. ut

Sup.

Ciac. ib. Bail

bre, t. 3. in-fol. P.9.

Ce fcelérat, homme perdu de débauches, promit gieux tire un coup la tête de l'archevêque de Milan pour quarante écus d'or. Comme on n'avoit point cette fomme en argent comptant, on l'alla enlever, par une violence facrilege, let, vie des Saints dans le tréfor d'une églife voisine, d'où Farina, qui au 4. de Novem- étoit à la tête des voleurs, enleva encore des vafes facrez & des meubles precieux, qu'il vendit à fon profit; cette église étoit celle de Briera. Après ce vol, il sortic de son monastere vêtu en laïque, & parcourut quelques villes du voifinage de Milan, où il dépenfa en différentes débauches tout ce qu'il avoit retiré de ses larcins. Se voyant dans la pauvreté, il fit un autre vol, par le moyen duquel il acheta deux arquebuses à rouet pour s'en fervir à exécuter fon pernicieux affaffinat. Comme c'étoit dans le tems que le cardinal étoit en contestation avec les magiftrats pour la jurisdiction, il s'imagina qu'on fe perfuaderoit aisément que le coup qu'il méditoit, ne feroit attribué qu'à quelqu'un du parti de ceux contre qui il difputoit. Son premier deffein étoit de tuer l'archevêque dans l'église de faint Barnabé, pendant qu'il diroit la meffe, mais n'y ayant pû réussir, il choisit le palais même du prélat. Comme il fçavoit que faint. Charles avoit coutume de faire la priere tous les foirs avec fes domestiques dans

la

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