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moins vivement sa présence par les clartés étincelantes de leurs contours'.

Les diverses parties de notre travail étant disposées de manière à s'éclairer les unes les autres et à se compléter réciproquement, nous prions le lecteur, tout en recueillant les impressions de chacune d'elles, de suspendre et de réserver son jugement définitif jusqu'à ce qu'il en puisse saisir l'ensemble. L'étude à laquelle nous venons de nous livrer, par exemple, trouvera un complémeut essentiel dans celle relative aux circonstances de la venue et du règne de Jésus-Christ.

CHAPITRE IV.

TRADITIONS UNIVERSELLES.

L'antiquité philosophique n'en était venue à l'ignorance de l'origine du mal que par l'abus des investigations de l'esprit humain sur une matière où il ne peut que s'abîmer quand il veut marcher tout seul. Si on s'était tenu dans les voies de la tradition, on aurait conservé cette vérité comme bien d'autres, car elle a toujours été attestée par les témoignages universels du genre humain.

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La chute du premier homme, la transmission de sa déchéance à toute sa race, la promesse et l'attente d'un rédempteur,— composent le fond des traditions de tous les peuples. Et ce n'est pas seulement le caractère générique de cette histoire qui jouit de cette universalité, mais aussi les traits particuliers dont la singularité mystérieuse nous surprend le plus dans le récit mosaïque et le dogme chrétien le serpent, la femme séduite, un descendant de celle-ci attendu comme rédempteur de l'humanité, et cette rédemption devant s'opérer par l'immolation expiatoire et sanglante d'une victime innocente, substituée à l'homme-pécheur.

Plus ces traits sont singuliers, comme nous aurons lieu de le faire remarquer, plus l'universalité de croyance dont ils ont été l'objet est concluante, et sous ce rapport les raisons naturelles de douter se tournent en raisons de croire.

En exhumant ces antiques débris des croyances primitives de tout le genre humain, il faudra tenir compte des altérations que l'imagination des peuples leur aura fait subir et de l'insuffisance des moyens de conservation qui les aura fait venir jusqu'à nous. Mais de même que dans l'étude des fossiles le géologue et le naturaliste recomposent, à l'aide de quelques parties caractéristiques d'un animal, le système tout entier de sa conformation, de même en rapprochant quelques traits épars et saillants des diverses traditions, nous les verrons se reconstituer et rentrer toutes dans l'histoire de notre sainte Religion comme dans le sein d'où elles sont sorties, et les différences qui resteront entre elles ne serviront qu'à prouver davantage la force de la vérité des traits qui leur sont restés communs.

Ce sujet, si on voulait l'épuiser, demanderait un développement trop exclusif pour un ouvrage comme celui-ci, où nous nous sommes proposé de convaincre par le nombre et la variété des aperçus, non moins que par leur poids et leurs forces. Il faudra donc nous restreindre et nous arrêter au point où la somme des résultats divers que nous produirons sera de nature à satisfaire tout esprit qui ne vise qu'à la vérité et qui sait la reconnaître et s'y attacher dès qu'il l'a trouvée.

Pour éviter toute confusion et rendre cette étude plus facile, nous allons en envisager le sujet sous trois faces successives: la première aura pour objet les traditions relatives à la déchéance, et la dernière les traditions relatives à la réhabilitation; entre elles deux et comme leur servant de lien nous présenterons une étude sur les sacrifices.

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<«< La croyance que l'homme est déchu et dégé» néré se trouve chez tous les anciens peuples. » Aurea prima sata est ætas est la devise de toutes >> les nations 1. »

Cet aveu de Voltaire vaut à lui seul tout un chapitre de preuves. Aussi ne nous étendrons-nous pas beaucoup pour établir cette première vérité.

I. Les traditions juives se présentent d'abord. Je parle de celles qui ne sont pas consignées dans les livres saints, et qui se recommandent comme en étant l'explication et le commentaire pour ainsi dire national.

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Nous lisons dans le Talmud: « A l'heure où » le serpent s'insinua dans l'intimité d'Ève, il jeta » en elle une souillure qui infecta ses enfants. >>

Les plus anciens rabbins enseignaient, à l'égard de la nature du serpent tentateur, qu'ils entendaient

Voltaire, Essai sur les mœurs, chap. iv.

par l'ancien serpent le démon tentateur, appelé aussi dans les livres Satan, serpent tortueux, Sammaël, et Sammaël était un des séraphins qui se révolta contre son maître.

Dans un ancien commentaire, le Médrasch-Hanégnélam, sur ce mot de la Genèse et le serpent était rusé, le rabbin Yocé enseigne : « Ceci est >> le démon tentateur, ce serpent qui séduisit l'hom>> me; et pourquoi est-il qualifié de serpent? parce » que, de même que le serpent a une marche tor» tueuse, et ne suit pas une voie droite, 'ainsi le >> tentateur surprend l'homme par une voie mau» vaise et non par une voie droite. »>

Sur la transmission du péché originel à toute la race humaine, nous trouvons, dans le Recueil de traditions de rabbi Menalhhem, ce passage admirable qui, dans sa brièveté philosophique, résume tout ce qu'on peut dire sur ce grand mystère : — « Et au sujet de la transgression d'Adam et d'Ève, » il ne faut pas s'étonner pourquoi elle a été enregistrée avec le sceau du Roi (de Dieu), à la

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charge de leur postérité après eux; car le jour » où le premier homme fut créé tout se trouva » créé. Adam était donc le terme du système du >> monde et le sommaire du genre humain qu'il ren» fermait en germe. De cette manière, quand il pé>> cha, tout le genre humain pécha avec lui, et c'est >> ainsi que nous portons la peine de son iniquité; >> mais il n'en est pas de même des péchés de ses >> enfants après lui; ils ne sont que personnels. >>

Cette doctrine de l'ancienne synagogue est exac

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