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examen toutes les vérités qu'elle leur propoferoit à croire. Les enfans baptifés n'avoient pas befoin de ces préparations; ils avoient déja la foi, ils avoient la docilité non feulement par la crédulité naturelle à leur âge, qui n'eût produit tout au plus qu'une foi humaine, mais par la grace du baptême, qui leur avoir imprimé dans l'efprit l'autorité de Dieu & de fon Eglife. Ainfi on leur enfeignoit d'abord le fymbole, comme nous faifons encore; mais on étoit bien plus foigneux que nous le fommes de le leur expliquer, & de fortifier leur foi par toutes les inftructions que j'ai marquées, & dans les Maifons & à l'Eglife.

Il eft à croire que cette maniere d'inf truire a duré tant que l'ancienne difcipline de l'Eglife s'eft conservée, c'est-à-dire, jufques vers le neuvieme fiecle, puifque l'on voit durer jufques-là l'ufage de catéchifer, & d'examiner plufieurs fois pendant le carême, ceux que l'on devoit baptifer à Pâque. J'en trouve dans le feptieme fiecle deux exemples remarquables. Un fermon de faint Gal aux infideles d'Allemagne, vers l'an 620, & un de faint Vilfrid aux Anglois de Suffex l'an 680. Enfin, lorfqu'on commença à ne baptifer prefque plus que des enfans, ces inftructions publiques dégénérerent en formalités ; & la mi

fere des temps ayant introduit une grande ignorance, même dans le Clergé, l'instruction effective fut fort négligée. On ne le voit que trop par les plaintes qu'en font les Evêques au Concile de Troflé l'an 909. Depuis un fiecle, on étoit réduit à ordonner en plufieurs Conciles que les Evêques & les Prêtres enfeigneroient aux Peuples, du moins le Symbole & l'Oraison Dominicale; par-là ils marquoient tout le Catéchifme. Expliquer ou donner le Symbole, felon les anciens, c'eft catéchifer, parce que le Symbole eft l'abrégé de toute la Doctrine. En effet, ces Conciles veulent que l'on envoie les enfans aux écoles pour recevoir cette inftruction, ce qui feroit inutile, s'il ne s'agiffoit que s'agiffoit que de retenir par cœur ce peu de paroles, & ils veulent que les Fideles apprennent le Symbole & l'O raifon, au moins en leur langue vulgaire, afin qu'ils l'entendent, en forte qu'ils puiffent enfeigner aux autres. Depuis ce temps-là, c'est-à-dire, environ depuis le dixième fiecle, on s'eft réduit à cette maniere d'inftruction, & l'on a cru, que pourvu que les Chrétiens entendiffent médiocrement le Symbole, ils pouvoient fe paffer pour la plupart, de la connoiffance des faits que les anciens étoient fi foigneux de leur raconter. Cependant quand nous n'aurions pas l'autorité de l'écriture, & les

exemples de tant de fiecles, il feroit aifé de voir que la narration & la déduc tion des faits eft, généralement parlant la meilleure maniere d'enfeigner la Religion.

On peut à la vérité prouver par des raifons convaincantes, qu'il y a un Dieu créateur de toutes chofes, qui les conferve & les gouverne par fa Providence, que la nature humaine eft corrompue; que l'ame. eft immortelle, & qu'elle ne peut trouver de bonheur en cette vie. Les Peres l'ont fait quelquefois, & le devoient, ayant à convertir les hommes en âge de raison, & fouvent des Hérétiques ou des Philofophes. C'est de cette efpece de Catéchisme que Saint Grégoire de Nice nous a donné un excellent modele; mais les enfans, & la plupart des hommes groffiers & peu attentifs, ne font point capables d'entendre & 'de fuivre ces raifonnemens. Ceux même qui raifonnent le mieux ne peuvent arriver à ce qui eft au-deffus de la raison, comme la Trinité, l'Incarnation, la Prédestination; en un mot, les Myfteres dont toutefois la connoiffance eft néceffaire pour nous faire voir ce que nous devons à Dieu. C'eft pourquoi Dieu qui nous connoît parfaitement, a fondé la Doctrine de fa Religion fur des preuves dont tous les hom mes fuffent capables, c'est-à-dire, fur des

faits, & fur des faits évidens, illuftres & fenfibles, tels que font la Création du monde, le péché du premier homme, le Déluge, la vocation d'Abraham, la fortie d'Egypte.

Afin que la vérité de ces faits ne pût être révoquée en doute par ceux qui ne les auroient pas vus, Dieu a de temps en temps rendu témoignage à ceux qui les racontoient par d'autres faits extraordinaires, c'est-à-dire par des miracles, tels que ceux de Moïfe & des Prophêtes, & enfin de Jefus Chrift & de fes Difciples; en forte que pour croire à ceux que Dieu a envoyés, il n'a été befoin que de ce raifonnement fi facile: il faut bien que ce foit Dieu qui nous parle par ces hommes, puifqu'en fon nom ils reffufcitent des morts, & font d'autres merveilles, que l'Aveului feul peut faire. C'est ainfi que gle-né raifonnoit fur les miracles de JefusChrift, & faifoit le même raifonnement que Nicodeme, Docteur en Ifraël.

Cette maniere d'inftruire n'est pas feulement la plus fûre & la plus proportionnée à toute forte d'efprits, c'eft encore la plus facile & la plus agréable. Tour le monde peut entendre & retenir une hiftoire, où la fuite des faits engage infenfiblement, & où l'imagination fe trouve prife, & quoique plufieurs fe plaignent

de

de leur mémoire, eft elle toutefois moins rare que le jugement. De-là vient la curiofité pour les nouvelles, l'amour des Romans & des Fables. Sur-tout ce font les enfans qui en font les plus avides, parce que tout a pour eux l'agrément de la nouveauté; & comme d'ailleurs les perfonnes âgées aiment naturellement à raconter les faits dont elles ont la mémoire pleine, rien ne feroit fi facile que d'inftruire les enfans dans la Religion, fi les Peres & les Meres en étoient bien inftruits, & s'ils vouloient s'appliquer à raconter les merveilles de Dieu, comme ils faifoient autrefois. Ceux qui ont compofé nos Catéchifmes modernes ont bien vu cette utilité des faits, pour arrêter l'imagination des enfans, & pour leur rendre les inftructions agréables; & plufieurs ont établi pour regle de leur méthode, de finir chaque leçon par une Hiftoire. Mais comme ils n'ont pas trouvé dans l'Ecriture & dans les livres de grande autorité, des Hiftoires courtes qui s'ajuf taffent toujours à leurs leçons, ils en ont pris où ils ont pu, & fouvent ils les ont tirées de la fleur des exemples du Pédagogue Chrétien, ou de quelques Vies des Saints peu correctes: en forte que la plupart de ces Hiftoires contiennent des vifions ou des miracles peu certains, ou même peu vraisemblables. On croit que tout eft bon

B

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