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ma poitrine pour me punir moi-même répétant jufqu'à trois fois, que j'ai offenfé Dieu, par ma faute, fans y chercher d'excufe, & implorant le fecours de tous les Saints, & dans le Ciel & fur la terre, n'eft-ce pas affez témoigner que j'ai regret de mes péchés ? Que fi quelqu'un n'eft pas content de cette formule de contrition, il en trouvera fuffifamment dans le Miferere, dans les fix autres Pleaumes que l'Eglife a confacrés à la pénitence, & dans les Oraifons qui fuivent les Litanies des Saints. Qu'est-ce que le Gloria Patri, finon un acte d'adoration? & le Deo gratias, finon un acte de remercîment? Il faut être bien groffier pour ne pas reconnoître ces actes, s'ils ne font intitulés & s'ils ne contiennent formellement le mot de remercîment, d'offrande, d'adoration. Presque tous les verfets des Pfeaumes font autant d'excellens modeles de tous les actes de Religion des plus parfaits & c'est par cette raifon que l'Eglife les a choifis entre toutes les parties de l'Ecriture, pour nous les mettre continuellement à la bouche; afin, dit faint Athanafe, de former nos fentimens & nos affections fur ces excellens modeles. Les Oraisons qui terminent toutes les parties de l'Office, font encore de très belles formules de toutes fortes d'affections. On y eft fi accoutumé, qu'il semble à plufieurs qu'elles ne fignifient plus rien : & c'eft peut-être ce qui a faig

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compofer ces formules modernes, pour rendre fenfibles les mêmes actes par d'autres paroles. Mais il eft à craindre que l'on ne s'y appuie trop; que plufieurs croient avoir fait un Acte de contrition quand ils ont prononcé bien distinctement, quoique froidement : Mon Dieu j'ai grand regret de vous avoir offenfé, & le refte; & qu'il n'y en ait d'affez fimples pour croire qu'ils auroient perdu la contrition, s'ils avoient oublié leur formule. L'importance eft de toucher les cœurs. Quand les fentimens y feront imprimés, les paroles ne manqueront pas ; & quand elles nous manqueroient, Dieu ne nous entendroit pas moins.

: Lorfque le Catéchiste se trouvera obligé de defcendre dans le détail de ce que l'on doit faire en fe levant & en fe couchant, & dans les autres actions ordinaires de la vie, il doit bien prendre garde à le faire avec une telle difcrétion, qu'il ne donne pas occafion aux gens fimples & groffiers, de devenir fcrupuleux ou fuperftitieux; qu'ils ne croient pas avoir fait un grand péché, s'ils ont manqué à dire certaines paroles en s'éveillant : ou qu'ils ne croient pas avoir tout fait quand ils ont fatisfait à l'extérieur. S'ils ont de la piété, ils n'y manqueront pas; mais il n'y en a que trop qui le font par coutume, fans véritable religion.

Voilà les chofes que l'on doit enseigner: venons à la maniere, & premiérement au ftyle. J'ai déjà marqué l'incon

vénient du ftyle scolastique des Catéchifmes; & il eft plus grand qu'on ne pense. Ce n'eft pas croire, que de favoir par cœur certaines paroles, fans en entendre le fens. Ce n'eft pas de la bouche que l'on croit, c'eft du cœur; & la bouche ne fait que proférer au dehors ce que le cœur croit. Encore que la foi foit une connoiffance obfcure, parce que nous Croyons ce qui n'eft ni proposé à nos fens, ni clair à notre raison, c'est toutefois une connoiffance, & une connoiffance certaine. Quand je dis qu'il y a un feul Dieu, Pere, Fils, & Saint-Esprit, je crois diftinctement que chacun de ces trois n'eft point l'autre, & que tous trois font le même Dieu. Je ne comprends pas comment cela eft, mais je fais certainement qu'il eft; & c'eft affez pour la foi. Mais on ne peut dire que je crois ce Myftere, fi je n'en ai aucune idée, fi j'ai feulement ma mémoire chargée d'un fon de paroles, qui me foient auffi inconnues que celles d'une langue étrangere. Or, tel eft le langage fcolaftique, à l'égard de tous ceux qui ne l'ont pas étudié. Il y a des Catéchifmes où, pour la définition de Dieu, on dit que c'eft un Etre pur, fans mélange de puiffance. A quiconque entend le langage de l'école, cela fignifie que Dieu ne peut être que ce qu'il est, & poffede actuellement toutes les perfections poffibles. Mais à ceux qui ne favent que le françois, ces mots pourroient faire imaginer que Dieu n'a

point de pouvoir. Les mots d'effence & de fubftance fignifient toute autre chose au peuple qu'aux favans, Acte, puiffance qualité, difpofition, habituel, virtuel : tous les mots qui fignifient des abftractions, ou de fecondes intentions, comme on les nomme dans l'école, tout ce langage eft inconnu à la plupart des gens. Il vaudroit autant leur laiffer dire le Symbole en latin, que de le leur expliquer de la forte : l'expérience le fait voir. Après que vous vous êtes bien fatigué à faire répéter cent & cent fois à des enfans ou à des payfans, qu'il y a en Dieu trois Perfonnes en une nature, & en JesusChrift deux natures en une Perfonne; toutes les fois que vous les interrogerez, vous les mettrez au hafard de dire deux Perfonnes en une nature, ou trois natures en une Perfonne. On fait des exemples de gens âgés & éclairés d'ailleurs, qui difoient, fe plaignant que l'on vouloit les remettre au Catéchifme: Ne favonsnous pas bien qu'il y a trois Dieux en une Perfonne ? Cela vient de ce que n'ayant aucune idée dans l'efprit qui réponde à ces mots de Nature & de Perfonne, ils en font embarraffés; ils les brouillent aisément, & y joignent indifféremment un ou trois, felon qu'il leur vient à la bouche. Cependant les Hérétiques & les Impies en prennent prétexte de calomnier la Religion, & de dire que nous la faisons confifter en des fubtilités, dont peu de gens font capables.

Mais, dira-t-on, comment expliquer les Myfteres, fans tous ces termes confacrés à la Religion depuis fi long-temps? Peut-être ne peut-on pas s'en paffer entiérement; mais peut-être aufli que la coutume nous en impofe. Il est bien plus aifé, je l'avoue, de propofer au peuple la Doctrine Chrétienne, avec les mêmes termes que nous avons lus dans les livres de Théologie; mais il ne faut pas plaindre notre peine, fi nous pouvons trouver des expreffions qui leur faffent mieux entendre les mêmes choses. Or, il n'eft pas néceffaire pour cela d'en inventer de nouvelles il n'y a qu'à bien étudier celles dont on fe fervoit avant que les fubtilités des Hérétiques euffent forcé les Théologiens à emprunter ce langage d'Ariftote & des autres Philofophes. Encore n'en trouvera-t-on guere dans les Peres des quatre ou cinq premiers fiecles, quoique l'on eût déjà bien difputé fur toutes les parties de la Doctrine Chrétienne : ils s'attachoient religieufement au langage de l'Ecriture-fainte.

Suivons leur exemple'; imitons, autant que nous pourrons, felon notre langue & nos mœurs, le ftyle de Jefus-Chrift des Apôtres & des Prophetes. Ils parloient le langage commun des hommes: leurs expreffions étoient fimples, nettes, folides, & ne laiffoient pas d'être grandes & nobles. Ils donnoient des idées claires & vives, & agilloient beaucoup fur l'imagination; parce qu'il y a peu d'hommes

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