Jo. xiij

De la cène de notre Seigneur
Jesus-Christ.

E tems de la pâque étant
venu, Jefus vint souper
avec ses disciples, au lieu
qu'ils avoient préparé par

fon ordre; pour y manger l'agneau, suivant la coûtume. Dans ce souper, que l'on apelle auffi la cêne; il se leva de table & leur lava les pieds à tous: pour leur montrer l'exemple de se fervir les uns les autres, & pour achever de les purifier. Puis il se remit à table : & comme ils mangeoient, il Matth xxv. prit du pain, rendit graces à Dieu, benit le pain, rompit & le diftribua

2.6.

1. Cor. xi.

à ses difciples, difant : Prenez,

gez, cecy est mon corps, qui sera livré pour vous, faites ceci en mémoire de moi. Tout de même aprés le souper, il prit le calice, c'est-à-dire la coupe où il bûvoit, avec du vin & ayans rendu graces, le benit & leur donna, disant: Bûvez tous de ceci, car c'est mon fang, le fang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous, & pour plusieurs, en remiffion des pechez: faites ceci toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. Ce fut ainsi que Jesus institua le faint Sacrement de fon corps & de son sang, que nous apellons l'eucharistie. Il avoit dit aux Juifs, qu'il étoit Jo. vi. 42. le pain vivant, descendu du ciel; que qui mangeroit ce pain, vivroit éternellement; & que l'on ne pouvoit avoir la veritable vie, sans manger fa chair & boire son fang. Car ma chair disoit-il, est vraiement viande, & mon fang est vraiement breuvage; qui mange ma chair & boit mon fang, demeure en moy & moy en luy. Les Juifs avoient été choquez de ce difcours, le prenant groffierement, com

me si Jesus eût voulu mettre son corps en pieces, & le leur donner avec fon sang, sous leur forme naturelle, pour -servir de nourriture à leurs corps. Jesus avertit ses disciples que ces pabid. 64 roles avoient un sens plus relevé ; & c'eft ce mystere qu'il accomplit le jour de la cêne: leur donnant veritablement fon corps & fon fang, mais fous une forme étrangere; sous les aparences du pain & du vin, & pour

être la nourriture de leurs ames. Aprés Jo. xiij. 3. la Cene, Jesus parla long-tems a fes xv. xviij, apôtres, qu'il ne devoit plus voir, jusques à sa mort. Il leur predit qu'ils l'abandonneroient tous : & à Pierre en particulier, qu'il le renieroit trois fois. Et pour les confoler, dans la triftesse où ils étoient, de fa perte, il promit de leur envoyer dans peu le S. Esprit, qui leur feroit entendre tout ce qu'il leur avoit enseigné: il leur recommanda fur tout de s'aimer les uns les autres. Il fortit ensuite avec eux, hors de la ville, & alla au mont des olives, dans un jardin où il avoit accoûtumé de prier.

frir; & laissant agir la na

ture, il fut saisi d'une peur & d'une tristesse extrême : & tomba fur le visage, suant des goutes de sang, dont Luc. xxij. la terre fut trempée. Il pria son pere 44. par trois fois, de détourner de lui ce calice, c'est-à-dire, ses souffrances; & à chaque fois il ajoûta: Neanmoins que vôtre volonté soit faite, & non pas la miene. Cependant Judas amena dans le jardin une grande troupe de Matt. xxvj. gens armez, envoyez par les facrificateurs & les fenateurs. Ils prirent Jefus, le lierent & le menerent chez

Matt.xxvij.

Caïphe souverain pontife. Mais Jefus fit voir par plusieurs miracles, qu'ils ne l'euffent pas pris s'il ne l'eût voulu. Tous fes difciples l'abandonnerent & s'enfuirent. Il ne répondit rien à plusieurs faux témoins, que l'on produifit contre lui, ni aux questions du pontife; finon lorsqu'il l'interrogea juridiquement, s'il étoit le Christ fils du Dieu vivant. Alors il declara hautement qu'il l'étoit : ce qu'ils reçurent comme un blafphême, dirent que Jefus étoit digne de mort; & l'abandonnerent à des valets infolens, qui le maltraiterent le reste de la nuit; lui donnant des fouflets & lui faisant deviner qui l'avoit frapé. Le lendemain ils le menerent à Ponce-Pilate gouverneur de Judée, pour l'empereur Tibere: lui disant que c'étoit un homme seditieux, qui revoltoit tout le païs, qui se disoit roi & défendoit de païer les tributs à l'empereur;quoyqu'il eût enseigné tout le contraire. Jesus garda aussi le filence devant Pilate, qui ne trouvant point de preuves contre lui, chercha divers moyens, pour éviter

: