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Médecine, des Mathématiques, & des autres connoiffances utiles au commerce de la vie? Il n'y a point de Financier, de Marchand, de riche Bourgeois, qui n'étudie foignenfement fes comptes & fes papiers, qui n'ait de la pénétration dans fes affaires, & n'y raisonne jufte. Il n'y a point de Payfan fi groffier, qui, fans favoir lire ni écrire, ne fuppute exactement ce qui lui doit venir d'un tel travail, ce qu'il doit gagner fur une telle marchandise. Chacun a de la curiofité, de l'ouverture d'efprit, de la mémoire pour l'objet de fes paffions, foit les plaifirs, soit l'intérêt ; il n'y a que la morale & la Religion que tout le monde trouve difficile à comprendre & à retenir; on n'aime pas à en parler, on prend tout autre fujet de converfation.

La plupart même ne croient pas avoir befoin de s'en inftruire. Je fais plus de bien que je n'en veux faire, dira l'un: Je me contente de mon Catéchifme, dira l'autre : je veux croire, dira celui-ci, fans approfondir; les vérités de la Réligion doivent être refpectées, il eft dangereux de raisonner en ces matieres. Vous diriez qu'ils craignent de trouver le foible de leur religion, s'ils s'en inftruifoient plus à fonds. Mais tous fes difcours ne font que de vains prétexte, dont fe couvrent l'ignorance & la pareffe. La vraie Religion ne craint point

d'être connue, elle n'enfeigne rien qui ne fe foutienne au plus grand jour. La même Ecriture qui nous ordonne de recevoir avec foumiffion les vérités revelées de Dieu, de captiver notre entendement, d'obéir à la foi, nous commande expreffément de méditer fa Loi jour & auit, de nous appliquer de toutes nos forces à l'étude de la fcience & de la fageffe, & de travailler toute notre vie à connoître la volonté de Dieu le plus diftinctement qu'il eft poffible.' En effet, quoique le Catéchifme contienne ce qui eft le plus néceffair à favoir, il en eft comme de tous les autres Abrégés, que l'on ne fait jamais bien, fi l'on n'étudie rien au-delà. Pour entendre & retenir ce peu que contient ce Catéchisme, il faut en pefer toutes les paroles, & pénétrer, chacun felon fa portée, la profondeur de la doctrine qu'elles renferment. Quant aux vérités de Morale, il eft vrai que la meilleure maniere de les étudier eft la pratique,' & que nous ne favons comme il faut, que celles que nous obfervons; mais il ne s'enfuit pas que nous ne devions les apprendre qu'à mesure que nous les mettons en œuvre. Les occafions d'agir ne fe préfentent pas par ordre; & fi j'attends que j'aie exécuté tous les Commandemens de Dieu pour connoître les Confeils, je ne les connoîtrai peut-être de ma vie, quoiqu'ils foient don

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nés pour faciliter l'obfervation des Commandemens. La négligence à garder les Préceptes que nous favons déja, ne nous donne donc pas droit d'ignorer les autres : nous fommes obligés à les garder tous, par conféquent à les favoir tous.

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Enfin, la vraie Religion n'eft pas comme les fauffes, qui ne confiftent qu'en un culte extérieur, & en de vaines cérémonies : c'est une doctrine, une étude, une fcience. Les Fideles étoient nommés Difciples avanc qu'ils euffent reçu à Antioche le nom de Chrétiens: les Evêques font nommés Docteurs chez tous les Anciens; & J. C. fondant fon Eglife, dit aux Apôtres allez, inftruifez toutes les Nations. Il eft donc impoffible d'être Chrétien, & d'être entiérement ignorant & celui-là eft le meilleur Chrétien, qui connoît le mieux & pratique le mieux la Loi de Dieu : or, quoique l'on peut la connoître fans la pratiquer, il eft impoffible d'en pratiquer que ce que l'on en

connoît.

Mais il faut avouer que les particuliers ne font pas feuls coupables de l'ignorance qui regne depuis long-temps dans l'Eglife: il y a bien de notre faute, je dis de nous autres Prêtres, & de tous ceux qui font établis pour inftruire. Quoique l'on prêche très-fouvent, & qu'il y ait une infinité de Livres qui traitent de toutes les parties de

la religion; on peut dire qu'il n'y a pas affez d'inftruction pour les Chrétiens, même pour les mieux intentionnés. Les livres font de plufieurs fortes: des Traités de Théologie, pleins de queftions curieufes, dont le commun des Fideles n'a pas befoin, écrits en latin, & d'un ftyle qui n'eft intelligible qu'à ceux qui ont fréquenté les écoles des Commentaires fur l'écriture, la plupart fort longs, & prefque tous en latin : des vies de Saints, qui ne vont qu'à montrer des exemples particuliers de vertu: des livres fpirituels, qui donnent de bonnes pratiques pour fortir du péché & pour avancer dans la vertu & dans la perfection, mais qui fuppofent des Chrétiens fuffifamment inftruits de l'effentiel de la Réligion; & qui par la longueur du style,' & la groffeur des volumes, ne font pas l'ufage des gens occupés ou peu attentifs. Il en est de même des Sermons: on n'y traite que des fujets particuliers, détachés le plus fouvent les uns des autres, felon la Fête, l'Evangile, ou le deffein du Prédi cateur. On y explique rarement les premiers principes, & les faits qui font les fondemens de tous les dogmes. On y parle en paffant des Hiftoires contenues dans l'Ecriture Sainte, comme des choses connues de tout le monde,

De-lá vient que les lectures publiques de

l'écriture, qui font partie de l'Office de l'Eglife, fervent fi peu pour l'inftruction des Fideles, pour laquelle on les a inftituées. Tout le monde n'entend pas le latin: peu de gens fe fervent des traductions, & elles ne fuffifent pas, fi l'on ne connoît les livres faints d'où les leçons font tirées, & fi l'on ne les y lit dans leur fuite. On devroit fuppléer à ce défaut par les fermons ; mais ce n'eft pas expliquer un Evangile, que d'en prendre un mot pour texte, & y faire venir propos tout ce que l'on veut. Ainfi on trouve par-tout de bonnes gens, qui, fréquentant les Eglifes depuis quarante ou cinquante ans, & étant fort affidus aux Offices & aux Sermons, ignorent encore les premiers élémens du Christianisme.

Il n'y a que les Catéchifmes qui defcendent jufques à ces premieres inftructions fi néceffaires à tout le monde: mais il femble qu'ils ne font pas affez eftimés. La plupart croient favoir le Catéchifme, parce qu'ils l'ont appris en leur enfance, & ne s'apperçoivent pas qu'ils l'ont oublié, ou qu'ils ne l'ont jamais bien entendu. D'autres ont honte d'avouer leur ignorance & leur mauvaife éducation, & ne peuvent s'abaisfer jufques à ces inftructions, qui les remet troient, ce leur femble, aux petites écoles. Les Eccléfiaftiques, je dis ceux qui cherchent leur intérêt plutôt que celui de Jefus

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