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de son argent; ceux-ci, pour être préférés, baissent le prix de leur travail, tant qu'à la fin ils ne trouvent plus à subsister. Alors on voit tomber dans les meilleurs pays, l'agriculture, les manufactures et le commerce. Consultez à ce sujet les relations des diverses contrées de l'Italie, et entre autres ce que M. Brydone dit dans un voyage très-bien raisonné (1), malgré les réclamations d'un chanoine de Palerme, du luxe et des prodigieuses richesses de la noblesse et du clergé de la Sicile, et de la misère extrême de ses paysans; vous verrez si l'argent s'y met de

(1) Je cite beaucoup de livres de voyages, parce que ce sont ceux que j'aime et que j'estime le plus de la littérature moderne. J'ai beaucoup voyagé, et je puis assurer que je les ai trouvés presque toujours d'accord sur les productions et les moeurs de chaque pays, quand ils n'y portent pas l'esprit de leur nation ou de leur parti. (Il en faut excepter un petit nombre dont le ton romancier frappe d'abord). Tout le monde les décrie, et tout le monde les consulte. C'est chez eux que puisent sans cesse les géographes, les physiciens, les naturalistes, les navigateurs, les commercans, les écrivains politiques, les philosophes, les compilateurs en tout genre, les historiens des nations étrangères, et même ceux de notre pays, quand ils veulent connaitre la vérité.

niveau. J'ai été à Malte, qui n'est en aucune façon comparable en fertilité de sol à la Sicile, car ce n'est qu'un rocher tout blanc; mais ce rocher est fort riche de richesses étrangères, par le revenu perpétuel des commanderies de l'ordre de Saint-Jean, dont les fonds sont situés dans tous les états catholiques de l'Europe, et par les responsions ou dépouilles des chevaliers qui meurent dans les pays étrangers, et qu'on y apporte tous les ans. Il pourrait l'être bien davantage, par la commodité de son port, le plus avantageusement situé de tous ceux de la Méditerranée; cependant le paysan y est très-misérable. II n'est vêtu, pour tout habit, que d'un caleçon qui lui vient aux genoux, et d'une chemise sans manches. Quelquefois il se tient sur la place publique, la poitrine les jambes et les bras nus, à demi brûlé du soleil, pour se louer moyennant vingt-quatre sous par jour, avec une voiture à quatre places, attelée d'un cheval, depuis le point du jour jusqu'à minuit, et pour parcourir tel endroit de l'île qu'il plaît aux voyageurs, sans qu'ils soient tenus de donner un verre d'eau, ni à lui, ni à sa bête. Il conduit sa carriole courant toujours pieds nuds dans les roches devant son cheval qu'il tient par la bride, et devant

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l'oisif chevalier, qui ne lui parle bien souvent qu'en le traitant de faquin, tandis que son conducteur ne lui répond que le bonnet à la main, en l'appelant votre seigneurie illustrissime. Le trésor de la république est plein d'or et d'argent, et on n'y paie le peuple que d'une monnaie de cuivre, appelée pièce de quatre tarins, qui vaut, de valeur idéale, 16 de nos sous, et de valeur intrinsèque, environ deux de nos liards. Elle a pour timbre cette devise, non æs sed fides; « ce n'est pas le cuivre, c'est la confiance ». Quelle distance les propriétés exclusives et l'or mettent entre les hommes! Un grave parte-faix, en Hollande, vous demande en gout gueldt, c'est-à-dire, en bon argent, pour porter votre malle du bout d'une rue à l'autre, autant que ce que reçoit l'humble Bastaze de Malte, pour vous voiturer tout un jour avec trois de vos amis. Le Hollandais est bien vêtu, et sa poche est pleine de pièces d'or et d'argent. Sa monnaie est timbrée d'une devise bien différente de celle de Malte: on y lit: concordiá res parvo crescunt, « les petites >> choses croissent par leur concorde, ». Il y a en effet autant de différence de puissance et de félicité d'un état à l'autre, qu'entre les devises et les matières de leur monnaie.

C'est dans la nature qu'il faut chercher la

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subsistance d'un peuple, et dans sa liberté le canal par où elle doit couler. L'esprit de monopole en a détruit parmi nous beaucoup de branches qui comblent nos voisins de richestelles sont, entre autres, les pêches de la baleine, de la morue et du hareng. Je conviens cependant à cette occasion, qu'il y a des entreprises qui demandent le concours d'un grand nombre de mains, tant pour leur conservation et leur protection, que pour accélérer leurs opérations, telles sont les pêches maritimes; mais c'est à l'état à se charger de leur administration. Aucunes compagnies n'ont eu chez nous l'esprit patriotique ; elles ne s'établissent pour ainsi dire, que pour former de petits états particuliers. Il n'en est pas de même chez les Hollandais. Par exemple, comme ils vont pêcher le hareng au-delà de l'Écosse, car ce poisson est d'autant meilleur qu'on le pêché plus avant dans le nord, ils ont des vaisseaux de guerre pour en protéger la pêche. Ils en ont d'autres à large ventre, appelés buzes, qui le prennent nuit et jour avec des filets, et des vaisseaux de course très - fins voiliers qui le chargent et l'emportent tout frais en Hollande. Il y a, de plus, des prix proposés pour le premier vaisseau qui en apporte à Amsterdam avant les autres. Le poisson du

premier baril y est payé à l'hôtel-de-ville, à raison d'un ducat d'or ou onze livres cinq sous la pièce, et celui du reste de la cargaison, à raison d'un florin ou de quarante-cinq sous. Ces encouragemens engagent les pêcheurs à s'avancer le plus qu'ils peuvent au nord, pour aller au-devant de ces poissons, qui y sont, et d'une grandeur et d'une délicatesse bien supérieure à ceux que nous prenons dans le voisinage de nos côtes. Les Hollandais ont élevé une statue à celui qui, le premier, a trouvé l'invention de les fumer et d'en faire ce qu'on appelle des harengs sors. Ils ont cru, avec raison, que le citoyen qui procure à sa patrie un nouveau moyen de subsistance et une nouvelle branche de commerce, mérite d'être mis sur la même ligne que ceux qui l'éclairent ou qui la défendent. On voit, par ces attentions, avec quelle vigilance ils veillent sur tout ce qui peut contribuer à l'abondance publique. Il est inconcevable quel parti ils ont tiré d'une infinité de productions que nous laissons perdre, et de leur pays sablonneux, marécageux, et naturellement pauvre et ingrat. Je n'en ai point vu où il y ait une si grande abondance de toutes choses. Ils n'ont point de vignes, et il y a plus de vins dans leurs caves que dans celles de Bordeaux; ils n'ont point de forêts,

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