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mis, pour leur en montrer l'accomplissement: & il falloit enfeigner aux infideles que Dieu avoit créé le monde, & qu'il le gouvernoit par la Providence, & qu'il avoit envoyé un homme extraordinaire pour le juger.

relig. c. 7.

13. de

Catech.

Nous voyons la même conduite dans les fiécles fuivans. Entre les ouvrages des Peres, nous avon's grand nombre d'inftructions pour ceux qui fe vouloient faire Chrétiens. Elles font la plupart fondées fur les faits, & le corps du dif cours eft d'ordinaire une natration de tout ce que Dieu a fait pour le genre humain, depuis l'origine du monde jufqu'à la publication de l'Evangile. Rien n'eft plus clair que ce que faint De vera Auguftin en a écrit, dans le livre de la vraie religion, & dans celui qu'il a compofé exprès Rudibus. de la maniere dont on devoit catéchifer les ignorans. Il parle toujours de narration: il fuppofe toujours que l'inftruction doit fe faire en racontant des faits & les étendant plus ou moins, felon leur importance & la capacité du disciple : & le modele de Catéchisme qu'il donne lui-même à la fin de ce traité, eft un abrégé de toute l'hiftoire de la religion, mêlé de diverles réflexions. Il en donne encore un femblable dans l'Epître à Volufien, commençant à la vocation d'Abraham & finiflant à fon temps. Il eft vrai qu'en tous ces ouvrages S. Auguftin ne parle que de l'inftruction des perfonnes raisonnables, qui ayant paflé une partie de leur vie hors de l'Eglife, demandoient à être inftruits de la religion Chrétienne ! il ne parle point des enfans baptilés ; & ni dans ce pere, ni dans aucun autre nous ne voyons point de Catéchifme pour eux. Cela vient de ce que ceux qui étoient baptifés en enfance, étoient enfans de Chrétiens, qui avoient été eux-mêmes bien inftruits avant que d'être baptisés;

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& qui enfuite avoient grand foin d'inftruire leurs enfans chez eux & de les mener à l'Eglife, où ils affiftoient aux Catéchismes de ceux qui demandoient le baptême. Ainfi l'hiftoire de la religion, & toute la doctrine Chrétienne leur étoit tant de fois répétée, & en public & en particulier, qu'ils ne pouvoient manquer de la bien fçavoir, pour peu qu'ils y euffent d'affection.

Il ne faut pas douter néanmoins, que l'inftruction des enfans baptifés, n'ait toujours commencé d'une autre maniere que celle des Catéchumenes plus âgés, Avant que de donner le fymbole à ces derniers & leur expliquer les myfteres, il falloit les préparer par plufieurs difcours, pour s'affurer de leur converfion, & pour leur infpirer la foumiffion qui eft dûe à l'autorité de l'Eglife: enforte qu'ils fuflent prêts à recevoir fans examen toutes les vérités qu'elle leur propoferoit à croire. Les enfans baptifés n'avoient pas befoin de ces préparations. Ils avoient déjà la foi : ils avoient la docilité non feulement par la crédulité naturelle à leur âge, qui n'eût produit tout au plus qu'une foi humaine; mais par la grace du baptême qui leur avoit imprimé dans l'efprit l'autorité de Dieu & de fon Eglife. Ainfi, on leur enfeignoit d'abord le (ymbole, comme nous faifons encore; mais on étoit plus foigneux que nous ne sommes de le leur expliquer; & de fortifier leur foi par toutes les inftructions que j'ai marquées, & dans les maisons & à l'Eglife.

Il est à croire que cette maniere d'inftruire a duré tant que l'ancienne difcipline de l'Eglife s'eft A&a S. confervée ; c'est-à-dire, jufques vers le neuvieme Ben. to. 2. fiecle ; puifque l'on voit durer jufques-là l'ufage pas 244 de catéchifer & d'examiner plufieurs fois pendant pag. 700 le carême ceux que l'on devoit baptifer à Pâque. 6.39. J'en trouve dans le feptieme fiecle deux exemples.

pag.

Ibid. t. 5.

Conc.p.62,

gunt. an.

remarquables. Un fermon de S. Gal aux infideles d'Allemagne, vers l'an 620, & un de S. Vilfrid aux Anglois de Suffex, l'an 680. Enfin lorfqu'on commença à ne baptifer plus que des enfans, ces inftructions publiques dégénérerent en formalités, & la mifere des temps ayant introduit une grande ignorance, même dans le Clergé, l'inf. C. 15.18; truction effective fut fort négligée. On ne le voit que trop par les plaintes qu'en font les Evêques au concile de Troflé l'an 909. Depuis un fiecle on so1.c. 15. Capit. an. étoit réduit à ordonner en plufieur conciles, que Conc. Moles Evêques & les Prêtres enfeigneroient aux peu- 813. Can. ples du moins le fymbole & l'oraifon dominicale, 45. Par-là ils marquoient tout le Catéchisme. Expli quer ou donner le fymbole felon les anciens, c'eft catéchifer, parce que le fymbole eft l'abré gé de toute la doctrine. En effet, ces conciles veulent que l'on envoie les enfans aux écoles, pour recevoir cette inftruction; ce qui feroit inutile, s'il ne s'agifloit que retenir par cœur ce peu de paroles; & ils veulent que les fideles apprennent le fymbole & l'oraifon au moins en leur langue vulgaire, afin qu'ils l'entendent & en forte qu'ils puiffent l'enfeigner aux autres. Depuis ce temps-là, c'est-à-dire, environ depuis le dixieme fiecle, on s'eft réduit à cette maniere d'inftruction, & l'on a cru, que pourvu que les Chrétiens entendiflent médiocrement le symbole, ils pouvoient fe paffer, pour la plupart, de la connoiffance des faits que les anciens étoient fi foigneux de leur raconter. Cependant, quand nous n'aurions pas l'autorité de l'Ecriture, & les exemples de tant de fiecles, il feroit ailé de voir, que la narration & la déduction des faits, eft généralement parlant, la meilleure maniere d'enfeigner la religion.

On peut, à la vérité, prouver par des raisons

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convaincantes, qu'il y a un Dieu créateur de toutes chofes, qui les conferve & les gouverne par fa providence; que la nature humaine eft corrompue ; que l'ame eft immortelle, & qu'elle ne peut trouver de bonheur en cette vie. Les peres l'ont fait quelquefois & le devoient, ayant à convertir des hommes en âge de raison, & souvent des hérétiques ou des philofophes. C'eft de cette efpece de Catéchisme que faint Gregoire de Nyffe nous a donné un excellent modele. Mais les enfans & la plupart des hommes groffiers & peu attentifs, ne font point capables d'entendre & de fuivre ces raisonnemens. Ceux mêmes qui raifonnent le mieux, ne peuvent arriver à ce qui eft au deffus de la raifon; comme la Trinité, l'Incarnation, la prédestination, en un mot, les myfteres, dont toutefois la connoiffance eft néceflaire, pour nous faire voir ce que nous devons à Dieu. C'eft pourquoi Dieu qui nous connoît parfaitement, a fondé la doctrine de la religion fur des preuves dont tous les hommes fuflent capables, c'eft à-dire, fur des faits, & fur des faits évidens, illuftres, fenfibles; tels que font la création du monde, le péché du premier homme, le déluge, la vocation d'Abraham, la fortie d'Egypte.

Afin que la vérité de ces faits ne pût être révoquée en doute, par ceux qui ne les auroient pas vus, Dieu a de temps en temps rendu témoignage à ceux qui les racontoient par d'autres faits extraordinaires; c'est-à-dire, par des miracles, tels que ceux de Moife; & des prophetes, & enfin de Jefus Chrift & de fes difciples. En Joan. IX. forte que pour croire à ceux que Dieu a envoyés, il n'a été befoin que de ce raifonnement fi facile : Il faut bien que ce foit Dieu qui nous parle par ces hommes, puifqu'en fon nom ils reflulci

33.

Joan.III.

tent

tent des morts, & font d'autres merveilles, que lui feul peut faire. C'eft ainfi que l'aveugle né raifonnoit fur les miracles de Jefus Chrift: & faifoit le même raifonnement que Nicodeme, Docteur en Ifraël.

Cette maniere d'inftruire n'eft pas feulement la plus fûre & la plus proportionnée à toutes fortes d'efprits; c'eft encore la plus facile & la plus agréable. Tour le monde peut entendre & retenir une histoire, où la fuite des faits engage infenfiblement, & où l'imagination trouve prife; & quoique plufieurs fe plaignent de leur mémoire, elle est toutefois moins rare que le jugement. De-là vient la curiofité pour les nouvelles, l'amour des romans & des fables. Sur-tout, ce font les enfans qui en font les plus avides; parce que tout a pour eux l'agrément de la nouveauté & comme d'ailleurs les perfonnes âgées aiment naturellement à raconter les faits, dont elles ont la mémoire pleine, rien ne feroit fi facile que d'inftruire les enfans dans la religion, fi les peres & les meres en étoient bien inftruits, & s'ils vouloient s'appliquer à raconter les merveilles de Dieu, comme ils faifoient autrefois.

pour ar

Ceux qui ont compofé nos Catéchismes modernes ont bien vu cette utilité des faits, rêter l'imagination des enfans, & pour leur rendre les inftructions agréables, & plufieurs ont établi pour regle de leur méthode, de finir chaque leçon par une hiftoire. Mais comme ils n'ont pas trouvé dans l'écriture & dans les livres de grande autorité, des hiftoires courtes qui s'ajus taffent toujours à leurs leçons, ils en ont pris où ils ont pu ; & fouvent ils les ont tirées de la fleur des exemples du Pédagogue Chrétien, ou de quelques vies des faints peu correctes: enforte que la plupart de ces hiftoires contiennent des

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