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prétend avoir fouffert. Il n'eft pas feulement défendu de prendre, il eft ordonné de reftituer ce qu'on a mal acquis, & il faut le reftituer le plutôt que l'on peut, parce que le garder injuftement eft comme le prendre de nouveau, Ce Commandement oblige auf à payer exactement les journées des pauvres mercénaires : les retenir, c'eft retenir leur fueur, leur fang & leur vie, & c'eft un crime qui crie vengeance devant Dieu. Ce Commandement oblige à payer généralement toutes les dettes, & défend par conféquent de s'endetter, fi on ne voit comment on pourra fatisfaire. De-là s'enfuit que chacun doit ménager le bien que Dieu lui a donné, en béniflant fon travail ou celui. de fes peres, & le conferver foignealement afin d'éviter l'indigence, qui eft la fource ordinaire de l'injuftice. Mais d'un autre côté il faut fuir l'avarice, & le defic d'acquérir toujours fans mefure, bannir le luxe, & modérer notre dépenfe, afin d'avoir de quoi donner; car ce Commandement nous oblige encore à faire l'aumône à ceux qui n'ont pas le néceffaire, principalement s'ils ne peuvent en gagner. Que celui qui déroboit, dit St. Paul, ne dérobe plas, mais plutôt qu'il travaille faifant de fes mains quelque chofe de bon afin qu'il ait de quoi donner à celui qui fouffre néceffité.

Q vi

LEÇON XXIX.

Des trois derniers Commandemens.

E huitieme Commandement défend

Lpremiérement le faux- témoignage

porté en juftice pour faire condamner un innocent. Il défend auffi toute autre calomnie, c'est-à-dire, toate fauffe-accufation, tout difcours par lequel on impofe à quelqu'un ce qu'il n'a pas fait. De plus, toute médifance ou détraction › par laquelle on ruine ou on diminue la réputation du prochain, en publiant le mal qu'il a fait, mais qui n'étoit pas connu; & fur tout les mauvais rapports faux ou vrais, qui tendent à mettre la divifion entre les parens ou les amis. Il ne nous eft pas permis de parler du mal qu'a fait le prochain, que lorfque la charité nous y oblige ou pour procurer fa correction, ou pour la fûreté de celui à qui il pourroit nuire; car nous devons plus à l'innocent qu'au coupable. Il défend encore le menfonge, c'est à dire, toute parole dite à deffein de tromper en faifant entendre le contraire de notre penfée. Il nous eft donc ordonné de dire toujours la vérité. Auffi fommes nous les membres les uns des autres, qui par conféquent devons avoir

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une charité réciproque, & la parole n'eft inftituée que pour fignifier ce que nous penfons. Or nous ne devons avoir que des penfées raifonnables, & par conféquent ne parler que quand il eft à propos. La multitude des paroles n'eft point fans péché, & nous rendrons compte au jugement de Dieu de toute parole oifeufe; il faut donc aimer le filence. Nous devons encore procurer la concorde & l'union entre tous les hommes ; car ceux qui procurent la paix, dit Jefus-Chrift, font appellés enfans de Dieu. Nous devons réparer, autant qu'il eft poffible, le tort que nous avons fait au prochain par tous ces péchés de paroles; mais cette réparation eft très-difficile. Enfin nous devons éviter les jugemens téméraires qui font la fource la plus ordinaire des médifances. Les deux derniers Commandemens condamnent les mauvais defirs. Le neuvieme défend de defirer ce que le fixieme défend de commettre, c'est-à-dire, tout plaifir déshonnête, hors le feul cas de mariage. Quiconque regarde une femme pour la défirer, dit le Sauveur a déja commis l'adultere dans fon cœur. Ce n'eft pas feulement le defir formé qui eft péché, c'est encore la penfée, quand on s'arrête volontairement à y prendre plaifir, ou qu'on néglige de s'en détourner. Il ne

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vous eft pas même permis de defirer la femme d'autrui, dans le cas où elle pourroit devenir la vôtre, comme fous l'ancienne loi, en cas de divorce, & à préfent en cas de mort ; parce que nourriffant ce defir, il feroit facile d'aller plus loin, de defirer la mort du mari ou l'adultere. Le dixieme commandement fe rapporte au feptieme & nous défend tout defir du bien d'autrui, de fa maison, de fa terre, de fes beftiaux, de fes meubles, & généralement de tout ce qu'il poffede; fi ce n'eft pour l'acquérir par des voies légitimes, & de fon confentement. Nous ne devons former autres deffeins fur le bien d'autrui, que ceux que nous trouverions bon que les autres formaffent fur nos biens.

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LEÇON X X X.
Des defirs.

Es deux derniers Commandemens affurent l'obfervation de tous les autres, coupant la racine de tous péchés, qui eft la concupifcence. On ne fait mal que par le defir du plaifir, de l'argent ou de l'honneur. Le defir du bien d'autrui, ou le déplaifir de la profpérité, eaufe l'envie qui nous porte à la médifance & à la

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calomnie ; & il n'y a guere de faux-témoins qui ne foient gagnés par argent. Ce qui fait ordinairement attenter sur la vie du prochain, c'est que nous voulons avoir fon bien ou ôter un obstacle à notre plaifir ou à notre gloire. Les mêmes raifons portent à méprifer le pere & la mere, & quelquefois à les haïr ou à fouhaiter leur mort. C'est le defir du gain qui fait travailler, le Dimanche, & c'est l'amour du plaifir qui empêche de l'employer faintement, C'eft l'intérêt qui fait faire les faux fermens. Enfin ce ne font que les paffions déréglées qui détournent du fervice de Dieu, & qui éteignent la charité. Ainfi, ôtant de notre cœur les defiis que condamnent les deux derniers commandemens, nous nous mettons en état de pratiquer facilement tous les autres. Or, nous ne defiions point les chofes que nous croyons impoffibles; & nous devons compter pour impoffible tout ce qui eft contraire à la volonté de Dieu quoique nous ayons la liberté de le faire, parce qu'il eft impoffible au moins d'éviter enfuite fa vengeance. Mais le meilleur moyen pour éviter le péché, eft de tendre, autant qu'il nous eft poffible, à acquérir les vertus & la perfection chrétienne. Soyez parfaits, dit Jefus-Chrift, comme votre pere célefte eft parfait. Ce n'eft

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