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par l'influence de cette affection, la source de la vertu la plus pure et la plus noble. L'amour de Dieu est la plus sublime reconnaissance. On se méprend donc en imaginant qu'il n'est point question de cette vertu dans les livres sacrés des chrétiens: car tout précepte qui nous commande d'aimer Dieu, parce qu'il nous a aimé le premier, présuppose le principe de la reconnaissance, et le dirige vers son véritable objet.

Il est impossible de définir les diverses expressions de la reconnaissance, parce qu'elles varient avec le caractère et la situation du bienfaiteur et les occasions offertes à la personne obligée; variété qui n'a point de bornes.

Il faut observer cependant que la reconnaissance ne peut jamais obliger un homme à commettre une injustice, ou une action dont il est antérieurement obligé de s'abstenir; ce n'est point être ingrat que refuser de faire ce que nous ne pouvons pas accorder avec le sentiment de notre devoir; mais c'est être ingrat et hypocrite tout ensemble que de se couvrir de cette raison, lorsqu'elle n'est point véritable. La fréquence de ce prétexte a jeté une défaveur injuste sur ce moyen de défense contre l'accomplissement de la volonté d'un bienfaiteur.

On a toujours regardé comme contraire à la délicatesse et à la générosité, de reprocher à quelqu'un les bienfaits qu'il a reçus : mais on

fait preuve d'être totalement privé de ces deux vertus, ainsi que de toute probité, lorsqu'on prend avantage de l'ascendant que les bienfaits donnent à si juste titre, pour exciter ou entraîner ceux à qui l'on a fait du bien, à des complaisances basses ou malhonnêtes.

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PARLER, c'est agir dans la rigueur philoso phique et dans la tendance morale; car, si le résultat et les motifs de notre conduite sont les mêmes, les moyens que nous employons ne font aucune différence.

Et voilà, dans le vrai, ce que notre Seigneur déclare, Matth. XII, 37:« Par vos paroles, » vous serez justifiés; et par vos paroles, vous » serez condamnés: » c'est-à-dire, par vos paroles aussi bien que par vos actions; il sera tenu compte des unes aussi bien que des autres; car elles possèdent également la propriété de produire volontairement du bien et du mal. La médisance peut se distinguer deux sortes la médisance malicieuse et la médisance inconsidérée.

en

La médisance malicieuse consiste à rapporter soit le vrai, soit le faux (1), dans le dessein de faire du mal.

(1) Le mot anglais slander a im sens plus étendu ques

Je conviens que la vérité ou la fausseté de ce que l'on rapporte changent beaucoup le crime; mais la vérité peut devenir l'instrument du succès d'un dessein malicieux, aussi bien le que et si le but est maumensonge; vais, les moyens ne peuvent être innocens. Je pense que le sens du mot médisance devrait être limité à la production d'un mal gratuit. Si, lorsque nous voulons servir notre propre intérêt, nous cherchons à y parvenir par le mensonge, c'est une fraude; si c'est en publiant la vérité, il ne faut point le regarder comme criminel, sans quelque circonstance additionnelle, telle que la violation d'une promesse, l'abus de la confiance et autre semblable.

Quelquefois le mal est dirigé contre la personne à laquelle nous parlons; quelquefois l'on satisfait sa haine en portant préjudice à un tiers. Faire naître des soupçons, allumer, ou entretenir des disputes, faire perdre la faveur ou l'estime d'un bienfaiteur à ceux qui la possèdent, rendre méprisable ou criminel dans l'opinion publique un homme pour qui nous avons de la haine; tel est l'emploi de

notre mot médisance : il désigne également la médisance et la calomnie. Je n'ai point trouvé en français de terme correspondant. Cela donne à ce passage, en français une imperfection, qui ne se trouve pas daus l'anglais. Trad.

la médisance. Le degré de crime qui s'y trouve doit se mesurer par la grandeur et l'étendue du malheur qui en a été le résultat.

Les déguisemens par lesquels la médisance peut se produire, soit tout bas avec la demande du secret comme précaution nécessaire, soit avec une répugnance affectée; ces déguisemens, dis-je, ne font qu'aggraver la faute, puisqu'ils marquent un dessein plus prémédité.

La médisance inconsidérée est un tort tout différent, quoiqu'il puisse produire le même mal, et que ce mal puisse avoir été prévu. La différence consiste en ce que le médisant n'a pas ici la conscience du dessein que nous lui avons attribué dans la médisance préméditée. Ici le mal se trouve dans le défaut de cette attention aux conséquences de notre conduite qu'un juste attachement au bonheur de l'humanité et à notre devoir n'aurait pas manqué de faire naître en nous. Et ce n'est pas répondre à cette accusation que de dire: nous n'avions pas de mauvais dessein. Un domestique peut être un très-mauvais domestique, et n'avoir cependant jamais le dessein d'agir contre l'intérêt ou la volonté de son maître; et le maître pourra punir avec justice un tel domestique d'une inattention et d'une négligence presque aussi nuisibles qu'une désobéissance volontaire. Je ne vous accuse pas, pourra-t-il lui dire, d'avoir une intention formelle

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de me fâcher : mais, si la crainte de me déplaire, si le soin de mes intérêts, en un mot, si toutes les qualités, qui constituent un bon domestique, ne vous avaient pas manqué totalement, non-seulement elles vous auraient éloigné de tout dessein prémédité de me chagriner; mais encore elles auraient tellement influé sur Vos pensées, que vous auriez abandonné cette licence inconsidérée qui m'a été si préjudiciable, et vous auriez éprouvé une sollicitude habituelle sur les effets et la tendance de vos actions et de vos paroles. — Cet exemple peint assez bien toutes les fautes d'inattention, et en particulier, la médisance inconsidérée.

Les informations données pour prévenir, éclairer, etc., ne sont point médisance.

La louange donnée sans distinction est l'opposé de la médisance; mais c'est l'extrême opposé; et bien qu'elle veuille quelquefois se donner pour un excès de candeur, elle n'est communément que l'effusion d'une intelligence frivole, ou d'un mépris volontaire de toute distinction morale.

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