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de Dieu, qui ne devoit pas être fujet des Gentils. Il y en eut un grand nombre de maflacrés en divers lieux; & enfin Jérufalem fut affiégée & prife, après un long fiége, par Titus, fils de l'Empereur Vefpafien. Il n'y eut jamais de guerre plus cruelle. La famine fut fi horrible pendant ce fiége, qu'il y eut une mere qui mangea fon propre enfant. Il périt dans ce fiége feul onze cens mille perfonnes. Le temple fut brûlé, & la ville entierement ruinée. Ainfi Dieu fit éclater fa juste fureur fur cette malheureufe ville, qui avoit fait mourir tant de Prophetes, & enfin Jefus-Chrift, fon Roi & fon Dieu. Et les Juifs, qui ne l'avoient pas voulu reconnoître pour leur libérateur, devinrent efclaves des Romains, furent chaffés de leur pays, & difperfés par tout le monde, & entrerent dans cet état de fervitude & de mépris où ils vivent depuis feize cens ans: car ils n'ont jamais pu rentrer dans la poffeffion de leur terre, ni régner en aucun pays du monde. L'on vit alors l'accompliffement de la prophétie du Patriarche Jacob, qui avoit prédit fi long-temps auparavant, que le fceptre ne fortiroit point de Juda, jufqu'à ce que vînt celui qui étoit l'attente des Nations. Car en même temps que le Royaume fpirituel de J. C. s'établiffoit & s'étendoit fur toutes les nations du monde, le royaume temporel des Juifs fut anéanti, fans qu'ils aient été réunis depuis en corps d'état, comme ils avoient toujours été jufqu'alors. Il parut bien aufli que la vraie religion n'étoit attachée ni à un certain lieu, ni à une certaine race, puifque Dieu détruifit & la ville & la nation qu'il avoit choifie après qu'elle eut fubfifté affez long-temps pour être un exemple fenfible de fa conduite fur les hommes, & pour fournir des Docteurs à tout le refte de la terre: enfin, la loi cérémoniale & la

Genef. XLIX. 10.

1.Cor.xi.

loi politique des Juifs furent entierement abolies; car le temple étant ruiné, il ne pouvoit plus y avoir de facrifices; toutes les autres cérémonies ne regardoient que l'ancienne alliance, dont le temps étoit paffé; & la loi politique & judiciaire n'avoit été donnée que pour les Ifraélites, habitans de la terre promife. De toute l'ancienne loi, les Chrétiens ne doivent donc plus obferver que ce qui regle les mœurs; & c'est ce qui est praticable en tous les temps & en tous les lieux, n'étant que la loi éternelle de la nature.

LES

LEÇON XLIX.
De la vie des Apôtres.

ES Apôtres fouffrirent des peines incroyables dans la prédication de l'Evangile, Ils étoient tou→ jours en voyage, & vivoient pauvrement, ou du travail de leurs mains, ou des aumônes des fideles. Ils fouffroient de grandes fatigues, la faim, la foif, la veille, le froid, le chaud, les tempê26. &c. tes, les rencontres des voleurs & les autres incommodités des voyages, fans compter les jeûnes & les mortifications volontaires qu'ils s'impofoient fouvent pour réduire leurs corps en fervitude, & montrer l'exemple aux fideles. Ils étoient méprifés des Gentils, comme Juifs, & haïs des Juifs, comme annonçant une nouvelle doctrine. Ceux qui se convertissoient leur don- . noient beaucoup d'occupation, pour inftruire, catéchifer, exhorter en public & en particulier, baptifer & donner les autres facremens; établir Act. xx. des Prêtres & des Diacres ; & donner des réglemens aux nouvelles Eglifes. Ils repaffoient aux lieux où ils avoient fait des Chrétiens, ou leur envoyoient des difciples, & leur écrivoient des lettres pour les confirmer dans la foi & corriger

2. Cor. 1. 27.

20.

20.

les abus qui fe glifoient. Ceux qui rejettoient leur doctrine, & c'étoit toujours le plus grand nombre, les chargeoient de calomnies. Ils traitoient leurs miracles d'enchantemens, les appelloient impofteurs & féditieux, qui troubloient l'état A&t. xvs. en renverfant les religions établies, & amenant des nouveautés & des coutumes étrangeres. On les menoit devant les Juges; on les mettoit en prifon & dans les fers; on les fouettoit publiquement ; quelquefois le peuple les poursuivoit à coups de pierres; enfin, il leur arriva tout ce que J. C. leur avoit prédit, & ils fe trouverent Mat.x. 28 hais de tout le monde à cause de fon nom. Mais ils fentirent auffi le courage & la fermeté qu'il leur avoit promis & qu'il leur avoit donné lorfqu'ils reçurent le Saint-Efprit. Loin de fuccomber à tant de maux, plus ils fouffroient, plus ils fentoient de confolation & de joie, fçachant bien qu'après le combat, la couronne de juftice 2.Cor.1.5 les attendoir dans le ciel ; & ne comptant pour 2.Tim.iv rien les fouffrances de cette vie, en comparaifon Rom. Via de la future, Enfin, ils fouffrirent tous le mar- 18. tyre par divers fupplices, & donnerent constamment leur vie pour témoignage des vérités qu'ils prêchoient, particulierement de la réfurrection de Jefus-Chrift. Saint Pierre fut crucifié; faint Paul eut la tête tranchée, tous deux à Rome en un même jour, fous l'Empereur Néron, le plus méchant de tous les hommes, & le premier des Empereurs qui perfécuta les Chrétiens.

LEÇON L.
Des perfecutions.

8.

Clema

L'EGLISE continua d'être perfécutée pendant trois cens ans, & il y eut une multitude innom- Alex. brable de martyrs, Les Chrétiens ne faifoient 3,Pæd‚19

mal à perfonne, vivant, la plupart, du travail de leurs mains, dans une grande humilité & Conf. une grande modeftie. Au contraire, ils faifoient Apof.c.4. beaucoup de bien, & par leurs grandes aumônes, & par la guérison des maladies, & les autres miracles qui étoient encore fréquens. Cepen

2. ult.

dant tout le monde les haïfloit, & le feul nom Tertul. de Chrétien paffoit pour, un crime. On diloit Apol.c.3. qu'ils n'avoient point de Dieu, parce qu'ils n'avoient point d'idoles, & n'adoroient qu'en efprit. On regardoir comme de grandes impiétés tout ce qu'ils difoient contre l'idolâtrie & contre les fuperftitions auxquelles on étoit accouTertul. tumé. Ils ne prenoient point de part aux fpecApol.c.15 tacles & aux divertiffemens publics; fuyoient le jeu & la débauche, jeûnoient fouvent, ne portoient ni habits précieux hi ornemens. Tout cela les faifoit pafler pour des efprits mal-fairs & mélancholiques; & quand ils parloient de la réfurrection & de l'autre vie, où ils attendoient d'être heureux, on les croyoit tout-àfait infenfés; joint que l'on impuroit à tous les Chrétiens de grandes abominations que commettoient plufieurs hérétiques. On vouloit donc les exterminer; on les bannifioit; on les metn. 22.&c. toit en prifon; on confifquoit leurs biens; on les envoyoit travailler aux mines, enchaînés ; Cypr, on les condamnoit à mort. Et comme les Emferm. ad pereurs & les Magiftrats virent que bien-loin de

Baron.

ann. 120.

mart.

craindre la mort, ils la recevoient avec joie, parce qu'elle leur ouvroit la vie éternelle, ils employoient contr'eux tous les plus cruels fupGallon. Plices, & en inventoient de nouveaux. Ils faide cruc. foient étendre les martyrs fur des chevalets, ou pendre avec des poids aux pieds ; &, en cet étar ? on les battoit de verges, on leur déchiroit la chair avec des peignes de fer, & on leur brûloic

mart.

les côtés avec des flambeaux. Quelquefois on les faifoit brûler à petit feu: on les rôtifsoit fur des grils ou dans des poëles de fer; ou on les artachoit à des lits ou à des fiéges de fer tout rouges. Il y en avoit à qui l'on écorchoit le vifage, ou tout le corps; à qui l'on coupoit les pieds & les mains; que l'on fcioit en deux; à qui l'on arrachoit les yeux, les dents ou les ongles; à qui l'on tiroit les entrailles, étant vivans. D'autres ont été déchirés par des chiens, des ours, des lions & d'autres bêtes cruelles: d'autres expofés au foleil, frottés de miel, pour être piqués par les mouches; d'autres arrofés d'huile bouillante ou de plomb fondu; & tout cela fouvent à plufieurs fois & à diverfes reprises. Après les avoir long-temps tourmentés, on les renfermoit dans des prifons obfcures & infectées, femées de cloux ou de verres callés. La plupart ont eu enfin la tête tranchée.

LEÇON L I.

Des Confeffeurs & Martyrs.

CEUX qui demeuroient en vie après avoir fouffert la perfécution, étoient nommés Confeffeurs, pour marquer qu'ils avoient eu le courage de confeffer le nom de Jefus Chrift devant les juges ; & on leur rendoit toute leur vie de grands honneurs dans l'Eglife. Ceux qui mouroient Euseb. étoient appellés martyrs, & on les honoroit en- hift. Ja core plus. Les reliques de leurs corps étoient confervées foigneufement; on les embaumoit & on les enveloppoit d'étoffes précieuses; on recueilloit jufques aux gouttes de leur fang. Les jours de leur mort, on s'affembloit pour en cé lébrer la mémoire, & pour honorer leur naiffance, c'est-à-dire, leur entrée à la vie éternelle.

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