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notre justification, non l'intention de la loi, mais les mots. Nous alléguons la lettre, qui ne peut rien signifier; car les paroles sans signification ou sans intention n'ont point de force en justice; encore moins les paroles prises dans un sens contraire à l'intention et au dessein de celui qui les a écrites ou prononcées. Appliquons cette distinction aux exemples que nous venons de proposer. Pour garantir les hommes contre la demande d'une dette surannée, dont il n'est pas probable qu'ils aient conservé les quittances, la loi détermine, pour certains genres de contrats privés, un temps au-delà duquel elle ne les protège plus, ou ne prête plus son assistance pour le recouvrement de la dette. Si un homme est dans l'ignorance ou dans le doute sur la justice de la demande qu'on lui fait, il peut en conscience recourir à cette limitation; car alors il applique la loi à l'objet vers lequel elle a été dirigée. Mais lorsqu'il refuse de payer une dette, dont il connaît parfaitement la réalité, il ne peut pas, comme ci-dessus

se fonder sur l'intention de l'article et sur l'autorité suprême de la loi ; à moins qu'il ne puisse prouver que l'intention de la loi était d'interposer son autorité suprême, pour libérer les hommes de dettes, dont l'existence et la justice sont manifestes pour eux. De même, pour garantir les jeunes gens des duperies

et de la mauvaise foi, auxquelles leur inexpérience les expose, la loi n'exige d'eux le payement d'aucune dette contractée avant un certain âge, ni l'accomplissement d'aucune promesse, si ce n'est de celles qu'a rendu néces-. saires un entretien conforme à leur état et à leur fortune. Si donc un jeune-homme s'apperçoit qu'il a été trompé, il peut avec justice se prévaloir de son défaut d'âge, pour éviter la duperie. Mais s'il se prévaut de ce privilége, pour esquiver une obligation juste, ou un contrat équitable, il étend le privilége à des cas pour lesquels il n'était pas fait dans l'intention même de la loi, et pour lesquels il n'existe pas réellement, suivant la justice naturelle.

Comme la propriété est l'objet principal sur lequel s'exerce la justice, ou les « devoirs >> relatifs déterminés, »> nous avons exposé d'abord ce que nous avions à dire sur ce sujet. Nous allons maintenant exposer ces devoirs dans le meilleur ordre que nous pourrons trouver.

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I. D'ou se dérive l'obligation de remplir ·les promesses.

II. Dans quel sens on doit interpréter les

promesses.

III. Dans quels cas les promesses ne lient point.

I. D'où se dérive l'obligation de remplir les promesses.

Ceux qui raisonnent sur des principes moraux innés, supposent que le sentiment de l'obligation des promesses en est un. Mais sans faire cette supposition, ou toute autre aussi peu prouvée, nous pouvons déduire l'obligation de remplir les promesses, de la nécessité d'une telle conduite pour le bien être, ou l'existence même de la société humaine.

Les hommes agissent par espérance (1). L'espérance est le plus souvent déterminée par les assurances et les engagemens que nous recevons de la part des autres. Si l'on ne pouvait compter sur ces assurances, il serait

(1) Expectation, Nous n'avons pas de mot qui réponde pré cisément à celui-la. Trad.

impossible de savoir quel jugement porter sur plusieurs événemens futurs, ou comment régler sa conduite par rapport à ces événemens. La confiance dans les promesses est donc essentielle dans les relations de la vie; car sans elle la plus grande partie de nos actions procéderait au hasard. Mais il est impossible qu'il y ait de la confiance pour les promesses, si les hommes ne sont pas obligés de les remplir. L'obligation de remplir les promesses est donc essentielle pour le même but et dans le même degré.

Quelqu'un imaginera peut-être, que, si cette obligation était suspendue, il en résulterait des précautions générales, et une défiance mutuelle, qui produiraient le même effet. Mais, s'il considére combien, dans chaque moment de notre vie, nous sommes obligés de nous reposer sur la confiance que nous avons dans les autres; et combien il est impossible de faire un seul pas, bien plus, de s'asseoir un seul moment, sans cette ferme confiance il sera bientôt revenu de cette erreur. J'écris maintenant à mon aise, sans mettre en doute (ou plutôt très-assuré de ce point, et n'y pensant pas), que mon boucher n'envoie à temps le mets que j'ai commandé, que son valet ne me l'apporte; que mon cuisinier ne l'apprête; que mon domestique ne le serve, et que je ne le trouve sur table à une heure.

'Cependant je n'ai pas d'autre assurance de tout cela que la promesse du boucher, et l'engagement ordinaire de son valet et du mien. Les mêmes motifs pèsent sur les relations les plus importantes de la vie sociale, comme sur les plus familières. Dans le premier cas, l'intervention de la promesse est formelle; on la voit et la reconnaît: notre exemple tend à la faire reconnaître dans le second où elle n'est pas aussi manisfeste.

II. Dans quel sens on doit interpréter les

promesses.

D

Lorsque les termes d'une promesse ont plus d'un sens, la promesse doit être accomplie dans le sens où celui qui l'a faite a reconnu qu'elle a été comprise par celui qui l'a reçue, « dans le temps où elle a été faite. »

Ce n'est pas le sens dans lequel le prometteur voulait l'entendre, qui doit diriger toujours dans l'interprétation d'une promesse équivoque; car, ainsi, vous exciteriez des espérances que vous n'auriez jamais entendu, et que vous ne seriez pas obligé de réaliser. Encore moins le sens dans lequel le receveur (1) de la promesse l'a réellement comprise; car suivant cette règle vous seriez entraîné dans des engagemens que vous n'auriez jamais eu

(1) On me permettra l'emploi de ces mots prometteur · et receveur, saus lesquels ce passage aurait perdu de sa

clarté. Trad.

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