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& une con

que nous croyons ce qui n'est ni propofé à mos fens, ni clair à notre raifon; c'eft. toutefois une connoiffance noiffance certaine. Quand je dis qu'il y a un feul Dieu, Pere, Fils, Fils, & Saint-Efprit, je crois diftinctement que chacun de ces trois n'eft point l'autre & que tous trois font le même Dieu. Je ne comprends pas comment cela est, mais je fais certainement qu'il eft, & c'est affez pour la foi. Mais on ne peut dire que je croie ce Mystere, fi je n'en ai aucune idée, fi j'ai feulement ma mémoire chargée d'un fon de paroles, qui me foient aufli inconnues que celle d'une langue étrangere: or tel eft le langage Scolaftique à l'égard de tous ceux qui ne l'ont pas étudié. Il y a des Catéchifmes, où pour définition de Dieu, en dit que c'est un acte pur fans aucun mêlange de puiffance. A quiconque entend la langue de l'école, cela fignifie que Dieu ne peut être que ce qu'il eft, & poffede actuellement toutes les perfections poffibles ; mais à ceux qui ne favent que français, ces mots pourroient faire imaginer que Dieu n'a point de pouvoir. Les mots d'effence & de fubftance fignifient toute autre chofe au peuple qu'aux Savans. Acte, Puiffance, Qualité, Difpofition Habituel, Virtuel : tous les mots qui fignifient des abftractions ou des fecondes in

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tentions, comme on les nomme dans l'école, tout ce langage et inconnu à la plupart des gens. Il vaudroit autant leur laiffer dire le Symbole en Latin, que le leur expliquer de la forte; l'expérience le fait voir. Après que vous vous êtes bien fatigué à faire répéter cent & cent fois à des enfans ou à des payfans, qu'il y a en Dieu trois Perfonnes en une nature, & eu Jefus Chrift deux natures en une Perfonne; toutes les fois que vous les interrogerez vous les mettrez au hafard de dire deux perfonnes en une même nature, ou trois natures en une perfonne. On fait des exemples des gens âgés & éclairés d'ailleurs, qui difoient, fe plaignant que l'on vouloit les remettre au Catéchisme : ne favons-nous pas bien qu'il y a trois Dieux en une perfonne? Cela vient de ce que n'ayant aucune idée dans l'efprit, qui réponde à ces mots de nature & de perfonne, ils en font embarraffés ils les brouillent aisément, & y joignent indifféremment un ou trois, felon qu'il leur vient à la bouche. Cependant les Hérétiques & les Impies en prennent prétexte de calomnier la Religion, & de dire que nous la faifons confifter en des fubtilités dont peu de gens font capables.

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Mais, dira-t-on, comment expliquer les Myfteres, fans tous ces termes confa

erés à la Religion depuis fi long-temps? Peut-être ne peut-on pas s'en paller entiérement, mais peut-être auffi que la coutume nous impofe. Il eft bien plus aifé, je l'avoue, de propofer au peuple la Doctrine Chrétienne, avec les mêmes termes que nous avons lu dans les Livres de Théologie; mais il ne faut pas plaindre notre peine fi nous pouvons trouver des expreffions qui leur falsent mieux entendre les mêmes choses. Or il n'eft pas néceffaire pour cela d'en inventer de nouvelles, il n'y a qu'à bien étudier celles dont on fe fervoit avant que les fubtilités des Hérétiques euffent forcé les Théologiens à emprunter ce langage d'Ariftote, & des autres Philofophes encore n'en trouvera-t-on gueres dans les Peres des quatre ou cinq premiers fiecles, quoique l'on eût déja bien difputé fur toutes les parties de la Doctrine Chrétienne, ils s'attachoient religieufement au langage de l'Ecriture fainte.

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Suivant leur exemple, imitons autant que nous pourrons, felon notre langage & nos mœurs, le ftyle- de Jefus Chrift, des Apôtres & des Prophêtes. Ils parloient le langage commun des hommes, leurs expreffions étoient fimples, nettes, folides &ne laiffoient pas que d'être grandes & nobles. Ils donnoient des idées claires &

vives, & agiffoient beaucoup fur l'imagi nation, parce qu'il y a eu peu d'hommes capables de penfer fans s'en aider. Plus les' Peres font anciens, plus ils tiennent de cette noble fimplicité. Servons-nous des expreffions que l'Eglife a confacrées par les Décrets & par fes Prieres, & particuliérement de celle des Symboles & des autres profeffions de foi qu'elle a faites de temps en temps pour conferver fa doctine contre les héréfies, à mesure qu'elles fe font introduites; car c'eft le langage qu'elle a voulu mettre en la bouche de tout le peuple. Les termes fcientifiques feront toujours d'ufage dans les écoles, entre les Théologiens de profeffion; mais à quoi bon en fatiguer les fimples, qui ne demandent qu'à s'inftruire fans difputer, & à qui il importe de favoir les chofes qu'ils doivent croire, non pas les mots dont fe fervent les Savans pour les expliquer?

Or je prétends que la méthode hiftorique fera fort utile pour faire entendre le fond des chofes, fans s'arrêter aux paroles. Je fuppofe qu'un enfant, fi-tôt qu'il a fu parler, a appris par cœur le Symbole, & fi l'on veut, quelqu'un des Catéchismes ordinaires, le plus court, & le plus clair. Quand après cela pendant un long-temps, comme de fix mois, on lui aura parlé de la création du monde, de la providence de

Dieu, de fes miracles, de fes bienfaits, des terribles effets de fa juftice, & de tout le refte que je raconte dans la premiere partie, la feconde fera bien préparée, & les dogmes feront beaucoup moins difficiles. Il doit refter naturellement de tous ces faits, l'idée d'un Dieu tout-puissant, bon, jufte & fage. Il ne fera pas néceffaire de demander combien il y a de Dieux ; il ne viendra pas dans l'efprit qu'il puifle y en avoir plufieurs, vu principalement que ni les Hérétiques qui nous environnent, ni les Infideles, & les plus proches de nous, qui font les Juifs & les Mahométans, ne prêchent que l'unité de Dieu.

Dans la même fuite d'Hiftoire, on aura fouvent parlé du Meffie, Fils de Dieu, long-temps promis & attendu. On aura raconté fa venue, fa vie, fes miracles, fa paffion. On aura parlé plufieurs fois du Saint-Efprit, à l'occafion des Prophêtes & des Apôtres. Après tous ces faits bien expliqués, il ne fera pas difficile de faire entendre que Dieu eft Pere, Fils & SaintEfprit Jelus-Chrift eft vrai Dieu & vrai homme, & que toutefois ce ne font pas deux, mais un feul Jefus-Chrift. Il ne fera pas néceffaire de parler, fi l'on ne veur de fubfiftance ni d'union hypoftatique, Tout de même dans le Sacrement, je crois, qu'ablolument parlant, on pourroit se

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