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capables de penser fans s'en aider. Plus les Peres font anciens, plus ils tiennent de cette noble fimplicité. Servons-nous des expreffions que l'Eglife a confacrées par les décrets & par fes prieres, & particuliérement de celles des Symboles & des autres Profeffions de foi qu'elle a faites de temps en temps, pour conferver fa Doctrine contre les héréfies, à mesure qu'elles fe font introduites; car c'est le langage qu'elle a voulu mettre en la bouche de tout le peuple. Les termes fcientifiques feront toujours d'ufage dans les écoles, entre les Théologiens de profeffion; mais à quoi bon en fatiguer les fimples, qui ne demandent qu'à s'inftruire, fans difputer, & à qui il importe de favoir les chofes qu'ils doivent croire, & non pas les mots dont le fervent les Savans pour les expliquer.

Or, je prétends que la méthode hiftorique fera fort utile pour faire entendre le fond des chofes, fans s'arrêter aux paroles. Je fuppofe qu'un enfant, fi-tôt qu'il a fu parler, a appris par cœur le Symbole, & fi l'on veut, quelqu'un des Catéchifmes ordinaires, le plus court & le plus clair. Quand après cela, pendant un long temps, comme de fix mois, on lui aura parlé de la Création du monde de la Providence de Dieu, de fes Miracles, de fes bienfaits, des terribleffets de fa Justice, & de tout le refte que je raconte dans la premiere partie, la feconde fera bien préparée, & les

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feront beaucoup moins difficiles. Il doit naturellement refter de tous ces faits l'idée d'un Dieu tout-puiffant, bon, juste & fage. Il ne fera pas néceffaire de demander combien il y a de Dieux; il né viendra pas dans l'efprit qu'il puiffe y en avoir plufieurs; vu principalement que ni les Hérétiques qui nous environnent ni les Infidelles les plus proches de nous, qui font les Juifs & les Mahométans, ne prêchent que l'unité de Dieu.

Dans la même fuite d'hiftoire on aura fouvent parlé du Meffie, Fils de Dieu, long-temps promis & attendu. On aura raconté fa venue, fa vie, fes miracles, fa doctrine, fa paffion. On aura parlé plufieurs fois du Saint Esprit, à l'occafion des Prophetes & des Apôtres. Après tous ces faits bien expliqués, il ne fera pas difficile de faire entendre que Dieu eft Pere, Fils, & Saint-Efprit; que JesusChrift eft vrai Dieu & vrai homme, & que toutefois ce ne font pas deux, mais un feul Jefus-Chrift. Il ne fera pas néceffaire de parler, fi l'on ne veut, de fubfistance ni d'union hypoftatique. Tout de même, dans les Sacremens, je crois qu'ab. folument parlant, on pourroit fe paffer des mots de matiere, de forme, de fubftance & d'accidens, dont l'Eglife en effet ne fe fert point dans fon Office public. Il fuffiroit de décrire exactement comment les Sacremens font administrés, & d'obferver foigneufement quelles actions extérieures & quelles paroles y font les

plus néceffaires. Que fi après avoir inf truit long-temps, & avoir effayé tous les moyens que la charité peut fuggérer, on trouve des hommes fi groffiers, qu'ils ne puiflent entendre les vérités néceffaires au falut, je ne fais fi on ne doit point les regarder comme des imbécilles, & les abandonner à la miféricorde de Dieu, fe contentant de prier pour eux, fans fe tourmenter à leur apprendre par cœur des paroles qui ne les fauveront pas toutes feules.

Outre les mots, il faut encore prendre garde aux phrafes. Ceux qui écrivent dans leur cabinet, ne manquent guere de donner à ce qu'ils compofent, un tour de période, principalement s'ils favent écrire en latin. Mais nous ne parlons point ainfi; notre style naturel est tout coupé, & celui des enfans bien plus que des autres. Ils ne peuvent pas embraffer à la fois plufieurs idées, ni en connoître les rapports. Auffi, quand on fait dire à un enfant que le Chrétien eft celui qui étant baptifé fait profeffion de la Doctrine Chrétienne, eft-il embarraffé de ce mot étant, qui fufpend le fens & lie la période; il diroit plutôt féparément : Un Chrétien eft un homme qui eft baptifé & qui fait profeffion de la Doctrine Chrétienne. Encore ces mots de profeffion & de doctrine font bien grands pour des enfans. De là vient que n'entendant point ce qu'ils apprennent, ils ne le difent point naturellement comme quand ils parlent

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d'eux-mêmes, mais le récitent avec précipitation, comme pour s'en décharger & élevent la voix en finiffant. J'ai fuivi en cette remarque le génie de la langue Françoife, & on en peut faire de femblables en chaque langue.

Le Catéchifte doit prendre fur lui toute la peine, fe faire petit avec les enfans ; & avec les fimples, étudier leur langage & entrer dans leurs idées, pour s'y accommoder autant qu'il fera poffible; mais il ne faut pas donner dans la baffeffe. Pour fe faire entendre des enfans, il n'eft pas néceffaire de parler comme leurs nourrices, ni de bégayer avec eux; pour s'accommoder au petit peuple, il n'eft pas befoin de faire comme lui des folécifmes, d'ufer de fes quolibets & de fes proverbes. It faut toujours conferver la majefté de la Religion, & attirer du refpect à la parole de Dieu. Il n'y a qu'à bien étudier l'Ecriture-fainte, on y trouvera les moyens d'être fimple, non-feulement fans baffeffe, mais avec grande dignité.

On s'étonnera peut-être du difcours fuivi que j'ai mis à chacune des leçons du petit Catéchisme, avant les questions & les réponses. La méthode hiftorique m'y a engagé; car une hiftoire s'entend mieux, racontée de fuite, que coupée par des interrogations. Outre qu'il pourroit fembler étrange d'interroger un enfant avant que de lui avoir rien appris, & de lui faire dire toute la Doctrine comme s'il inftruifoit le Maître qui l'interroge ; il

fembleroit plus naturel, que l'enfant qui ne fait rien, fit des queftions pour s'inftruire. Je fais bien que l'ignorance des enfans va jufqu'à ne favoir pas qu'il y ait quelque chofe à apprendre, & que bien qu'ils faffent fouvent des questions, il les font fans ordre & fans choix. C'est pourquoi le plus raisonnable, à mon avis, eft qu'un pere ou un maître prenne uni enfant, quand il le trouve en état d'entendre, & qu'il lui raconte une hiftoire, ou lui explique un myftere ; & qu'enfuite il l'interroge pour voir ce qu'il a retenu, & pour le redreffer, s'il a mal entendu quelque chofe, ou s'il ne s'eft pas attaché au plus effentiel.

J'ai fait les réponfes les plus courtes que j'ai pu, pour fatiguer moins les enfans, & pour imiter mieux la nature; car ils ne parlent pas long-temps de fuite. J'ai mieux almé les interroger à plufieurs fois, & je défire que l'on en use ainsi, autant que l'on pourra, quoique quelquefois pour écrire moins j'aye fait des réponses un peu longues, j'ai auffi évité de les faire trop fouvent répondre par oui & par non, de peur qu'ils ne foient pas attentifs à ce qu'ils affirment ou nient. Enfin, je me fuis efforcé de les interroger de telle forte qu'ils ne puiffent répondre aux chofes que ce que j'ai mis, ou qu'ils n'y changent que les paroles; & j'en ai fait quelques expériences fur des enfans de bon efprit.

J'aurois fouhaité que l'on eût pu en

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