forme de prédication. A la fin du sermon, le prédicateur recommande, de la chaire, aux prières des fidèles présents et de tous les membres de l'Archiconfrérie les pécheurs qui lui ont été recommandés dans la semaine précédente. Nous l'avons déjà dit, nous ne connaissons sous aucune espèce de rapport la plus grande partie de ceux qui nous sont recommandés; ceux que nous cherchons à intéresser en leur faveur ne savent jamais de qui il est question. Ainsi, point de motifs particuliers de dévotion pour eux. Cependant nous pouvons attester le zèle avec lequel ils prient pour ceux que nous leur recommandons, surtout si nous avons pu, sans les désigner, donner avec notre recommandation la notion de quelque circonstance de leur vie, de leur âge, des malheurs qu'ils auraient éprouvés. Ces idées les frappent et les mettent dans le cas de se souvenir. Nous savons qu'un bon nombre de confrères ne s'en tiennent pas à la prière commune qui se fait à l'Église, mais prient tous les jours, offrent leurs communions, font même des neuvaines pour les pécheurs recommandés. Dieu bénit leur charité, et il n'y a pas de semaine où nous n'ayons la consolation d'apprendre des conversions obtenues par ce moyen. Parmi celles que Marie a obtenues de la divine bonté dans le cours du mois de novembre de cette année, nous allons en rapporter deux. Un ancien officier, homme très-distingué, marié, père de famille, habite une des villes du diocèse de Bayeux. Sa carrière a été remplie par le plus constant exercice des vertus sociales les plus honorables, mais absence totale de principes et de sentiments religieux. Il tombe malade. Sa femme et ses amis l'engagent à rentrer en grâce avec Dieu. Il s'explique nettement avec eux, leur déclare qu'il n'a pas besoin de cela, qu'il n'y croit pas, qu'il a vécu en homme d'honneur toute sa vie, qu'il n'a rien à se reprocher, et défend qu'on lui ouvre la bouche désormais à ce sujet. On n'ose plus lui en reparler. Quelques jours se passent, on nous écrit; et à peine l'Archiconfrérie a-t-elle prié pour lui, qu'il exprime indirectement le désir de voir son pasteur, qui, prévenu, se hâte de le visiter, le ramène à la religion et lui administre les sacrements. Le malade a rendu compte des motifs de sa conduite à quelques personnes qui, vu ses antécédents, en paraissaient étonnées. Ce que j'ai fait, a-t-il dit, c'est pour devenir fidèle à mon Dieu, comme je l'ai été à mon roi; c'est pour sauver mon âme, et aussi pour consoler ma femme et mes enfants. La seconde conversion dont nous voulons parler est celle d'une comédienne. Voilà l'histoire de cette malheureuse fille. Née à Paris, elle n'avait de chrétien que le baptême. Livrée par ses parents, dès l'âge de six à sept ans, aux petits théâtres de la capitale comme danseuse, elle a passé son enfance et une partie de sa jeunesse dans cet état scandaleux. A l'âge de seize à dix-sept ans, se sentant du goût pour le théâtre, elle s'y est livrée; elle jouait en province. Une maladie la saisit à Paris, où des affaires l'avaient amenée. Elle se fit transporter à la maison de santé de Dubois. Une personne chrétienne, qui l'avait connue autrefois, ayant appris son séjour et sa position, vint nous en parler. Tout ce qu'elle nous en dit nous émut de compassion et nous fit trembler sur son sort. Nous prîmes l'engagement de faire prier pour sa conversion. La pauvre malheureuse en avait le plus grand besoin : jamais elle n'avait fait un acte de religion, jamais dans toute sa vie elle n'avait entendu parler de Dieu. Eh! quelle avait pu être une vie commencée sous de si fu nestes auspices, et prolongée au milieu de tous les moyens de corruption? Quelques jours avant, elle avait vu entrer l'aumônier de la maison dans la salle où elle était couchée. Cette vue lui avait inspiré un sentiment d'horreur; elle s'était écrié « Que veut ici ce << ministre de la mort? Qu'on ne le laisse pas s'appro<< cher de moi! » Sa maladie était mortelle; une pareille vie, des dispositions aussi impies ne semblaientelles pas annoncer la réprobation éternelle de cette malheureuse pécheresse? Nous recommandâmes à la personne qui nous instruisait de tous ces détails d'aller visiter cette pauvre brebis égarée, de lui parler de Dieu, de l'engager au repentir, à la conversion. Elle le fit avec charité et constance. La pauvre malade écouta ce langage qu'elle ne comprenait guère, mais ne prit point encore de parti. Nous commençâmes à prier pour elle le dimanche 4 novembre, après une recommandation dans laquelle nous fimes sentir tous les besoins de cette pauvre âme. Le lendemain, nous lui envoyâmes une médaille miraculeuse. Elle la reçut, écouta les conseils chrétiens qu'on lui donna, promit de les suivre, mais en disant toujours: Qu'est-ce que je ferai? qu'est-ce que je dirai? Je n'en sais rien; on ne m'a rien appris. Nous fìmes avertir M. l'aumônier, qui l'instruisit, la confessa et lui administra les sacrements le 15 ou le 16 novembre, et le dimanche 18, elle rendit son âme à Dieu à neuf heures du matin. Les dernières paroles qu'on lui entendit prononcer furent cette prière : « Marie con«< çue sans péché, priez pour moi qui ai recours à C'est après le salut que se fait la prière particulière pour les pécheurs recommandés. Elle consiste dans la récitation du Pater, de l'Ave Maria et de l'invocation Sancta Maria, refugium peccatorum, ora pro nobis, faite à haute voix et en commun. Disons un mot des avantages que produit l'Archiconfrérie. Ils sont nombreux et immenses. Les fidèles qui en font partie s'assurent, par les hommages spéciaux qu'ils rendent au saint et immaculé Cœur de Marie, toutes les grâces de sa protection si puissante. Le zèle pour la gloire de Dieu qui les anime, la charité qui les embrase pour le salut de leurs frères, exercent et augmentent leur foi et leur piété. Nous l'attestons, parce que nous l'avons constamment observé. Ils concourent, par leurs vœux et leurs prières, aux succès des travaux apostoliques des missionnaires qui vont éclairer les peuples infidèles des lumières de l'Évangile; ils concourent par leurs tendres supplications, et ils participent au prix du zèle et des mérites de tant de saints prêtres qui, dans le sein de l'Église, travaillent à la conversion des pécheurs; ils appellent et obtiennent les grâces du retour et du salut pour tant de pécheurs dont un grand nombre se serait perdu pour l'éternité sans leur secours. C'est une espèce d'apostolat qui s'exerce de leur part par les vœux et les prières. Ah! qu'ils persévèrent dans les précieux sentiments, dans les saintes dispositions que la grâce leur a inspirées, et qu'ils s'animent d'une vive et sainte confiance dans la miséricorde divine. Marie qu'ils ont tant suppliée pour leurs frères, Marie à qui ils ont tant de fois répété « Priez pour nous, pauvres pécheurs, main« tenant et à l'heure de notre mort. » Marie ne les abandonnera pas dans ce moment terrible. Et pour les pécheurs, quels avantages! Perdus la plupart, submergés dans une mer d'iniquités, enfoncés dans les désordres, les excès d'une vie tout animale, glacés par la froide indifférence du siècle, sem blables aux bêtes, dit l'Esprit saint, vivant sans réflexion, et mourant, comme elles, dans la stupidité, quelle ressource leur restait-il? Les grâces de Dieu, les secours si puissants de la religion, ils les dédaignent et les méprisent, et leur cœur, qui est devenu de la boue, n'est plus capable de les sentir. Et voilà que la divine charité tire de ses trésors et nous présente un nouveau gage de salut pour les plus désespérés; elle nous offre le saint et immaculé Cœur de Marie. O puissante, ô salutaire, ô riche ressource! depuis que vous nous avez été donnée, déjà que de victoires remportées sur l'enfer! que de victimes lui ont été arrachées! que de pécheurs sont rentrés dans les voies de la grâce! que de mourants, qui semblaient dévoués au malheur éternel, n'ont quitté la vie qu'après s'être réconciliés avec la divine justice! Nous disons à votre gloire, ô Marie! refuge des pécheurs, que le nombre en est trop grand pour que nous puissions le calculer. Quels avantages cette sainte dévotion procure-t-elle aux paroisses qui ont le bonheur de la posséder! Ici nous pourrions parler d'expérience; mais nous aurions trop à dire si nous voulions raconter toutes les saintes joies, toutes les consolations dont il plaît à la divine bonté de combler notre indignité : nous nous contenferons d'en donner une idée en disant que dans le cours de l'année 1848 le nombre des communions a été de cent sept mille neuf cents dans une paroisse où, il y a onze ans, on n'en pouvait compter que sept cent vingt dans le cours d'une année entière. Un avantage auquel on ne ferait peut-être pas attention, si nous ne le faisions pas remarquer, et qui est cependant réel et immense, c'est celui qui résulte du concours et de la participation à toutes les prières, à tous les vœux qui sont offerts dans l'Archiconfrérie. |