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Or, c'est précisément en ce sens que s'explique la fable égyptienne. Dans le même traité Plutarque expose, en effet, que la tradition raconte qu'un descendant d'Isis, nommé Orus, qui, dit-il, est le même que l'Apollon des Grecs (c'est Apollon qui, dans la mythologie, tue de ses flèches le serpent Python), terrassa Typhon, et cet Orus, observe Plutarque, n'est pas celui de la première génération « qu'ils appellent l'ancien Orus, mais cestuy » Orus est l'Orus déterminé, définy et parfait, qui » ne tua pas du tout entièrement Typhon, mais lui » ôta la force et la puissance de pouvoir plus rien » faire.... Typhon fut bien surmonté, mais non pas » tué, pour ce que la déesse, qui est dame de la » terre, ne voulut pas permettre que sa puissance fût du tout anéantie, mais seulement la lâcha et » la diminua, voulant que ce combat demeurât1. »

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Admirable accord qui nous décèle de plus en plus la source de cette tradition dans la grande vérité de la Genèse! La première femme, Isis, terrassant dans la personne d'un de ses descendants le serpent Typhon, auteur des maux de la terre, — ce descendant, non immédiat, mais éloigné, surmontant ce génie du mal sans l'anéantir, pour que le combat demeurât et que la défaite de Typhon fût

'De Isis et Osiris, nomb. xxxiv, xxxv.

La fable met ici au passé ce qui, dans la vérité, ne devait se réaliser que dans l'avenir; mais cette transposition de temps s'explique aisément par le désordre et la rupture de la tradition véritable chez les peuples païens.

prolongée par sa résistance, n'est-ce pas là, en effet, cette inimitié posée entre la femme ou sa semence et le serpent tentateur? n'est-ce pas cette semence bénite écrasant la tête du serpent, en laissant à celui-ci la force suffisante pour chercher à le mordre au talon, paroles d'un laconisme profond et qui prophétisaient si bien en deux mots et le triomphe de la vérité par le Christ et cette lutte incessante de l'incrédulité et de l'hérésie qui devait en faire ressortir la divinité à travers tous les siècles, sans que ces portes de l'enfer pussent jamais prévaloir contre ses fondements?

Ainsi la fable égyptienne d'Isis, comme la fable grecque de Prométhée, déposent manifestement en faveur de la grande vérité qui rattache le christianisme au berceau du genre humain.

Mais quel rapport inattendu entre ces deux fables vient donner à cette conclusion l'évidence d'une solution mathématique !

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Dans le Dictionnaire de la conversation, au mot Prométhée, on lit : — « Le vautour qui ronge le foie de » Prométhée était issu de Typhon ( le mal ) et d'’É– »> chidna, »> — ce qui se confirme par ce que dit de celle-ci le Dictionnaire de la fable, de Chompré :· « Échidna, monstre moitié femme et moitié serpent. » Dans ce dernier Dictionnaire, au mot Io, nous lisons aussi : « Io ou Isis, fille d'Inachus, les Egyptiens lui dressèrent des autels et lui faisaient >> des sacrifices sous le nom d'Isis. - Assez souvent » on la trouve dans les anciens monuments avec un » enfant qu'elle tient sur ses genoux ou à qui elle

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présente la mamelle. Dans d'autres figures elle » est toute couverte de mamelles. »

Décidément nous ne nous sommes pas égarés dans nos conjectures sur le lien qui unit ces fables à la vérité; car voici qu'elles rentrent l'une dans l'autre pour se donner réciproquement ce qui leur manquait et recomposer par leur réunion cette vérité dont chacune d'elles n'avait que des débris. Io ou Isis aux nombreuses mamelles est manifestement la mère du genre humain, femme et sœur d'Osiris, comme Ève était femme et sœur d'Adam;

par ses rapports funestes avec le génie du mal (le serpent Typhon), elle devient (sous le nom d'Échidna) la mère de nos maux et de nos douleurs figurés par le vautour dévorant de Prométhée; mais, comme elle a été la cause de notre chute, elle doit devenir la source de notre réhabilitation, d'elle doit sortir, à travers plusieurs générations, notre libérateur, et d'elle seule, de sa semence virginale, car elle deviendra mère par l'effet d'une miraculeuse et divine conception (Jupiter posera sur son front sa main caressante et ce léger toucher suffira); cet enfant, fils de Dieu (Épaphus ou Orus), sera le libérateur de l'humanité (Prométhée). Il désarmera la justice de son père envers l'homme, qui pourra l'appeler dans sa reconnaissance : ce cher fils d'un père ennemi; il terrassera le génie du mal (Typhon); il mettra un terme à notre supplice en s'offrant pour succéder à nos souffrances; enfin, cette victoire et cette délivrance seront ménagées de telle sorte que

l'ennemi du genre humain sera surmonté mais non détruit. Il cherchiera toujours à se retourner contre le talon de son vainqueur, afin que l'inimitié et le combat demeurent pour rendre le triomphe plus éclatant et le secours divin plus nécessaire.

Voilà comment, sans rien changer, sans rien forcer, nous retrouvons mot à mot, dans le chaos de la fable, et nous reconstruisons pièce à pièce, le corps entier de notre sainte vérité.

4. Mais quoi! ce n'est pas tout, et voici encore les traditions gauloises qui viennent, s'il en est besoin, apposer le sceau de la certitude sur notre démonstration.

Un savant du dix-septième siècle, qui s'est particulièrement attaché à l'étude des antiquités et des traditions druidiques, nous apprend que les Gaulois adoraient dans le secret de leurs sanctuaires la déesse Isis, ou LA VIERGE DE LAQUElle un fils ÉTAIT ATTENDU. Hinc druida statuam in intimis penetralibus erexerunt ISIDI seu VIRGINI hanc dedicantes, EX Qua filius illIC PRODITURUS ERAT 1.

Ce fait a été confirmé par la découverte qui a été faite en 1833, à Châlons-sur-Marne, sur l'emplacement d'un temple païen, de l'inscription suivante :

VIRGINI PARITURÆ
DRUIDES *.

1 Elias Schedius, De Diis germanis, cap. xIII, p. 346. 2 Annales de philosophie, v11, p. 328. Nous avons déjà vu combien les druides avaient également conservé, tout en la faussant dans l'application, la vérité sur les sacrifices.

Enfin, la signification de ce culte druidique, qui se lie par une ramification traditionnelle à la fable égyptienne sur Isis et à la fable grecque sur Io, est tellement directe et applicable à notre sujet, qu'un écrivain moderne, impie, en a pu tirer parti pour flétrir le culte de Marie et de son divin fils, ne se doutant pas qu'il nous fournissait par cette allusion sacrilege un renseignement de plus en faveur de la vérité que nous étudions. Dans les beautés et merveilles de la nature en Suisse, l'auteur, se moquant de l'humble dévotion des habitants de la campagne, en vient à dire : « Pénétrons dans le sanctuaire : >> c'est un temple isolé, établi dans l'église; la vierge noire, l'Isis de nos aïeux, vêtue des plus >> riches habits d'argent, de rubans, de dorures, >> porte son fils HORUS OU JÉSUS-CHRIST dans un nuage » de lumière 1. »

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Nous n'aimons pas les rapprochements forcés et les inductions systématiques, et ce n'est qu'avec retenue que nous sommes entrés dans l'étude des traditions sur l'attente d'un libérateur; mais lorsque nous avons vu la vérité venir pour ainsi dire se livrer elle-même à nous et se dégager naturellement des voiles de la fable sans nous laisser d'autre soin que celui de la recueillir et de la proclamer, nous avons été saisis par son évidence et nous avons osé l'affirmer. Les rapports manifestes des traditions grecques, égyptiennes, et gauloises, avec la

Nous avons pris cette citation dans un compte rendu de l'ouvrage qui venait de paraître, par le journal L'Univers.

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