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qui doit servir à leur nourriture, ils trouvent encore à vivre après que le propriétaire du fonds a prélevé sa part sur la totalité des produits.

« On sait qu'un arpent de terre cultivée fournira plus d'herbages que le terrain le plus étendu, quand le pâturage en est commun.

<«< On sait aussi que, dans les pays de petite culture, une métairie de dix hectares occupe ordinairement dix travailleurs. En ne portant qu'à 200 fr. la dépense de chacun de ces individus, ils gagnent collectivement une somme de 2,000 fr. par an. Que l'on joigne à cette somme le revenu que pourraient donner au moins 20 hectares de terre, qui ont une valeur réelle égale aux 10 qui sont en culture, mais qui sont réservés pour fournir des engrais (revenu que l'on peut évaluer au plus bas à 200 fr.), et l'on aura un intérêt de 2,000 francs, représentant un capital de 40,000 fr.

Mais c'est en vain qu'on connaît ainsi tant de faits, tant de points de comparaison encourageants; nul ne peut s'établir sur un terrain communal, ni soigner ce qui est la propriété de tous; nul ne peut même entreprendre une chose utile à la généralité, sans être certain de trouver une résistance irréfléchie, mais constante, de la part du dernier membre de cette espèce de diète, où chacun exerce avec jalousie un droit absolu de veto. Il faudrait une même volonté pour soumettre tout à un régime utile mais qui produira cette volonté ? Pour l'obtenir, il faut le concours de tous les ayantsdroit; et ceux-ci, pour se déterminer, ne suivront que l'inspiration de leur intérêt privé, qu'ils confondent avec l'aveugle caprice d'une routine absurde.

:

<< Ainsi tout ce que les efforts de l'industrieux, du laborieux cultivateur, ont de plus méritoire et peuvent avoir de plus encourageant, vient se briser, expirer contre la limite que lui oppose, comme un rocher inébranlable, cette force d'inertie que produisent l'apathie et l'envieuse opposition d'un intérêt indivis, qui aime mieux se sacrifier que d'en faire prospérer d'autres. On voit ainsi nombre de déserts misérables et insalubres que forme, dans notre beau territoire, et au préjudice national, cette immense étendue de biens communaux, que les communes ont encore indûment accrue par l'envahissement de presque toutes les terres vagues que possédaient l'ancien clergé et les anciens seigneurs, auxquels elles n'appartenaient qu'à titre onéreux de voirie et de justice locale, charges qui, se trouvant aujourd'hui supportées par l'état, doivent le saisir de leur juste compensation.

<<< Il est donc bien certain qu'un avenir plus heureux pour les habitants des contrées encore incultes ne saurait se développer qu'après l'anéantis

sement du système si fatal de la propriété communale. C'est par-là qu'il faut commencer, parce qu'aucune modification avantageuse ne peut être introduite dans l'ordre actuel tant qu'un proprićtaire, impuissant pour faire le bien, tout-puissant pour l'empêcher, est toujours là pour repousser de son sol tout homme zélé qui aurait la pensée de l'améliorer.

« Ce propriétaire, c'est cette masse de la population peu éclairée, même prise individuellement, ignorante, et disposée à s'opposer au bien lorsqu'elle est réunie. Voyez-la prête à se lever avec fureur contre le téméraire qui oserait manifester la prétention d'utiliser les portions les moins précieuses de ce sol infertile, et s'irriter contre ceux mêmes qui se borneraient à ne pas partager ses préventions. Espérez-vous la faire concourir à l'exécution des projets qu'elle n'examine, qu'elle ne juge qu'à travers ses préjugés? Jamais elle n'accueillera ces projets : il faut que, sans lui tenir comple de sa manière de voir, une main puissante, celle du gouvernement, brise ce vain échafaudage d'une propriété illusoire, en le remplaçant par un revenu positif.

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Examinant ensuite les droits et les devoirs du gouvernement à l'égard des biens des communes, dont il est le tuteur légal et immédiat, M. de Pommeuse conclut qu'il a l'obligation, comme le droit, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un état de choses si reprochable; et que le moyen le plus efficace, le seul même qui soit sûr, c'est la vente aux enchères des terres incultes dépendantes des biens communaux, avec placement du prix en rentes sur l'état.

Après l'opinion de M. de Pommeuse, nous placerons celles de deux jurisconsultes éclairés, qui ont fait de cette question le sujet de deux mémoires couronnés par la société académique de la LoireInférieure.

L'un d'eux, M. Colombel, à l'aspect des landes communales de la Bretagne, s'écrie avec une patriotique chaleur :

« Terres incultes, dont la vaste étendue embrasse une partie si considérable de l'ancienne Armorique, pourquoi, depuis tant de siècles, votre aspect aride et monotone ne cesse-t-il de fatiguer les regards du voyageur?

« Autour de vous, tout se ressent des progrès heureux de l'agriculture; tout s'anime et paraît recevoir une création nouvelle pour vous seules n'existerait-il donc ni printemps ni automue? Telles on vous a vues durant le sombre hiver, telles on vous retrouve après la renaissance des beaux jours. Leur douce influence, qui agit sur toute la nature, semble nulle pour vous ; comme une terre maudite,

vous ne produisez rien, et la végétation s'arrête là où commencent vos tristes limites.

« Quelle cause vous retient dans un état si voisin du néant? La volonté du Créateur vous aurait-elle frappées d'une éternelle stérilité? ou plutôt, n'êtesvous restées improductives que par une suite de la misère de l'homme, de son ignorance, de ses préjugés, ou des vices de ses institutions?

Génie de l'agriculture, inspire un autre écrivain! Dis-lui par quels procédés on peut améliorer ces landes qui paraissent d'immenses inutilités dans le système de la nature. Apprends-lui quels germes l'on doit confier au sein d'une terre peu favorable; lesquels s'y développeront le plus facilement et répondront le mieux aux soins pénibles du laborieux cultivateur !....

&..... Incrédules! visitez les défrichements opérés par M. Charles Haentjens, dans le voisinage de Nozay, et vous resterez convaincus que l'auteur des Géorgiques a dit avec raison, en parlant de l'agriculture et des arts:

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Après avoir fait connaître que le premier obstacle à l'amélioration des landes consiste dans le mode actuel de jouissance commune et de compascuité, et dans l'incertitude qui règne sur la propriété des landes de Bretagne, entre les communes, les habitants des villages et les ci-devant vassaux, M. Colombel examine la question légale sous toutes ses faces, et résume en ces termes les dispositions qui pourraient entrer dans un projet de loi propre à concilier tout à la fois et les grands intérêts de l'agriculture et le droit sacré de la propriété.

1o Faire statuer promptement sur les prétentions respectives des communes et des particuliers; 2o Amener au partage, ou à la vente de ces terrains, les personnes qui en seront reconnues ou jugées propriétaires ;

3o Faire en sorte que ces différentes opérations s'exécutent avec économie de temps et d'argent.

Le second écrivain qui a traité cet important sujet, mis au concours par la société académique de Nantes (M. Nadaud, avocat-général près la cour royale de Rennes), après avoir, comme son concurrent, présenté un exposé lumineux de l'état de la législation actuelle sur les landes de Bretagne, et fait ressortir avec énergie les résultats du système de la propriété appliqué aux communes, n'hésite pas à reconnaître que l'intérêt de l'état,

(1) Mémoire sur les terres vaines et vagues de la ci-devant province de Bretagne, par M. Colombel, avocat. Nantes, 1828.

celui des communes, considérées comme corps de propriétaires, et enfin, celui des individus qui composent la population, exigent impérieusement que l'on mette un terme à une communauté de jouissance infructueuse, autant que défectueuse, sous tous les rapports.

Selon ce magistrat, trois moyens se présentent pour faire cesser légalement la compascuité.

1o Le partage des landes; 2o les baux à ferme; 3o enfin, l'aliénation de ces biens.

M. Nadaud donne la préférence à ce dernier et conclut à demander une loi pour consacrer des vues adoptées par tous les hommes éclairés et de bonne foi de cette province.

<< Convertis en propriétés privées, ces biens, dit-il, d'un produit presque nul en ce moment pour l'espèce humaine, seront arrachés à la stérilité et à la dévastation. Riches des ressources qu'elles trouveront dans un changement de système, les communes pourront faire face aux charges qui leur sont imposées, se livrer à de grandes entreprises, ouvrir des routes, réparer celles qui existent déjà, assurer entre elles des moyens de communication, et par conséquent de prospérité. De nouveaux travaux d'agriculture emploieront une plus nombreuse population. Des émigrations ne seront plus nécessaires, et fixés au sein de leur patrie, nos cultivateurs ne seront plus obligés d'aller établir des colonies sur des terres étrangères. Des essais tentés par les grands propriétaires feront participer tous les habitants aux bienfaits des découvertes modernes. Les mœurs perdront aussi de leur dépravation, et l'on préviendra les désordres, résul

tat inévitable d'une honteuse oisiveté.

Mais le pauvre, dira-t-on peut-être (le pauvre qui exerçait un droit de propriété sur les landes), ne figure pas dans ce tableau d'une prospérité toujours croissante : vous l'abandonnez sans doute, et n'accordez aucune pitié à son sort?...

« Ne nous laissons pas égarer par une fausse philanthropie, et sachons reconnaître quelles sont les véritables sources de la richesse et du bonheur. Nous les trouverons dans le travail et dans les occupations sérieuses. Procurons donc au pauvre des moyens et des occasions de se livrer au travail et retirons de ses mains une propriété fatale qui perpétuerait l'idée de misère dans laquelle il vit. Excitons son émulation et son industrie. Combattons les dispositions à l'oisiveté auxquelles il n'est que malheureusement trop enclin, et nous parviendrons ainsi à lui assurer des ressources qui ne lui manqueront jamais (2). »

(2) Mémoire sur les terres vaines et vagues et les biens communaux, par M. Nadaud. Nantes, 1828.

mettre fin.

".......

.... Personne n'ignore les préjugés des communes qui ne cultivent ces modiques champs qu'à l'aide du parcours sur des lieues de bruyères. Elles ont quelque chose de la folie des peuples pasteurs, desquels on a si bien dit qu'ils n'auraient pas assez du monde entier pour faire paître leurs troupeaux. Il n'est pas malaisé d'indiquer en France un grand nombre de communes où il se trouve un hectare de landes par tête de brebis. »

Nous avons dû citer particulièrement les opinions | miner ceux qui voudraient le plus sincèrement y de ces deux jurisconsultes, parce qu'indépendamment du mérite de leurs mémoires, ils ont eu l'honneur d'obtenir les suffrages de la société académique de la Loire-Inférieure, qui compte dans son sein des hommes éclairés et amis du bien public. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir répandu de vives lumières sur la question des landes communales. Avant eux, MM. Bernard-des-Essarts, avocat, ancien premier adjoint à la mairie de Nantes, et Baron, avocat de cette ville, s'en étaient occupés d'une manière spéciale. Le premier avait publié des observations très-remarquables sur cette grande question d'intérêt public auquel son zèle ne pouvait le laisser étranger. Le second, fils comme lui d'un vertueux magistrat, avait été également fidèle à des traditions héréditaires de talent et de patriotisme.

Du reste, depuis que ces opinions ont été publiées, une voix éloquente est venue leur prêter une nouvelle force.

Dans la séance de la chambre des pairs du 28 mars 1831, à l'occasion d'une pétition particulière, M. le vicomte Lainé proclamait ainsi le dommage qui résulte de l'incertitude de la propriété sur une vaste étendue du territoire du royaume :

La brusque réaction contre la féodalité a fait rendre des lois violentes, autorisé des destructions de titres, qui ont ajouté de longues discordes à l'incertitude. Les formes, les conditions imposées, tantôt aux communes, tantôt aux anciens possesseurs, ont rendu la jurisprudence fort variable; et, dans l'incohérence et le chaos des lois et des actes des réactions politiques, les tribunaux ont bien de la peine à trouver le droit et à démêler la justice..... Que de procès intentés sur ces terres que la chicane rend plus arides encore ! Si l'administration s'en faisait rendre compte, vous seriez étonnés du nombre des litiges administratifs ou judiciaires, et de l'embarras que trouvent à les ter

(1) Le grand Frédéric partageait les mêmes opinions sur les inconvénients du système de la communauté des terres incultes.

M. le vicomte Lainé terminait ses observations, puisées dans l'expérience qu'il possède si bien sur l'état des landes de Gascogne, en demandant avec énergie la révision de la législation sur les biens communaux (1).

Selon le noble pair, les principes à adopter peuvent ainsi se résumer :

1o Reconnaître le droit de propriété des anciens possesseurs;

2o Reconnaître les droits d'usage des communes; 3o Faciliter l'aliénation ou la mise en valeur des terres vagues, au moyen du cantonnement.

De ce concours d'autorités, auxquelles celle du noble pair met en quelque sorte le dernier sceau il doit résulter la conviction que l'on ne saurait trop promptement consacrer, par une législation nouvelle et qui sache prévenir en même temps les abus auxquels a donné lieu, en Angleterre, l'abolition du mode de jouissance des terres incultes du royaume.

La révision des lois existantes sur cette matière devrait être nécessairement confiée à la commission dont nous avons proposé la formation, et à laquelle on pourrait joindre quelques agronomes éclairés de la Bretagne et de la Gascogne. Nous ne pouvons trop insister pour l'accomplissement de vœux aussi unanimes, accomplissement qui doit être si fécond en grands et nobles résultats.

On peut voir dans le recueil de ses édits les mesures qu'il adopta pour les faire cesser.

CHAPITRE V.

DES COLONIES AGRICOLES EN EUROPE.

« On a vu, par ce qui précède, que, malgré les progrès de la civilisation et l'augmentation de la race humaine, beaucoup de terres incultes attendent le travail qui doit les féconder. Ces terres rappellent à l'homme, au bout de soixante siècles, l'arrêt suprême qui le frappa au moment de la création de l'univers; mais elles semblent aussi lui indiquer une loi plus douce et plus consolante.

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« Le frère, aidé de son frère, dit Bossuet, est comme une ville forte. Les forces se multiplient par la société et le secours mutuel.

« Il vaut mieux être deux ensemble que d'être seul; car on trouve une grande utilité dans cette union; si l'un tombe, l'autre le soutient; malheur à celui qui est seul! il n'a personne pour le relever (1). »

Telle est la loi nécessaire qui préside à l'organisation des sociétés. Reconnue par la religion, sous le rapport moral, elle l'est de même, sous d'autres rapports, par l'économie politique.

L'association, appliquée au travail, à l'industrie, aux capitaux, centuple leurs forces et leurs produits.

Plus l'association repose sur des liens puissants et durables, plus ses résultats sont féconds et assurés.

Ce sont ces principes, à la fois religieux et économiques, qui, dans les premiers âges du christianisme, réunirent et guidèrent ces pieuses associalions d'hommes séparés du monde par leurs mœurs austères, mais quilui appartenaient par leurs utiles

travaux.

(1) Væ soli! quia cùm ceciderit, non habet sublevantem se. (Sagesse.)

(2) « Les peuples sur lesquels l'histoire dirige principalement notre attention, présentent tous des observations qui prouvent la nécessité de préparer une sorte de destination nouvelle; on serait tenté de dire une sorte de déversoir pour le trop plein de la population, quand elle devient surabondante, relativement à ses moyens d'existence. C'est après des prévisions aussi importantes, que la coutume d'établir des colonies dans des pays éloignés a été suivie d'une manière systématique par les nations de l'antiquité les plus sages, et dont la politique était la

La population, en Europe, n'est surabondante que dans quelques contrées; elle a besoin seulement d'être mieux répartie.

Les défrichements opérés en Europe dans le moyen âge, et qui donnèrent la première impulsion à l'agriculture dans des contrées alors couvertes de forêts et de terres incultes, furent réalisés, comme on le sait, par des congrégations religieuses, véritables colonies agricoles, fondées sur la triple alliance de la piété, de l'association et du travail.

Il est facile de comprendre combien des travaux entrepris par des hommes éclairés pour leur temps, sobres et laborieux par devoir, et rapportant tout à l'utilité commune, devaient rapidement prospérer et accumuler les capitaux. Ce fut la source première de cette richesse qui, plus tard, altéra l'institution religieuse, mais qui du moins ne se sépara pas entièrement de l'esprit de charité.

Ces colonies agricoles intérieures sont le type primitif de toutes les entreprises formées dans l'objet de fertiliser un territoire inculte en y portant des hommes et du travail.

Sous ce rapport, elles diffèrent essentiellement des colonies dues à l'esprit de commerce et de conquête et dont les temps anciens et modernes nous offrent l'exemple. Les Égyptiens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, ont quelquefois transporté leur population inutile sur des terres incultes, en accordant aux indigents les moyens de la fertiliser; mais ces colonies se liaient à des vues d'extension et de commerce, qui donnaient à ces institutions un caractère que ne comportent plus nos sociétés européennes, où l'esclavage est à peu près aboli (2).

Le besoin de colonies extérieures n'existe, pour un état agricole, qu'aux époques extrêmes de sa ci

plus saine. Ainsi en ont agi les anciens Égyptiens, les Phéniciens, les Grecs, les états commerçants, les Carthaginois et même les Romains; et quoique les colonies que ces derniers ont fondées fussent principalement militaires, il serait facile de démontrer qu'on s'en servait également d'une manière favorable au commerce.» (Huerne de Pommeuse.)

Aristote approuve fort la coutume qui régnait dans la république de Carthage, d'envoyer de temps en temps des colonies en différents endroits, et de procurer ainsi aux citoyens des établissements honnêtes. " Par-là, dit-il, on avait soin de pourvoir aux nécessités des pauvres qui sont, aussi bien que les ri

vilisation. Lorsque la nation se forme, et que la population est disséminée sur un vaste territoire, il importe de la concentrer d'abord sur quelques points les plus avantageusement situés, et même de l'augmenter en appelant des populations étrangères. Lorsque la population, établie sur toutes les parties fertiles, commence à déborder, il faut que l'excédant se reporte sur les cantons incultes, et ainsi de proche en proche, jusqu'à ce que tout soit parvenu à un degré analogue de culture. Enfin, il est un dernier période, celui où le territoire ne suffit plus à sa population. Alors commencent les émigrations à l'extérieur, non plus comme autrefois par des irruptions de barbares, mais par le déplacement des travailleurs.

L'Europe moderne, à l'exception de l'Angleterre, de la Suisse et de quelques parties de l'Allemagne, se trouve, en général, dans la période moyenne, et paraît destinée à s'y maintenir longtemps, si elle ne laisse pas prédominer chez elle l'essor indéfini de la production manufacturière.

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Pendant quelques années, l'Angleterre, dont la population s'est considérablement accrue, en versé l'excédant dans ses colonies maritimes et ensuite aux États-Unis. L'une avait besoin de laisser faire l'émigration, l'autre de la recevoir. Aujourd'hui, la population des États-Unis s'augmentant rapidement chaque jour, ces émigrations deviennent moins profitables aux habitants des deux états. La Suisse, privée du débouché de sa population militaire, et quelques contrées populeuses des bords du Rhin, ont, à leur tour, essayé de semblables émigrations. Des compagnies de spéculateurs s'étaient formées pour entreprendre le transport et le placement des émigrants; mais il ne paraît pas que ceux-ci aient eu toujours à s'applaudir d'avoir quitté leur mère-patrie.

Voici, à cet égard, quelques observations pleines d'intérêt, recueillies par un écrivain dont l'esprit, qui réunit la grâce et la sensibilité, partage de son sexe, sait aussi s'élever à de hautes et måles considérations.

« C'est au Havre, dit madame Amable Tastu, que j'ai trouvé prêts à s'embarquer pour l'Amérique, des milliers de malheureux émigrants des bords du Rhin, qui vont demander à une terre étrangère un pain que le sol natal leur refuse.

ches, membres de l'état; on déchargeait la capitale d'une multitude de gens oisifs et fainéants qui la déshonorent et souvent lui deviennent dangereux. On prévenait les mouvements et les troubles, en éloignant ceux qui y donnent lieu d'ordinaire; parce que, non contents de leur fortune présente, ils sont toujours prêts à remuer et à innover.» (Rollin.)

« Les peuples entre le Rhin et le Danube, dont la population est excessive, lorsqu'ils s'apercevaient d'une surabondance de population, la divisaient en trois parties composées chacune

« Parmi ces émigrants, on remarque avec peine un nombre considérable d'enfants en bas âge, beaucoup de jeunes filles surtout. Çà et là, des mères, leur nourrisson au sein, des vieillards des deux sexes, quelques-uns même si âgés, qu'on s'étonne de les voir transporter au loin ce peu de jours qu'il leur reste à passer sur la terre.

« Ce spectacle est triste. Cependant ces grandes émigrations, qui, à certaines époques, se propagent parmi les peuples comme une maladie contagieuse, sont encore le plus doux des remèdes terribles que la Providence semble tenir en réserve pour s'opposer à l'accroissement rapide de la population.

« Les premiers émigrants que le Havre ait vus s'embarquer à bord des bâtiments américains étaient des Suisses.

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« En 1818, les agents des compagnies pour les émigrations allèrent dans le canton de Fribourg enrôler les États-Unis les malheureux catholiques que la terre de la patrie ne nourrissait plus. Les émigrants devaient s'engager à louer deux ou trois années de leur travail aux habitants américains, qui s'engageaient de leur donner, au bout de ce temps, une portion de terre et les instruments nécessaires à la culture. A l'expiration du traité convenu avec leurs maîtres, les Suisses quitteraient la glèbe pour vivre de leur travail et élever leur famille.

« Quelques-uns d'entre eux ont prospéré et ont attiré plusieurs de leurs compatriotes. Mais peu d'années après, les Américains, à qui d'abord les bras avaient manqué pour la culture, cessèrent de demander des cultivateurs à l'Europe; mais l'impulsion avait été donnée, et l'on vit arriver des Badois, des Wurtembergeois, enfin des Alsaciens encouragés et même séduits par la prospérité des premiers émigrants.

<< Ils devinrent la dupe de leur confiance dans les promesses de spéculateurs et d'entremetteurs intéressés aux profits du passage. Ils étaient mis à bord d'un navire américain, avec les vivres nécessaires à leur traversée, et ils allaient à New-York, à Philadelphie ou à Boston, chercher la fortune qu'on leur avait promise en les dépouillant provisoirement du peu qu'ils possédaient encore.

« Le prix du passage aux États-Unis était d'ad'une égale portion de nobles, de riches et de pauvres.

« Les trois divisions établies, elles tiraient au sort, et celle qu'il désigne, quitte le pays et va chercher fortune ailleurs, laissant ainsi aux autres plus de territoire et de moyens de subsistance.» (Machiavel)

Les lois de Lycurgue interdisaient toute idée de colonisation aux Spartiates. Ils se débarrassaient des ilotes devenus redoutables, en les faisant périr.

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