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rappelé la coutume de catéchifer les enfans.

Mais enfin, on ne peut nier que le style des Catéchifmes ne foit communément. fort fec, & que les enfans n'ayent beau-coup de peine à les retenir, & encore plus à les entendre. Cependant les premieres impreffions font les plus fortes;: & plufieurs confervent toute leur vie une: averfion fecrete de ces inftructions qui les ont tant fatigués dans leur enfance. Tous les difcours de Religion leur paroiffent: triftes & ennuyeux. S'ils écoutent des: fermons, s'ils lifent des livres de piété,. c'eft avec dégoût & à contre-cœur, comme on prend des médecines falutaires, mais défagréables. La Religion leur femble une loi dure; ils ne la fuivent que par crainte,, fans goût & fans affection, la mettant ou elle n'eft pas, & ne s'attachant qu'aux formalités. D'autres, plus emportés s'écartent tout-à-fait : prévenus des fauffes idées que leur ont donné la dureté des Catéchifmes & la fimplicité des femmes qui ont été les premieres à leur parler de: Religion, ils ne veulent rien écouter, & fuppofent, fans s'éclaircir, que tous ces: "difcours ne méritent pas feulement d'être examinés. C'eft ce que font les libertins, principalement quand leurs paffions & leurs mauvaises habitudes leur rendent 'odieufes les vérités de la Religion; quand ils ont intérêt de les détruire au moins. dans leur efprit, pour appafer les re

mords qui les tourmentent. Et voilà juf qu'où peuvent aller les mauvais effets des inftructions défagréables.

XI.41

Cherchons donc, avec l'aide de Dieu, L. Tim qui veut le falut de tous les hommes, s'il y a quelque moyen de remédier ou de fuppléer à la féchereffe des Catéchifmes; & premiérement tâchons d'en découvrir la caufe. Elle vient, fi je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont compofés, étoient des Théologiens nourris dans l'école, qui n'ont fait qu'extraire de chaque traité de Théologie, les définitions & les divifions qu'ils ont jugé les plus néceffaires, & les traduire en langue vulgaire, fans en changer le ftyle. Ils ont auffi fuivi la méthode fcolaftique, & ont voulu faire apprendre aux enfans les raifons de la fuite des traités; c'est pourquoi l'on parle des vertus & des facremens, après avoir traité des myfteres; & ainfi du refte. Mais je crains qu'ils n'aient pas assez fair réflexion fur l'état de ceux qu'ils entreprennent d'inftruire; & en effet, il est difficile que des hommes qui ont étudié long-temps, & qui font fort exercés dans toutes les fubtilités d'une fcience,puiflent bien le représenter jufqu'où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune tein

ture.

La méthode & le ftyle de la Théologie fcolaftique, eft fort propre à ceux qui ont étudié la Logique & les autres

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parties de la Philofophie, tels que font S.Th. ordinairement les Théologiens. Quand 1. part. on leur propofe d'abord que Dieu peut quet,2. être confidéré en foi, ou par rapport aux créatures en foi, ou quant à l'effence, ou quant à la diftinction des perfonnes: à l'égard des créatures, ou comme leur principe, ou comme leur fin que les moyens par lefquels la créature raisonnable peut arriver à cette fin, font les vertus, & la & la grace que Jefus-Chrift nous a méritée, & qui nous eft communiquée par les Sacremens. Quand, dis-je, vous. propoferez tout cela à un homme inftruit. de la Philofophie, il vous entendra fort bien: & ce plan général lui fera prévoir agréablement tout ce qu'il doit apprendre enfuite. Mais fi vous dites la même chofeà un Marchand, ou à un homme d'affaires, qui n'a point été au Collége, il ne vous entendra point, & il ne fe formera qu'une idée confufe d'un difcours qui regardeDieu & la Religion. Il n'eft point accoutumé à ces divifions méthodiques; il n'entend point ces termes d'effence, de principe, de fin, de moyens ; il faudroit: bien des paroles & bien du temps pour lui expliquer tout cela. Ce fera bien pis fi vous parlez à un Payfan, à une femine de ménage, à un enfant qui ne fait pas encore toute la langue, & qui n'a pas encore toutes les idées des chofes communes de la vie.

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La meilleure méthode d'enfeigner n'eft

donc pas celle qui nous paroît la plus naturelle , quand nous confidérons les vérités abftraites & en elles-mêmes; mais celle que l'expérience fait connoître pour la plus propre à faire entrer ces vérités dans les efprits de ceux à qui nous parlons. Or, il me femble que nous devons faire grand cas de l'expérience de tous les fiecles. Et remontant jufqu'à fept ou huit cents ans, qui eft à peu près le temps ou la plus grande ignorance s'eft répandue dans le Chriftianifme; au-deffus de ces. temps miférables, jufqu'au commencement du monde, je trouve que l'on a toujours fuivi à peu près la même méthode pour enfeigner la Religion, & que l'on s'eft fervi principalement de la narration & de la fimple déduction des faits, fur laquelle on fondoit les dogmes & les préceptes de morale.

En effet, pendant les premiers deux. mille ans la vraie Religion fe conferva fans écriture par la feule tradition; & cette tradition n'étoit autre chofe que le foin religieux qu'avoient les peres de raconter à leurs enfans les merveilles de Dieu qu'ils avoient vues de leurs yeux, ou apprifes par le récit de leurs peres; & que ces enfans, également pieux & fidelles, avoient foin à leur tour de raconter à leurs enfans. Ainfi, Adam avoit inftruit ce grand nombre d'enfans, dont il commença à peupler la terre. Il leur avoit dit fouvent, l'ayant appris de Dieu

même, comment le monde fut créé, com ment lui & fa femme furent formés; il leur avoit raconté le bonheur de leur premier état, leur péché, leur peine. Ains Noé avoit enfeigné à fes enfans tout te qui s'étoit paflé de mémorable avant le déluge; & fes trois fils répandirent par Toute la terre la mémoire de ce fameux événement. Qui peut douter qu'Abraham n'ait pris grand foin de raconter à Isaac tout ce que Dieu avoit fait avant lui pour le genre humain, & les graces particu lieres que lui-même en avoit reçues, puifGen. que l'Ecriture marque expreffément fon VIII. zele pour l'inftruction de fa famille ? & qui peut douter que les autres Patriarches ne l'aient imité?

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Moyfe, infpiré de Dieu, recueillit & écrivit toutes ces anciennes traditions dans le Livre de la Genefe; & dans les Livres fuivans, après avoir raconté fort au long les grands miracles que Dieu avoit faits pour tirer fon peuple de la fervitude d'Egypte, il recommande à tous les Ifraélites, qui les avoient vus comme lui, de les raconter à leurs enfans, & répete fouvent, de la part de Exod. Dieu, ce commandement, comme celui Deut. de lire, relire & méditer continuellev. 1o. ment fa loi, c'est-à-dire, tout ce qu'il VI. 7. leur donnoit par écrit. Jofué, Samuel & les autres Prophetes écrivirent de temps en temps les miracles, les prédictions & toutes les autres chofes qui

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