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chevalets, ou pendre avec des poids aux pieds; & en cet état on les battoit de verges, on leur déchiroit la chair, avec des peignes de fer, & on leur brûloit les côtés avec des flambeaux. Quelquefois on les faifoit brûler à petit feu, on les rôtiffoit fur des grils ou dans des pcëles de fer, ou on les attachoit à des lits, ou à des fiéges de fer tout rouges. Il y en avoit à qui l'on écorchoit tout le vifage ou tout le corps, à qui l'on coupoit les pieds & les mains, que l'on fcioit en deux, à qui l'on arrachoit les yeux, les dents ou les ongles; à qui on tiroit les entrailles, étant tout vivans. D'autres ont été déchirés par des chiens, des ours des liens & d'autres bêtes cruelles; d'autres expofés au foleil, frottés de miel, pour être piqués par les mouches; d'autres arrofés d'huile bouillante ou de plomb fondu, & tour cela fouvent à plufieurs fois & à diverfes reprises. Après les avoir long-temps tourmentés, on les renfermoit dans des prifons obfcures & infectées, femées de cloux ou de verres caffés; la plupart ont eu enfin la tête tranchée.

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LEÇON LI.

Des Confeffeurs & des Martyrs.

Eux qui demeuroient en vie, après avoir fouffert la perfécution, étoient nommés Confeffeurs, pour marquer qu'ils avoient eu le courage de confeffer le nom de J. C. devant les Juges; & on leur rendoit toute leur vie de grands honneurs dans l'Eglife. Ceux qui mouroient, étoient appellés Martyrs, & on les honoroit encore plus. Les reliques de leurs corps étoient confervées foigneufement, on les embaumoit, & on les enveloppoit d'étoffes précieuses, on recueilloit jufques aux gouttes de leur fang. Les jours de leur mort on s'affembloit pour en célébrer la mémoire, & pour honorer leur naiffance, c'eft-à-dire leur entrée à la vie éternelle. On faifoit de ces jours des fêtes femblables aux Dimanches, pour s'aflem. bler auprès de leurs tombeaux; remercier Dieu de la force qu'il a donnée à fes Saints, les prier de continuer à prier pour nous, comme ils faifoient quand ils étoient fur la terre; & s'exciter à imiter leurs vertus en lifant leurs actes, & les hiftoires de leurs fouffrances. On les repréfentoit même par des peintures dans

les Eglifes, pour l'inftruction de ceux qui ne les pouvoient pas lire. Dieu faifoit fouvent des miracles aux tombeaux des Martyrs; & fouvent auffi il en faifoit à leur martyre, en forte que plufieurs des affiftans fe convertiffoient: & quelquefois les bourreaux & les Juges mêmes; ainfi plus on faifoit mourir de chrétiens, plus ils multiplioient. Mais quoiqu'ils fuffert en fi grand nombre, qu'ils pouvoient faire de grandes armées, ils n'uférent jamais d'aucune violence pour fe défendre contre ceux qui les traitoient fi cruellement. Et il y eut des légions entieres de foldats chrétiens, comme celle de Saint Maurice, qui fe laifferent maffacrer pluτότ que de fe fervir de leurs armes contre leur Prince. Ils avoient appris des Apôtres qu'il faut refpecter les puillances établies de Dieu, même en la perfonne des méchans, & obéir à nos maîtres, quelques. fâcheux qu'ils foient. On lit encore tous les jours à l'Eglife les martyrologes, où l'on a recueilli les noms d'un grand nombre de Martyrs, & l'abrégé de leur hiftoire. Il y en a qui font honorés par toute l'Eglife, comme Saint Jean-Baptifte, les Apôtres, Saint Etiennes, Saint Laurent, Saint Sébastien, Saint Vincent Sainte Agnés & fainte Luce. D'autres font plus connus aux lieux où ils ont fouffert, com

me Saint Irenée à Lyon, Saint Denis à Paris, Saint Saturnin à Toulouse, Saint Lucien à Beauvais, Sainte Colombe à Sens, Saint Benigne à Dijon, & ainfi des autres.

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De la liberté de l'Eglife, & de la vie monaftique

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Près trois cens aus de fouffrances, A Dieu donna la paix à fon Eglife sous l'Empereur Conftantin, qui embraffa la foi chrétienne. Cette liberté rendit plus folemnellement les prieres publiques, & les affemblées des Fideles, qu'il falloit fouvent faire la nuit & en cachette du temps des perfécutions. On fit auffi des édifices plus magnifiques, on augmenta le nombre des ornemens & des vafes facrés; on donna de grandes richesses aux Eglifes pour l'entretien du luminaire & des bâtimens, & pour la nourriture des clercs & des pauvres. L'on fonda des hôpitaux de toutes fortes, mais en même. temps la vertu commença à fe relâcher: dans le commun des Chrétiens. Comme il n'y avoit plus de péril à l'être, plufieurs en faifoient profeffion fans être bien convertis, ni bien touchés du mépris des plaifirs, des richeffes & de l'efpérance du

ciel. Ainfi ceux qui voulurent pratiquer la vie chrétienne dans une plus grande pureté, trouverent plus fûr de fe féparer du monde, & de vivre en folitude. On les appella Moines, c'eft-à-dire, feuls ou folitaires Les plus parfaits furent en Egypte, où faint Antoine commença à les faire vivre en communauté, & à rendre plus fréquente cette maniere de vie dont quelques particuliers avoient confervé la tradition depuis le commencement de l'Eglife; car il y avoit toujours eu quelques chrétiens, à qui le defir d'une plus grande perfection faifoit pratiquer une vie fort auftere, & retirée, a l'exemple de Saint Jean Baptifte & des Prophètes. Les Moines vivoient dans de grands défert, où ils bâtiffoient pour fe loger de pauvres cellules, & ils paffoient le jour à travailler, faifant des nattes, des paniers, & d'autres ouvrages faciles, & méditant l'Ecriture fainte. Ils jeûnoient tous les jours, ne prenant leur nourriture que vers le foir, & ne vivant la plupart que de pain & d'eau. Ils s'affembloient pour prier le foir & la nuit. Ils dormoient peu, gardoient un grand filence, & s'exerçoient continuellement à toutes fortes de vertus. Leur travail fuffifoit, non-feulement pour les nourrir, mais encore pour fournir à de grandes aumônes. Ils obéif

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