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1. Tim, $1.41.

& c'eft en effet le plus néceffaire. Auffi ces Caté chifmes ont-ils fait de très-grands fruits, & quelqu'ignorance qui refte parmi les Chrétiens, elle n'eft pas comparable à celle qui regnoit il y a deux cens ans, avant que faint Ignace & fes dilciples euflent rappellé le coutume de catéchiser les enfans.

Mais enfin on ne peut nier que le style des Catéchifmes ne foit communément fort fec; & que les enfans n'aient beaucoup de peine à les retenir, & encore plus à les entendre. Cependant les premieres impressions font les plus fortes; & plufieurs confervent toute leur vie une averfion fecrette de ces inftructions qui les ont tant fatigués dans leur enfance. Tous les difcours de religion leur paroiffent triftes & ennuyeux. S'ils écoutent des fermons, s'ils lifent des livres de piété, c'est avec dégoût, & à contre-coeur, comme on prend des médecines talutaires, mais défagréables. La religion leur femble une loi dure : ils ne la fuivent que par crainte, fans goût & fans affection, la mettant où elle n'eft pas, & ne s'attachant qu'aux formalités. D'autres, plus emportés, s'écartent tout-à-fait ; prêvenus des fauffes idées que leur ont donné la dureté des Catéchifmes & la fimplicité des femmes qui ont été les premier à leur parler de religion. Ils ne veulent rien écouter, & fuppofent, fans s'éclaircir, que tous ces difcours ne méritent pas feulement d'être examinés. C'est ce qui fait les libertins, principalement quand leurs paffions & leurs mauvaises habitudes leur rendent odieufes les vérités de la religion: quand ils ont intérêt de les détruire, au moins dans leur efprit, pour appaifer les remords qui les tourmentent. Et voilà jufqu'où peuvent aller les mauvais effets des inftructions défagréables.

Cherchons donc avec l'aide de Dieu, qui

veut le falut de tous les hommes, s'il y a quel que moyen de remédier ou de fuppléer à la féchereffe des Catéchifmes; & premiérement tâchons d'en découvrir la caufe. Elle vient, si je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont compofés, étoient des Théologiens nourris dans l'école; qui n'ont fait qu'extraire de chaque traité de théologie, ies définitions & les divifions qu'ils ont jugées les plus nécessaires, & les traduire en langue vulgaire fans en changer le ftyle. Ils ont auffi fuivi la méthode fcholaftique, & ont voulu faire apprendre aux enfans les raifons de la fuite des traités ; pourquoi l'on parle des vertus & des facremens après avoir traité des myfteres, & ainfi du refte. Mais je crains qu'ils n'aient pas aflez fait de réflexion fur l'état de ceux qu'ils entreprenoient d'inftruire; & en effet il eft difficile que des hommes qui ont étudié longtemps, & qui font fort exercés dans toutes les fubtilités d'une tcience, puiffent bien le repréfenter jufqu'où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune teinture.

S. Th. I.

La méthode & le ftyle de la théologie fcholaftique font fort propres à ceux qui ont étudié la logique & les autres parties de la philofophie; tels que font ordinairement les théologiens. Quand on leur propose d'abord que Dieu peat être confidéré en foi, ou par rapport aux créatu- P. quest. 2. res; en foi, ou quant à l'effence, ou quant à la diftinction des perfonnes; à l'égard des créatures, ou comme leur principe, ou comme leur fin; que les moyens par lefquels la créature raisonnable peut arriver à cette fin, font les vertus, & la grace que JESUS-CHRIST nous a méritée, & qui nous eft communiquée par les Sacremens. Quand; dis-je, vous propoferez tout cela à un homme inftruit de la philofophie, il vous entendra fort

bien ; & ce plan général lui fera prévoir agréablement tout ce qu'il doit apprendre enfuite, Mais fi vous dites la même chose à un marchand ou à un homme d'affaires, qui n'a point été au collége, il ne vous entendra point, & il ne formera qu'une idée confufe d'un difcours qui regarde Dieu & la religion. Il n'eft point accoutu mé à ces divifions méthodiques; il n'entend point ces termes d'effence, de principe, de fin, de moyens ; il faudroit bien des paroles & bien du temps, pour lui expliquer tout cela. Ce fera bien pis fi vous parlez à un paysan, à une femme de ménage, à un enfant qui ne (çait pas encore toute la langue, & qui n'a pas encore les idées des chofes communes de la vie.

La meilleure méthode d'enseigner n'est donc pas celle qui nous paroît la plus naturelle, quand nous confidérons les vérités abftraites & en elles-mêmes, mais celle que l'expérience fait connoître pour la plus propre à faire entrer ces vérités dans les efprits de ceux à qui nous parlons. Or, il me femble que nous devons faire grand cas de l'expérience de tous les fiécles. En remontant jufques à fept ou huit cents ans, qui eft à peu-près le temps où la plus grande ignorance s'eft répandue dans le Chriftianifme; audeffus de ces temps miférables jusqu'au com mencement du monde, je trouve que l'on a toujours fuivi à peu près la même méthode pour enfeigner la religion; & que l'on s'eft fervi principalement de la narration & de la fimple déduction des faits, fur laquelle on fondoit les dogmes & les préceptes de morale,

En effet, pendant les premiers deux mille ans la vraie religion fe conferva fans écriture, par la feule tradition: & cette tradition n'étoit autre chofe, que le foin religieux qu'avoient les

peres de raconter à leurs enfans les merveilles de Dieu qu'ils avoient vues de leurs yeux, ou apprifes par le récit de leurs peres ; & que ces enfans également pieux & fideles, avoient foin à leur tour de raconter à leurs enfans. Ainfi Adam avoit inftruit ce grand nombre d'enfans dont il commença à peupler la terre. Il leur avoit dit fouvent, l'ayant appris de Dieu même, comment le monde fut créé, comment lui & fa femme fu. rent formés; il leur avoit raconté le bonheur de leur premier état, leur péché, leur peine. Ainfi Noé avoit enfeigné à fes enfans tout ce qui s'étoit paffé de mémorable avant le déluge; & les trois fils répandirent par toute la terre la mémoire de ce fameux événement. Qui peut douter qu'Abraham n'ait pris grand foin de raconter à Ifaac tout ce que Dieu avoit fait avant lui pour le genre humain, & les graces particulieres que lui-même en avoit reçues; puifque l'Ecriture marque expreflément fon zele pour l'inftruction de fa famille ? Et qui peut douter que les autres patriarches ne l'aient imité ?

Gen

XVIII

18.

Moife infpiré de Dieu, recueillit & écrivit toutes ces anciennes traditions dans le livre de la Genefe; & dans les livres fuivans, après avoir raconté fort au long les grands miracles que Dieu avoit faits pour tirer fon peuple de la fervitude d'Egypte, il recommande à tous les Ifraélites qui les avoient vus comme lui, de les raconter à leurs enfans, & répete fouvent de la part de Dieu ce commandement, comme celui de lire, relire & méditer continuellement fa loi; c'est-à-dire, Ex. XII. tout ce qu'il leur donnoit par écrit. Josué, Sa- VI. 10. muel & les autres Prophetes écrivirent de temps VI.7.XI. en temps les miracles, les prédictions & toutes les autres chofes qui fervoient à la religion; ce qui fut continué fans interruption jufques à la

26. Deut.

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captivité de Babylone. Au retour, Dieu fufcita le fçavant Efdras pour recueillir avec foin tous les livres précédens, & y ajouter l'hiftoire du rétabliffement. Enfin, après un affez long intervalle, où il ne s'étoit rien paffé de mémorable pour la religion, on écrivit l'hiftoire de Judas Maccabée & de fes freres, qui l'avoient défendue fi vaillamment contre les infideles acharnés à la détruire, & à faire périr les livres facrés ; & cette hiftoire nous mene fort proche du temps du Meffie. Cependant l'Ecriture ne nuifoit pas à la tradition; elle ne fervoir qu'à la rendre plus certaine, & les fideles n'avoient pas moins de foin que dans les premiers temps de raconter à leurs enfans, & à leurs petits-enfans, ce qu'ils avoient Pfalm. appris de leurs peres & de leurs aïeux; & de leur LXXVII recommander de le faire paffer à leur postérité. 3.c. Pr. Ce devoir eft marqué dans tous les livres de moEccl. rale, & particuliérement dans les Pfeaumes. Il III... eft donc vrai que pendant tout l'ancien teftament, la religion s'eft confervée par les narrations & par les histoires.`

XLIII.1.

1. 8. IV.

La publication de la nouvelle alliance n'a rien changé à cette méthode. On a feulement ajouté à l'hiftoire des anciennes merveilles celle des nouvelles encore plus grandes. La naissance & la vie de Jefus-Chrift, fes difcours, fes miracles, fa réfurrection, l'établiffement de fon Eglife ; & Dieu a fait écrires les prodiges nouveaux, comme les anciens, par ceux qui en étoient témoins oculaiA. VII. res. Le fermon de faint Etienne, & la plupart de 10. 37. ceux des Apôtres que l'Ecriture nous rapporte, XXII. font voir que leurs difputes contre les Juifs, & les inftructions qu'ils donnoient aux Payens, étoient roujours fondées fur la déduction des faits. Il falloit faire fouvenir les Juifs de ce que Dieu avoir fait pour leurs peres, & de ce qu'il leur avoit pro

XIII.27.

22.

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