Page images
PDF
EPUB

« Quoique ces licences et tant d'autres >> soient accordées aux poëtes, il est bon » de voir quelquefois s'il ne serait pas >> mieux d'employer le terme propre, ne >> fût-ce que pour éviter l'affectation et l'ex>> cès des ornemens. Il y en a qui usent de >> violence, qui dépouillent les choses de » leurs vrais noms malgré elles-mêmes, et

qui leur en font prendre d'autres qui leur » répugnent. J'aimerais autant qu'on re>> vêtît un enfant d'un habit de géant, que » d'entendre dire que les écuries sont les »lares chevalins, et les herbes menues >> les cheveux de la mère Cybèle. Il vaut >> bien mieux laisser à la chose sa dénomi>> nation accoutumée, pourvu qu'elle ne >> soit pas indigne des Muses, que de vou>> loir la décorer de cette manière 1. >>

Hæc adeò cùm sint, cùm fas audere poëtis
Multa modis multis, tamen observare memento
Si quandò haud propriis rem mavis dicere verbis
Translatisque aliundè notis, longèque petitis,
Ne nimiam ostendas, quærendo talia, curam.
Namque alii exercent vim duram, et rebus iniqui

Cette version de BATTEUX est un peu pâle : la couleur du poëte y manque; mais le sens s'y retrouve; et les vers de VIDA cités en note renferment tout ce que nous avons pu recueillir dans les poëtes didactiques venus à notre connaissance, sur le sujet que nous avons entrepris de traiter: sujet intéressant sous une foule de rapports.

Si l'on n'a pas acquis l'habitude de discerner les Tropes, on ne peut jamais se flatter de bien savoir sa propre langue, ni sentir les beautés des écrivains classiques; ni pénétrer le sens des Fables, appelées par BACON la sagesse des Anciens .

Nativam eripiunt formam, indignantibus ipsis,
Invitasque jubent alienos sumere vultus.

Haud magis imprudens mihi erit et luminis expers,
Qui puero ingentes habitus det ferre gigantis,
Quàm si quis stabula alta lares appellet equinos,
Aut crines magnæ genitricis gramina dicat.
Præstiterit verò faciem, spolia et sua cuique
Linquere, et interdùm propriis rem prodere verbis
Indiciisque suis, ea sint modò digna Camoenis!
Vid. 11, v. 148-162.
Dans son Traité, De sapientia veterum, ou

l'explication des Fables.

21 On sera étonné de tout ce qu'on verra se rattacher ici à ce genre d'instruction, qui n'était point approfondi avant que DU MARSAIS eût donné son Traité des Tropes, ou des divers sens dans lesquels un même mot peut être pris dans une même langue ; mais le livre de DU MARSAIS, tout excellent qu'il soit, nous a paru laisser à désirer plus d'agrément, et des exemples plus nombreux, pour inculquer plus aisément des leçons qui ne sont vraiment utiles qu'autant qu'elles ne sont point vagues et superficielles.

Les rudimens, dans tous les genres, sont malheureusement fort tristes et fort en

nuyeux. Commencer par eux eux à s'instruire, c'est prendre l'étude à rebours.

Le grand point est de préparer les jeunes gens à la lecture et à l'intelligence des écrivains supérieurs. Il en est, en effet, des règles de la rhétorique et de la poésie, comme des lois de la grammaire. Ce n'est point par les règles qu'il faut se disposer à

culièrement à la Jeunesse studieuse. La lecture en a été entendue avec beaucoup d'intérêt. L'Académie a témoigné à l'auteur sa satisfaction, et du mérite de l'ouvrage, et de la communication qu'il a bien voulu lui en faire. Cette lecture, et les observations auxquelles elle a donné lieu, ont rempli la séance,

Certifié conforme,

A Paris, le 2 octobre 1817,
Le secrétaire perpétuel,

Signé, RAYNOUARD.

[ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors]

INVOCATION. DEDICACE. ORIGINE DES TROPES. LA MÉTA-
PHORE. EXEMPLES DE CETTE FIGURE. SON UTILITÉ.
FAUT-IL QU'ON PUISSE LA PEINDRE? METAPHORES
VICIEUSES. DÉFAUTS A ÉVITER. Règles a suivre.

MUSE, ouvre-moi la source en images fertile,
Où l'esprit peut puiser les ornemens du style!
Je veux chanter cet art qui varie à propos
Par le sens figuré le sens propre des mots.
Ce sujet, renfermé dans des bornes iniques,
Muse, peut t'effrayer par ses détails techniques.
Les Tropes, aujourd'hui, gardent encor les noms
Imposés par les Grecs, de qui nous les tenons '.

f

• CICERON et QUINTILIEN ont pris à tâche de donner aux tropes des noms purement latins: Cicéron appelle les tropes, en général, des mots modifiés, changés, fléchis: modos, verba modificata, immutationes, verba mutata, inflexa. Quintilien les appelle des mouvemens, ou des termes qu'on emprunte, motus, arcessita. En général, la langue française a préféré de conserver les noms grecs, excepté pour la Fable et le Proverbe, comme on le verra ci-après.

« PreviousContinue »