L'art du dix-huitième siècle, par E. et J. de Goncourt, Volume 2

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Page 328 - ... mourait d'envie d'avoir, de ma façon, le tableau dont il allait me tracer l'idée. — «Je désirerais, continua-t-il, que vous peignissiez Madame (en me montrant sa maîtresse) sur une escarpolette qu'un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois...
Page 366 - ... feuillu, croquant, emmêlant la nature aux balustres et le nuage aux cimes des bois. Plus vaillantes encore sont d'autres sanguines de lui : des études de femmes, d'après nature, faites de premier coup, où la sanguine presque écrasée, sabrant les fonds de ses tirebouchonnements, brutalise les étoffes, les garnitures de robes, chiffonne victorieusement la fantaisie et les brimborions de la toilette, attaque aussi vivement la figure, la hache d'ombre, et fait ce miracle d'y laisser sous le...
Page 359 - Ses tableaux n'en disent pas autant sur lui : dans sa peinture, il est Fragonard; dans ses dessins, il est moins et plus : il est Frago tout court et tout intimement. Suivez-le dans le premier coup d'aile d'une idée, lorsqu'il jette au papier l'âme d'une composition, lorsqu'il cherche et tâtonne à travers le nuage ; surprenez-le dans ces dessins de matin, ces crayonnages qui s'éveillent; regardez ces lavis faits de si peu, ces semis de jolies taches, ces souffles, hélas! ces riens charmants,...
Page 406 - Il est incapable de dérèglement par lui-même ; mais, s'il y est conduit, il peut y être extrême, et cette idée me ferait frémir si je n'osais me flatter que par amour pour le bien, par amitié pour moi, par pitié pour cet enfant déjà marié depuis trois ans, vous daignerez vous l'attacher, lui permettre de vous parler avec confiance, de vous consulter et de ne rien faire sans votre aveu et votre avis. Je lui ai montré vos lettres, je lui ai laissé voir la vénération que vous m'avez...
Page 353 - Fragonard, peintre excellent pour son talent qui m'est nécessaire surtout, mais d'ailleurs très-commode pour voyager et toujours égal. Madame se trouve de même, et, comme il m'est très utile, j'ai voulu le payer de reconnaissance en lui procurant sa femme qui a du talent et est en état de goûter un pareil voyage, rare pour une femme.
Page 362 - ... comme disait le temps, l'élégance et la grâce même du peintre. Ici, sous les zigzags d'un bouquet d'arbres, c'est un taureau blanc levant la tête d'un bassin, et, le muffle encore baveux de filets d'eau, regardant un couple d'amoureux qui s'embrasse au fond du dessin, dans la chaleur d'été du bistre.
Page 410 - ... hors de la portée d'en jouir encore. Et vous, aimable demoiselle, dont la douce amitié semait de fleurs les jours épineux de ma vie, les charmes de votre amitié n'apporteront plus de soulagement à ma détresse. La sérénité ne trouvera plus à séjourner dans mon âme et le poison de l'ennui me minera tout à son aise. C'est que, encore dans ces jours cruels, tout ajoute à ma mélancolie. Si je fouille au dedans de moi, je n'y trouve qu'un vide affreux. Si j'envisage ma situation présente,...
Page 361 - Et de là, quelles divines petites figurines de femmes se lèvent, fines, spirituelles, délicates, avec leurs bouquets de cheveux noués d'un ruban et noirs d'une goutte de couleur, leur profil de statuettes de porcelaine ombré et tournant sous un soupçon de lavis, la vie mutine que leur donne, à la façon de mouches de bistre, une piqûre de pinceau à la prunelle de l'œil, à la narine, au coin retroussé de leurs petites bouches en cœur! Comment ne pas parler ici de LA LECTURE du Louvre?...
Page 504 - Watleau le fil travailler devant lui et lui abandonna les derniers jours de sa vie; mais Pater ne put profiter que pendant un mois de cette occasion si favorable ; la mort enleva Watteau trop promptement. Il m'a avoué depuis qu'il devoit tout ce qu'il sçavoit...
Page 491 - ... ni d'un côté ni de l'autre, et ils furent enfin obligés de se séparer tous les deux d'une manière assez désobligeante des deux parts. Quelques-uns même veulent que ce fût une jalousie, mal entendue, que •Gillot prit contre son disciple, qui occasionna cette séparation ; mais, ce qui est vrai, c'est qu'ils se quittèrent au moins avec autant de satisfaction qu'ils s'étoient auparavant unis.

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