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feigner aux autres. Depuis ce temps-là, c'est-à-dire, environ depuis le dixieme fiecle, on s'eft réduit à cette maniere d'inftruction, & l'on a cru que pourvu que les Chrétiens entendiffent, médiocrement le Symbole, ils pouvoient fe paffer pour la plupart de la connoiffance des faits que les Anciens étoient fi foigneux de leur raconter. Cependant quand nous n'aurions pas l'autorité de Ecriture & les exemples de tant de fiecles, il feroit aifé de voir que la narration & la déduction des faits eft, généralement parlant, la meilleure maniere d'enseigner la Religion.

On peut, à la vérité prouver par des raifons convaincantes, qu'il y a un Dieu créateur de toutes chofes, qui les conferve & les gouverne par fa providence; que la nature humaine eft corrompue; que l'ame eft immortelle, & qu'elle ne peut trouver de bonheur en cette vie. Les Peres l'ont fait quelquefois & le devoient, ayant à convertir des hommes en âge de raifon, & fouvent des Hérétiques ou des Philofophes. C'est de cette efpece de Catéchifme que Saint Grégoire de Nyffe nous a donné un excellent modele. Mais les enfans & la plupart des hommes groffiers & peu attentifs, ne font point capables d'entendre & de fuivre ces raisonnemens. Ceux même qui raifonnent le mieux ne peuvent arriver à ce qui eft au-deffus

de la raison, comme la Trinité, l'Incarnation, la prédestination, en un mot, les myfteres, dont toutefois la connoiffance eft néceffaire pour nous faire voir ce que nous devons à Dieu. C'est pourquoi Dieu, qui nous connoît parfaitement, a fondé la doctrine de la Religion fur des preuves dont tous les hommes fuffent capables, c'est-à-dire, fur des faits, & fur des faits évidens, illuftres, fenfibles, tels que font la créa tion du monde, le péché du premier homme, le déluge, la vocation d'Abraham, la fortie d'Egypte.

Afin que la vérité. de ces faits ne pût être révoquée en doute par ceux qui ne les auroient pas vus, Dieu a de temps en temps rendu témoignage à ceux qui les racontoient, par d'autres faits extraordinaires, c'est-à-dire, par des miracles, tels que ceux de Moyfe & des Prophetes, & enfin de Jefus-Chrift & de fes Difciples. En forte que pour croire à ceux que Dieu a envoyés, il n'a été befoin que de cerai- ix. 33 fonnement fi facile : Il faut bien que ce foit Dieu qui nous parle par ces hommes, puifqu'en fon nom ils reffufcitent des morts, & font d'autres merveilles que lui feul peut faire.

Joan;

C'est ainsi que l'aveugle-né raisonnoit fur les miracles de Jefus-Chrift, & faifoit le même raifonnement que Nico- Joan deme, Docteur en Ifraël.

III. 24

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Cette maniere d'inftruire n'eft pas feulement la plus fûre & la plus proportionnée à toutes fortes d'efprits, c'eft encore la plus facile & la plus agréable. Tout le monde peut entendre & retenir une hiftoire où la fuite des faits engage infenfiblement, & où l'imagination fe trouve prife; & quoique plufieurs fe plaignent de leur mémoire elle eft toutefois moins rare que le jugement. De là vient la curiofité pour les nou velles, l'amour des romans & des fables. Surtout, ce font les enfans qui en font les plus avides, parce que tout a pour eux l'agrément de la nouveauté ; & comme d'ailleurs les perfonnes âgées aiment naturellement à raconter les faits dont elles ont la mémoire pleine, rien ne feroit fi facile que d'inftruire les enfans dans la Religion, fi les peres & les meres en étoient bien instruits, & s'ils vouloient s'appliquer à raconter les merveilles de Dieu comme ils faifoient autrefois.

Ceux qui ont compofé nos Catéchismes modernes, ont bien vu cette utilité des faits, pour arrêter l'imagination des enfans, & pour leur rendre les inftructions agréables : & plufieurs ont établi pour regle de leur méthode, de finir chaque leçon par une hiftoire. Mais comme ils n'ont pas trouvé dans l'Ecriture & dans les Livres de grande autorité, des hiftoires courtes qui s'ajuftaffent

toujours à leurs leçons, ils en ont pris où ils ont pu, & fouvent ils les ont tirées de la Fleur des exemples, du Pédagogue Chrétien, ou de quelques Vies des Saints peu correctes; en forte que la plupart de ces hiftoires contiennent des vifions ou des miracles peu certains, ou même peu vraisemblables. On croit que tout eft bon pour les enfans; mais ils deviendront hommes, & ces premieres impreffions peuvent les rendre trop crédules, ou leur donner du mépris pour tout ce qu'ils ont appris dans l'enfance, fans diftinguer le folide. De plus, le Catéchifme fe fait en public & à la face des Autels: c'eft la parole de Dieu, ой il n'eft pas permis de rien mêler qui ne puiffe fe foutenir devant les hommes les plus favans & les mieux fenlés, & qui ne foit digne de la majesté de la Religion.

Un autre moyen pour fuppléer à la féchereffe des Catéchifmes, bien plus approchant de l'ancienne méthode, font les abrégés de l'Hiftoire fainte de l'ancien & du nouveau Teftament, accompagnés de figures. L'invention en eft excellente; les images font très-propres à frapper l'imagination des enfans, & à fixer leur mémoire; & c'est l'écriture des ignorans. Mais il feroit à défirer que ceux qui ont fait ces abrégés, au moins ceux dont j'ai connoiffance, y euffent obfervé plus de choix & plus de méthode. Ils ont mis

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bien plus au long les hiftoires de la Genefe, que des autres livres hiftoriques: ils en ont mis plufieurs qui ne servent de rien à l'effence de la Religion, comme la punition d'Adonibezec & d'Agag, la révolte de Zambri & d'autres femblables; & ils en ont omis d'importantes, comme les promeffes du Meffie faites à David, la vie des Prophetes; furtout, il ne paroît pas qu'ils aient pris foin de faire voir la fuite & le rapport de tous ces faits & véritablement c'eft ce que les enfans entendent le plus tard "mais; c'est pourtant à quoi l'on doit toujours tendre. Enfin, les livres pleins de figures font de trop grand prix pour être à l'usage des pauvres, qui ont le plus befoin de ces inftructions; & le difcours qui n'eft fait que pour expliquer les figures, n'est plus fi clair quand elles font ôtées. Cependant elles m'ont paru d'une fi grande utilité, que j'ai cru devoir les mettre à ce Catéchifme, afin qu'il puiffe fervir tout ensemble de Catéchisme & de figure de l'Hiftoire-fainte. Mais je les y ai jointes de telle forte qu'il n'en dépend aucunement, & que les figures ont plus befoin du difcours, que le difcours des figures.

Je fais bien que l'on a compofé les Catéchifmes fans narrations, par le défir de fe réduire au plus néceffaire, fondé fur la connoiffance que l'on avoit de l'ignorance craffe de la plupart des Chré piens, de leur peu d'application, & de

leur

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