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PERSONNAGES.

Mme de SELMAR.

M. DRAVEL, oncle de Mme de SELMAR.
M. ÉMERY.

Mme ÉMERY.

Mme de VERSEUIL.

ARTHUR.

M. de CAMBROUZE.

Mme de CAMBROUZE.

DEUX MESSIEURS.

Mile VERDIER, femme de charge.
JOSEPH, jeune commissionnaire.

La scène se passe à Paris, chez Mme de SELMAR; le théâtre représente

un arrière-salon.

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Mais, mon oncle, pourquoi ne voulez-vous pas entrer dans le salon?

M. DRAVEL.

Parce que ma condition, en venant ce soir chez toi, a été que je ferais ce que je voudrais, et que ce que je veux, est de rester seul dans cette pièce, au coin du feu, tandis que vous écouterez votre sermon.

MADAME DE SELMAR.

Vous aurez aussi chaud là-dedans qu'ici, et vous y verriez du monde, de jolies femmes, des parures.

M. DRAVEL.

Cela ne me tente pas.

MADAME DE SELMAR.

Je crains qu'on ne vous trouve un peu extraordinaire.

M. DRAVEL.

Eh bien! je vous trouverai un peu extravagans, et

nous serons quittes.

MADAME DE SELMAR.

En quoi extravagans ?

M. DRAVEL.

Je l'ai déjà dit l'autre jour. Parce que tu as su que quelques personnes avaient donné des sermons, tu as voulu avoir le tien; c'est fou. Cette prédication en chambre a l'air d'une parodie. Manque-t-on de sermons quand on a ce goût-là? Qu'est-il nécessaire d'en attirer chez soi?

MADAME DE SELMAR.

C'est, jusqu'ici, la manière la plus distinguée de passer une soirée, et vraiment, mon oncle, la moins coûteuse. Le prédicateur a toujours une œuvre pour laquelle il fait une quête; cela ne vous regarde pas: votre société en fait les frais. Vous n'avez besoin ni de tapissier, ni de décorateur, comme pour un bal, 1, un concert ou des proverbes; pas de répétitions: vous n'avez affaire qu'à un seul homme. C'est comme une lecture, et c'est d'un style beaucoup plus relevé.

M. DRAVEL, avec gaîté.

Tu n'a pas le sens commun.

MADAME DE SELMAR.

Plus que vous ne croyez, mon oncle. Cela se sait en

haut, et y fait très-bon effet.

M. DRAVEL.

Je commence à comprendre.

MADAME DE SELMAR.

Mon mari est un excellent homme; mais, quand on a dit cela, on a à peu près tout dit. Si je puis donner à notre maison un léger vernis de dévotion, nous aurons plus de facilité pour obtenir quelque chose qui nous tenterait assez dans ce moment-ci.

M. DRAVEL.

Ah! tu en es déjà là ?

MADAME DE SELMAR.

C'est le fruit de l'expérience, mon cher oncle. Je ne voyais que des gens qui me disaient : « J'espère, madame » de Selmar, que vous aurez le courage de résister à la » contagion. Vous êtes trop franche pour vous affubler » d'aucun masque; d'ailleurs que pouvez-vous désirer? » votre position est parfaite... » Et au bout de quelque temps, tous ces gens-là étaient dévots et placés. Ils ne parlaient ainsi que pour diminuer la concurrence; on assurait même qu'ils se moquaient de ma crédulité. C'était trop fort. Ce petit prédicateur est venu à me tomber sous la main; il cherchait à se faire connaître, moi aussi : voilà l'histoire de mon sermon.

Tout naturellement?

M. DRAVEL.

MADAME DE SELMAR.

Mon Dieu! oui.

SCÈNE II.

Mme DE SELMAR, M. DRAVEL, Mme ÉMERY.

MADAME ÉMERY.

Où êtes-vous donc, ma chère amie?

MADAME DE SELMAR.

Je parlais à mon oncle, qui ne veut pas entendre le

sermon.

MADAME ÉMERY.

Comment! Monsieur Dravel, un homme comme vous, qui pense si bien !

M. DRAVEL.

Si je pense si bien, je n'ai pas besoin d'être sermoné. Allez, allez, Mesdames : suivez la mode; mais laissez un pauvre vieillard traiter plus sérieusement que vous, les choses sérieuses.

MADAME ÉMERY.

C'est positivement parce que vous êtes un vieillard, que vos cheveux blancs feraient un bon effet au milieu de toute cette jeunesse. Une foi vive et ardente a tant d'éclat dans un ancien militaire dont la poitrine est couverte de décorations.

M. DRAVEL.

On dirait que vous doutez de l'éloquence de votre jeune apôtre.

MADAME DE SELMAR.

Dame, mon oncle, c'est son début.

MADAME ÉMERY.

D'ailleurs les signes sensibles ne doivent jamais être négligés. M. Dravel a une si belle tête ! et, tout justement au milieu du front, une cicatrice, comme si on l'eût fait faire exprès.

M. DRAVEL.

Heureux âge que le vôtre, Mesdames!

MADAME ÉMERY.

Est-ce que vous n'approuvez pas le parti qu'elle a pris? Moi, je le trouve admirable. Un sermon sans peuple, à une heure si commode, où l'on n'est dérangé ni par des bedeaux, ni par des suisses d'église, ni par des ouvreuses de..... (elle se reprend) ni par des loueuses de chaises. On est tout à ce qu'on fait, bien chaudement, en bonne compagnie; c'est délicieux. On peut au moins parler à droite ou à gauche indifféremment: c'est tous gens de connaissance.

MADAME DE SELMAR.

Venez, mon oncle.

M. DRAVEL.

Je te dis que non. J'ai un trop grand inconvénient: tout le monde dort au sermon; moi, j'y ronfle. Dans une église, cela se perd; mais dans une chambre, vois donc un peu.

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