Les Césars

" Nous voudrions faire ici une suite d' tudes, non sur des poques, mais sur des hommes, non de l'histoire, mais de la miniature historique, de la physiologie humaine. Nous voudrions savoir quelle sorte d'homme c' tait qu'un Tib re, un Domitien, noms r p t s tant de fois, et qui apportent nos esprits des id es si complexes, si peu comprises. Nous voudrions faire comme le philosophe Apollonius, qui vint d'Asie pour voir N ron et pour apprendre quelle sorte de b te c' tait qu'un tyran. Un homme, quelquefois presque un enfant, dou tout uniment du pouvoir de vie et de mort sur cent vingt ou cent quarante millions d' mes intelligentes, sur toutes les rives du bassin de la M diterran e (cet admirable et ternel th tre de la civilisation et de l'histoire), sur tout le monde polic , en un mot ; et cet homme, un fou, un fou furieux et sanguinaire, faisant tomber les t tes au hasard, massacrant par partie de plaisir; et cet homme support , honor , ador , par tout ce qu'il y avait alors au monde d'orgueil, d'intelligence, d' nergie; - et cet homme, quand au bout de quinze ans un proscrit plus heureux avait pr venu le message du licteur par un coup de poignard (pour une insurrection, on n'en parle pas), remplac sa mort par un homme tout pareil ; et l'ordre social de cette poque fond sur l'inexplicable d lire du souverain et l'inexplicable patience de ses cent quarante millions de sujets : voil le probl me qu'on nous propose, sans y songer beaucoup, quand on nous raconte cette histoire au coll ge..."