Page images
PDF
EPUB

terminent toutes les parties de l'Office, font encore de très-belles formules de toutes fortes d'affections. On y eft fi accoutumé, qu'il femble à plufieurs qu'elles ne fignifient plus rien; & c'eft peut-être ce qui a fait compofer ces for mules modernes pour rendre fenfibles les mêmes actes par d'autres paroles. Mais il est à craindre que l'on ne s'y appuie trop, que plufieurs ne croient avoir fait un acte de contrition, quand ils ont prononcé bien diftin&tement, quoique froidement: Mon Dieu! j'ai grand regret de vous avoir offenfé, & le refte; & qu'il n'y en ait d'affez fimples pour croire qu'ils auroient perdu la contrition, s'ils avoient oublié leur formule. L'importance est de toucher les cœurs. Quand les fentimens y feront bien imprimés, les paroles ne manqueront pas ; & quand elles nous manqueroient, Dieu ne nous entendroit pas moins.

Lorfque le Catéchifte fe trouvera obligé de defcendre dans le détail de ce que l'on doit faire en se_levant & en se couchant, & dans les autres actions ordinaires de la vie, il doit bien prendre garde à le faire avec une telle difcrétion, qu'il ne donne pas occafion aux gens fimples & groffiers, de devenir fcrupuleux ou fupeftitieux; qu'ils ne croient avoir fait un grand péché, s'ils ont manqué à dire certaines paroles en s'éveillant; ou qu'ils ne croient avoir tout fait, quand ils ont fatisfait à l'extérieur. S'ils ont de la piété, ils n'y manqueront pas ; mais il n'y en a que trop, qui le font par coutume fans véritable religion.

Voilà les chofes que l'on doit enfeigner: venons à la maniere, & premiérement au style: j'ai déja marqué l'inconvénient du style scholasti

que des Catéchismes ; & il eft plus grand qu'on ne pense. Ce n'eft pas croire, que de fçavoir par cœur certaines paroles, fans en entendre le fens. Ce n'eft pas de la bouche que l'on croit, c'eft du cœur, & la bouche ne fait que profeffer au dehors ce que le cœur croit. Encore que la foi foit une connoiffance obfcure, parce que nous croyons ce qui n'eft ni propolé à nos fens ; ni clair à notre railon, c'est toutefois une connoiffance, & une connoiffance certaine. Quand je dis qu'il y a un feul Dieu, Pere, Fils & SaintEfprit je crois diftinctement que chacun de ces. trois n'eft point l'autre, & que tous trois font le même Dieu. Je ne comprends pas comment cela eft, mais je fçais certainement qu'il eft, & c'eft affez pour la foi. Mais on ne peut dire que je croie ce myftere, fi je n'en ai aucune idée, fi j'ai feulement ma mémoire chargée d'un fon de paroles, qui me foient auffi inconnues que celles d'une langue étrangere. Or, tel est le langage fcholaftique, à l'égard de tous ceux qui ne l'ont pas étudié. Il y a des Catéchifmes. où pour définition de Dieu, on dit que c'est un acte pur fans aucun mélange de puiflance, A quiconque entend la langue de l'école, cela fignifie que Dieu ne peut être que ce qu'il eft, & poffede actuellement toutes les perfections poffibles. Mais à ceux qui ne fçavent que le François, ces mots pourroient faire imaginer que Dieu n'a point de pouvoir. Les mots d'effence & de fubftance fignifient toute autre chofe au peuple qu'aux fçavans. Acte, puiflance, qualité, difpofition, habituel, virtuel: tous les mots qui fignifient des abstractions ou des fecondes intentions, comme on les nomme dans l'école, tout ce langage eft inconnu à la plupart

des gens. Il vaudroit autant leur laiffer dire le Symbole en Latin, que le leur expliquer de la forte l'expérience le fait voir. Après que vous vous êtes bien fatigué à faire répéter cent & cent fois à des enfans ou à des payfans, qu'il y a en Dieu trois perfonnes en une nature, & en JESUSCHRIST deux natures en une personne: toutes les fois que vous les interrogerez, vous les mettrez au hasard de dire deux personnes en une nature, ou trois natures en une perfonne. On a fait des exemples de gens âgés & éclairés d'ailleurs, qui difoient, fe plaignant que l'on vouloit les remettre au Catéchifme: Ne fçavonsnous pas bien qu'il y a trois Dieux en une perfonne Cela vient de ce que n'ayant aucune idée dans l'efprit qui réponde à ces mots de nature & de perfonne, ils en font embarrassés, ils les brouillent aifément, & y joignent indifféremment un ou trois, felon qu'il leur vient à la bouche. Cependant les hérétiques & les impies en prennent prétexte de calomnier la religion, & de dire, que nous la faifons confifter en des fubtilités dont peu de gens font capables.

[ocr errors]

Mais, dira-t-on, comment expliquer les myfteres, fans tous ces termes confacrés à la religion depuis fi long-temps? Peut-être ne peut on pas s'en paffer entiérement, ma's peurêtre aufli que la coutume nous impose. Il est bien plus ailé, je l'avoue, de propofer au peuple la doctrine Chrétienne, avec les mêmes termes que nous avons lus dans les livres de théologie; mais il ne faut pas plaindre notre peine, fi nous pouvons trouver des expreffions qui leur faflent mieux entendre les mêmes chofes. Or, il n'est pas néceffaire pour cela d'en inventer

de nouvelles il n'y a qu'à bien étudier celles dont on fe fervoit avant que les fubtilités des hérétiques euflent forcé les Théologiens à emprunter ce langage d'Ariftote & des autres Philofophes. Encore n'en trouvera t on guère dans les Peres des quatre ou cinq premiers fiécles, quoique l'on eût déja bien difputé fur toutes les parties de la doctrine Chrétienne : ils s'attachoient religieufement au langage de l'Ecriture fainte.

Suivant leur exemple, imitons, autant que nous pourrons, felon notre langue & nos mœurs, les ftyle de JESUS-CHRIST, des Apôtres & des Prophetes. Ils parloient le langage commun des hommes leurs expreffions étoient fimples, nettes, folides, & ne laiffoient pas que d'être grandes & nobles. Ils donnoient des idées claires & vives, & agiffoient beaucoup sur l'imagination, parce qu'il y a peu d'hommes capables de penfer fans s'en aider. Plus les Peres font anciens, plus ils tiennent de cette noble fimplicité. Servons-nous des expreffions que l'Eglife a confacrées par les Déciers & par fes Prieres, & particuliérement de celles des fymboles ; & des autres professions de foi, qu'elle a faites de temps en temps, pour conferver fa doctrine contre les héréfies, à mesure qu'elles fe font introduites ; car c'est le langage qu'elle a voulu mettrẻ en la bouche de tout le peuple. Les termes fcientifiques feront toujours d'ufage dans les écoles, entre les Théologiens de profeffion; mais à quoi bon en fatiguer les fimples, qui ne demandens qu'à s'inftruire, fans difputer; & à qui il importe de fçavoir les chofes qu'ils doivent croire, non par les mots, dont le fervent les fçavans, pour les expliquer.

Or, je prétends que la méthode hiftorique. fera fort utile, pour faire entendre le fond des chofes, fans s'arrêter aux paroles. Je fuppofe qu'un entant fitôt qu'il a fçu parler, a appris par cœur le Symbole ; & fi l'on veut, quelqu'un des Catéchifmes ordinaires, le plus court & le plus clair. Quand après cela pendant un longtemps, comme de fix mois, on lui aura parlé de la création du monde, de la providence de Dieu, de ses miracles, de ses bienfaits, des terribles effets de fa juftice, & de tout le refte que je raconte dans la premiere partie; la feconde fera bien préparée, & les dogmes feront beaucoup moins difficiles. Il doit naturellement refter de tous ces faits l'idée d'un Dieu tout puiffant, bon, juste & lage. Il ne fera pas néceflaire de demander combien il y a de Dieux, il ne viendra pas dans l'efprit qu'il puifle y en avoir plufieurs: vu principalement que ni les hérétiques qui nous environnent, ni les infidéles les plus proches de nous, qui font les Juifs & les Mahometans, ne prêchent que l'unité de Dieu.

Dans la même fuite d'hiftoire, on aura fouvent parlé du Meffie, fils de Dieu, long-temps promis & attendu. On aura raconté fa venue, la vie, fes miracles, fa doctrine, fa paffion. On aura parlé plufieurs fois du faint-Elprit, à l'occafion des Prophetes & des Apôtres. Après tous ces faits bien expliqués, il ne fera pas difficile de faire entendre que Dieu eft Pere Fils & Saint-Efprit; & que JESUS CHRIST eft vrai Dieu & vrai homme, & que toutefois ce ne font pas deux, mais un feul JESUS-CHRIST. Il ne fera pas néceffaire de parler, fi l'on ne veut, de fubftance, ni d'union hypoftatique.

« PreviousContinue »