Page images
PDF
EPUB

Une simple et divine formule résume tous nos devoirs envers les hommes, dans la doctrine de Jésus. La société humaine tout entière y est renfermée.

«Tout ce que vous voudrez qu'ils vous fassent, disaitil, faites-le-leur donc; c'est toute la Loi et les prophètes.

<< Ne condamnez point, et vous ne serez pas condamnés; remettez, et on vous remettra. Donnez, et on vous donnera; et on versera dans votre sein une bonne mesure, pressée, remuée et débordante (1).

[ocr errors]

Après avoir expliqué tous ces grands devoirs, Jésus exhortal ses disciples à la fidélité, les mit en garde contre les faux maîtres, les prémunit contre l'inanité du sentiment qui ne se traduit pas en vertu et en sacrifice, et leur révéla la fermeté invincible de celui qui s'appuierait sur sa parole comme sur un rocher.

<«< Entrez, disait-il, par la porte étroite, car la porte large et la voie spacieuse conduit à la perdition, et ils sont nombreux, ceux qui s'y engagent. Mais combien étroite est la porte, combien resserrée la voie qui mène à la vie, et qu'il en est peu qui la trouvent!

« Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous sous des peaux de brebis, et, au dedans, ce sont des loups ravissants. Vous les connaîtrez à leurs fruits cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des ronces?

« Le bon arbre porte de bons fruits, le mauvais arbre de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut donner de mauvais fruits, ni un arbre mauvais de bons fruits.

<< Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. >>

Ainsi, « c'est à leurs fruits », c'est-à-dire à leurs œuvres, <«< que vous reconnaîtrez les faux prophètes ». La vertu est le signe de l'arbre que Dieu a planté, et du prophète qu'il

envoie.

<< Tous ceux qui disent: Seigneur, Seigneur, n'entreront pas dans le Royaume des cieux; mais quiconque fait la volonté de mon père qui est au ciel, celui-là entrera dans le Royaume du ciel.

<< Plusieurs me diront en ce jour : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom, exorcisé les démons en votre nom et fait, en votre nom, beaucoup de

(1) LUC, XI, 13.

prodiges? Et moi, je leur dirai: Je ne vous connais pas; retirez-vous de moi, vous tous qui commettez l'iniquité. »

Jésus est le seul maître, le seul juge; il le déclare solennellement; il ne faut écouter que lui, et toute créature sera jugée par lui. Il est l'arbre de vie; les faux prophètes sont l'arbre fatal dont les fruits tuent. Sa doctrine est éternelle, immuable; c'est le rocher sur lequel il faut bâtir.

- «Quiconque écoute mes paroles et les pratique, celui-là est l'homme sage, il bâtit sa maison sur le roc.

«La pluie tombe, les torrents débordent, les vents soufflent déchaînés sur cette maison: elle résiste inébranlable, car elle est fondée sur la pierre. Mais quiconque écoute mes paroles et ne les pratique pas, celui-là est l'homme insensé, il bâtit sur le sable. La pluie tombe, les torrents débordent, les vents soufflent et ébranlent cette maison, et elle s'écroule, et la ruine en est grande. »

La sagesse païenne et la morale juive sont dépassées. Ce que l'une avait entrevu, Jésus le montre; ce que l'autre avait ébauché, il l'achève. Pas un sage, avant lui, qui n'eût fait à la faiblesse de l'homme et au mal quelque concession habile; Jésus n'a besoin d'aucun compromis, il donne le mot suprême de la justice et de la sainteté, et il a seul le droit d'exiger la perfection, de commander l'héroïsme, parce que, seul, il communique à la conscience fragile l'énergie de Dieu. Il arrache l'humanité aux passions qui la tyrannisent, à la colère et à la volupté, à la vengeance et à la haine; il lui apprend la douceur et l'austérité, la bonté et l'amour; il la déracine de la terre où elle s'épuise et meurt; il la ramène purifiée au Père qui est dans le ciel et qui seul peut lui donner la félicité et la vie sans bornes.

La douleur n'est plus un obstacle, elle est un moyen. Ceux qui renoncent à tout possèdent Dieu; ceux qui souffrent sont les heureux; les doux et les humbles sont les plus forts; les persécutés sont les triomphants; les affamés de justice, les rassasiés; et les cœurs purs de tout égoïsme et de toute volupté voient Dieu. Le sacrifice est le levier qui doit soulever le monde. La sagesse humaine est renversée.

Voilà l'œuvre législative de Jésus, dans son absolue beauté. La critique désarmée s'incline devant ce monument d'une harmonie et d'une hardiesse divines qui domine tout et qui élève Jésus au-dessus de tous les maîtres; le monument a

grandi avec les siècles; comme la foule des Galiléens l'admirait, l'homme le regarde encore et l'admire; il l'oriente et le rassure, lui marquant la voie et lui montrant le but; il est la pyramide dressée au milieu des sables mouvants du désert où l'humanité passe.

CHAPITRE V

LE VOYAGE A NAÏM.

Le discours sur la montagne est, dans la vie publique de Jésus et dans l'accomplissement de son rôle messianique, un acte d'autorité absolue. En Législateur et en Maître qui ne relève de personne, il a dicté à toute conscience sa loi, formulé ses préceptes, inculqué son Esprit. Il ne commande pas au nom de Dieu comme un simple prophète, il parle en son nom propre; il ne répudie pas Moïse, il le complète et le domine; mais il repousse l'enseignement traditionnel des docteurs et dresse contre lui l'acte d'accusation le plus énergique; il se dit le seul Maître, et c'est lui seul qu'on doit écouter.

Cette attitude va soulever l'animosité du monde officiel pour lequel le nouveau Prophète ne sera qu'un perturbateur. A mesure que son œuvre se développera, hostilité, embûches et menaces iront croissant: il est dans les desseins de Dieu qu'elle grandisse au milieu de la lutte et par la lutte.

Cependant, le Père céleste ménage à Jésus quelques jours tranquilles; il amène sur ses pas des âmes douces et confiantes qui le consolent de l'opposition de ses ennemis, car elles mettent en jeu sa vertu divine et lui donnent la seule joie qu'il ait jamais cherchée parmi les hommes guérir les infirmes, consoler les affligés, sauver les pécheurs.

Jésus descendit de la montagne, suivi de la foule qui l'avait rejoint à Koroun-Hattin et que sa parole avait enthousiasmée; il revint à Capharnaum, où il ne fit qu'un séjour rapide.

Il y avait dans la ville un centurion, probablement un soldat

romain, au service d'Hérode Antipas (1). Ce païen avait conquis par sa générosité la sympathie des Juifs, et manifestait, d'ailleurs, pour leur religion un zèle ardent; c'était un cœur droit et bon.

Un de ses serviteurs, qu'il aimait beaucoup, se mourait, frappé de paralysie. Il avait entendu parler de Jésus. La guérison du fils d'un autre centurion, la résurrection de la fille de Jaïre, d'un paralytique, de l'homme à la main desséchée, et tant d'autres miracles, lui inspiraient confiance. Il envoya vers Jésus une députation d'anciens, les chefs de la synagogue sans doute, pour le prier de venir et de guérir son serviteur. Ceux-ci conjurèrent avec insistance le Maître : - Ne refusez pas, lui disaient-ils, il mérite que vous fassiez cela pour lui; il aime notre nation, et il nous a même bâti une synagogue.

Jésus s'en alla avec eux; et, comme il s'avançait vers la maison, le centurion l'aperçut au milieu du cortège. La vue du Prophète lui fit éprouver un sentiment de vénération mêlé de crainte. I redoutait de le recevoir dans sa demeure, et il envoya quelques-uns de ses amis lui dire : Seigneur, ne prenez point tant de peine, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, et ne me suis pas jugé digne de venir moi-même à vous; mais dites un mot, et mon serviteur sera guéri. Car, bien que sous la puissance d'un autre, j'ai des soldats à mes ordres; et je dis à l'un: Va, et il va; à l'autre : Viens, et il vient; à mon esclave: Fais cela, et il le fait. Jésus s'arrêta, étonné.

L'humilité, la réserve, la confiance de ce païen l'émurent. — « En vérité, je vous le dis », s'écria-t-il, en se tournant vers la foule qui le suivait, « je n'ai pas trouvé en Israël même une si grande foi. »

Sa pensée, qui pénétrait toujours plus haut et plus loin que la réalité immédiate, vit dans cet homme le monde païen tout entier qui devait accueillir celui que les Juifs auraient repoussé.

-Beaucoup, ajouta-t-il, viendront de l'Orient et de l'Occident s'asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux, tandis que les fils du Royaume seront jetés dehors, dans les ténèbres. Là, seront les pleurs et les grincements de dents (2). »

(1) MATTH., VIII, 5-15; LUC, VII, 1-10.

(2) Loin du Royaume de Dieu, l'homme est dans la nuit de l'erreur et dans les

« PreviousContinue »