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Que se passa-t-il donc alors et quelle fut la cause et l'issue de ce grand changement? le genre humain abjura-t-il ses espérances comme chimériques, renia-t-il ses traditions comme mensongères, ou bien l'objet lui-même de ces traditions et de ces espérances venant à paraître furent-elles absorbées dans leur accomplissement? — question décisive s'il en fut jamais et où se trouve ramassé tout le sort de la vérité que nous resserrons de plus en plus dans le cercle de nos recherches. Tout ce que nous avons dit, en effet, dans ce second livre pour établir le rapport d'une seconde révélation avec la révélation primitive, en nous fondant sur l'autorité de Moïse, sur la nature humaine, et sur les traditions universelles, a été nécessairement subordonné à l'événement correspondant de cette nouvelle révélation avec les caractères voulus par ce rapport; et quelque plausibles qu'aient été nos preuves et nos raisonnements à ce sujet, quelque fortement appuyés, quelque solidement démontrés qu'ils aient paru, si le fait que nous avons prétendu y être contenu en expectative vient à faire défaut dans l'exécution, l'édifice aura péché par le faîte et tous ces larges fondements n'auront servi qu'à porter des ruines, monument de scepticisme et d'incrédulité. Mais si, au contraire, une exécution fran

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de ce fait qu'il signale comme un des plus importants et des plus curieux de son siècle. La véritable cause cependant sembla lui être révélée par un événement qu'il raconte et dont la notoriété égala la singularité. Nous y reviendrons.

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che, large, positive, précise, et incontestable, vient remplir à point nommé tous les caractères de l'attente universelle et répondre trait pour trait aux oracles et aux traditions qui l'avaient annoncée, — si le fait accompli vient prouver mieux que tous les raisonnements que son expectative n'était pas une chimère, alors nous aurons posé le couronnement et le comble de l'édifice, alors la promesse et l'accomplissement, la première révélation et la seconde, se justifieront l'une par l'autre, et la vérité du christianisme aura définitivement notre conviction; ou bien, s'il est encore quelque esprit assez malade pour lui disputer la sienne, ce ne seront pas des raisonnements, ce ne seront pas même des faits, mais des prières qu'il lui faudra.

Dans cette grande alternative, avec quelle avidité celui qui nous aurait suivi jusqu'ici, ignorant tout ce qui a succédé, ouvrirait-il les annales du monde pour y chercher ce qui est advenu de l'objet des espérances de toutes les générations qui avaient précédé! et quels seraient les transports de sa conviction, vierge encore de tout préjugé, à la vue de cette grande révolution de l'Évangile, partie de la croix de Jésus-Christ, enveloppant le monde comme dans un tourbillon, l'arrachant à l'empire invétéré du mal, le transformant à des idées et à des mœurs toutes nouvelles sous l'inspiration de l'esprit de vérité et de charité, et lui assurant la conservation de ce bienfait par un prodige aussi grand que celui de sa fondation, celui d'un gouvernement spirituel, dépositaire et dispensateur incor

ruptible de la vérité et de la vertu dans le monde, et dont l'empire ne connaît aucune limite ni dans l'espace ni dans le temps!

Tel est le spectacle (le plus sublime qu'il soit donné à l'esprit humain de contempler) qui va s'offrir à nos regards. Le point de vue auquel nous a conduit le cours de nos études est le plus propice pour en saisir tout l'ensemble et les rapports. Nous sommes pour ainsi dire sur un isthme étroit du temps, nous entendons derrière nous le bruit des siècles passés qui semblent se dérouler en vagues mugissantes et qui ont attendu avec une agitation pleine de pressentiments l'arrivée du Sauveur; devant nous s'ouvre un autre océan, l'époque bienheureuse de la nouvelle alliance dont nous irons explorer les merveilles dans la deuxième partie des travaux que nous nous sommes proposés. En ce moment, pouvant porter alternativement nos regards sur l'un et l'autre de ces deux états de l'hu-· manité, nous allons saisir pour ainsi dire à leur passage les principales circonstances du phénomène de cette grande transformation.

I. Sans vouloir pénétrer les secrets de la Providence, et à ne jger de sa conduite que d'après les aperçus par lesquels il lui a plu de se mettre à la portée de notre raison, on peut dire que si la réhabilitation du genre humain avait immédiatement suivi la chute de son chef, nous n'en aurions pas senti tout le prix, conçu toute la nécessité, distin

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gué toute la merveille. Elle aurait été confondue avec la création même, et nous aurions cru la tenir par droit de nature et non par le bienfait gratuit de la grâce de Dieu. Il fallait que la terre connût son mal pour sentir le remède, il fallait que le genre humain fit l'expérience de sa misère et de son impuissance pour s'attacher plus ardemment au secours qui lui était envoyé, et qu'il eût achevé de tomber pour que la puissance et la miséricorde de Dieu lui apparussent plus efficacement dans la grande œuvre de sa réhabilitation. Or, c'est là

le point où était arrivé le monde aux premiers jours de l'empire romain. - Nous avons déjà exposé à la fin du premier livre comment l'humanité en était venue à cet état : dans sa chute primitive elle avait conservé quelques débris de vérité et comme des lambeaux du patrimoine qu'elle venait de perdre. Elle avait fait tous ses efforts pour s'y retenir et s'y suspendre par la tradition, comme un malheureux dont le pied glisse sur la pente d'un abîme s'attache convulsivement aux branches qui pendent sur ses bords et espère quelque temps y trouver son salut. Mais, comme nous l'avons vu, ces vérités traditionnelles s'étaient rompues de plus en plus dans ses mains, et les efforts des premiers philosophes, des Aristote, des Socrate, des Platon, des Confucius, des Cicéron, pour les ressaisir, avaient cédé sous le poids toujours croissant de la misère et de l'aveuglement de l'espèce humaine, qui, précipitée de plus en plus, par la loi même de sa première chute, dans des erreurs et des vices

sans fond, était tombée successivement de la tradition dans le rationalisme, du rationalisme dans l'idolâtrie et le polythéisme, et du polythéisme dans l'athéisme et le matérialisme le plus monstrueux. C'était là le fond de l'abîme, c'était là que Dieu, après avoir, pour me servir de la belle expression de Plutarque, CHÔMÉ UN TEMPS non trop long pour UN DIEU, attendait l'homme avec sa miséricorde toute prête pour le relever. Le monde était mûr à point nommé pour subir utilement l'opération de son salut, et l'époque de ce salut se rattachait ainsi à la chute originelle par une succession de chutes qui en étaient comme le lamentable prolongement. -Tel était l'état moral et intrinsèque du genre humain sous le règne des premiers Césars.

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Quant à son état matériel et externe, il n'était pas moins phénoménal.

Mais, avant d'en faire la description, donnons place à cette belle et profonde réflexion de saint Augustin :

Il n'y a point d'apparence, disait ce beau génie, que le Dieu souverain et véritable et toutpuissant, l'auteur et le créateur de toutes les » âmes et de tous les corps, qui est la source de » la félicité de tous ceux qui possèdent une vérita» ble et solide félicité; qui a fait l'homme un ani>> mal raisonnable, composé d'une âme et d'un » corps; qui, après son péché, ne l'a pas laissé >> sans châtiment ni sans miséricorde ; — qui a donné >> aux bons et aux méchants l'être avec les pierres, » la vie végétative avec les plantes, la vie sensitive

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