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ÉTUDES PHILOSOPHIQUES

SUR LE

CHRISTIANISME.

SECONDE PARTIE.

PREUVES INTRINSÈQUES.

CHAPITRE [er.

PRÉAMBULE TRANSITION.

S Ier.

Un membre de la Convention, attaché au parti Girondin, mais qui dépassait tous les partis par sa fureur contre la Religion et ses ministres1, Isnard, tombé à son tour de la fatale tribune et

· Dès son arrivée à l'assemblée législative il se prononça contre les émigrants et contre les prêtres avec une véritable

poursuivi par la proscription, vivait dans une retraite souterraine, voisine du lieu même où bouillonnait la source de la révolution 1. En cet état, entendant la mort rugir autour de lui, habitant les cavités de la terre, comme il le dit lui-même, manquant de tout, pouvant être égorgé sans risque pour le meurtrier, ignorant le sort de sa famille, dans l'attente journalière de se voir conduit au supplice sans être jugé ni entendu, comme l'animal qu'on traîne à la boucherie ou la victime à l'autel; en cet état, dis-je, une révolution morale s'opéra en lui, dont les préoccupations intérieures couvrirent tous les bruits et toutes les terreurs de celle qui ébranlait le monde sur sa tête.—Existence de Dieu, IMMORTALITÉ DE L'AME, NÉCESSITÉ DE LA VERTU, NÉCESSITÉ D'UNE RELIGION POUR PRATIQUER LA VERTU MÊME, DIVINITÉ DU CHRISTIANISME ET FOI ENTIÈRE A SES MYSTÈRES,tels furent les grands

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fureur; et dans son éloquence, qu'on pourrait appeler celle du délire, il essaya de soulever la nation tout entière contre ces deux classes de Français. Dans la séance du 14 novembre 1791, après une diatribe furibonde contre les prêtres, qui lui valut les applaudissements de tous les forcenés qui peuplaient les galeries publiques, l'orateur les provoqua de nouveau en disant avec un accent de fureur encore plus prononcé : La loi, voilà mon Dieu; JE N'EN CONNAIS PAS D'AUTRE!.... Ce blasphème excita cependant quelques murmures dans l'assemblée, et, contre l'usage, l'impression n'en fut pas décrétée; l'orateur fut même obligé d'écrire le lendemain à tous les journaux pour se laver de l'accusation d'athéisme.

(Biograph. univ. Supplém.)

1 Dans le faubourg Saint-Antoine.

problèmes qui surgirent du fond de son intelligence solitaire, et à la solution desquels il s'attacha avec une application qu'il compare lui-même à celle d'Archimède au milieu du sac de Syracuse. En remuant au fond de lui la cendre de son passé, quelques étincelles de foi, restes précieux d'une éducation maternelle, lui étaient apparues que ne peut la fidélité à la voix du ciel! C'est avec ces faibles ressources que cette âme, dont l'activité s'était repliée sur elle-même comme un volcan qui a cessé de vomir sa lave, entreprit la prodigieuse tâche de refaire toute seule l'édifice entier de la vérité religieuse et de revenir à la foi de sa première enfance par l'immense labeur de la philosophie. - Il réussit et les trente-trois ans de vie que le Ciel lui a départis depuis ce jour n'ont été qu'un long soupir de piété et de repentance'. Mais, et c'est ceci

qui doit surtout intéresser notre attention, il comprit dès l'abord, grâce à un sens philosophique des plus exquis et à une grande droiture de cœur qui, malgré ses égarements, avait toujours fait le fonds de sa nature, que le succès n'était pas possible et

Ce fut alors (1797) qu'on le vit rentrer dans le sein de cette Religion qu'il avait si violemment outragée; depuis, sa conduite n'a pas cessé d'édifier ses concitoyens. Il est mort vers 1830 dans des sentiments d'une piété et d'un repentir tout à fait exemplaires. (Biogr. univ.)

2 Vigoureusement constitué et d'un tempérament sanguin, Isnard était fougueux, violent, mais en paroles plutôt qu'en actions. Entraîné par une imagination exaltée, il n'avait pas de ténacité et revenait facilement de ses opinions comme de ses

que l'entreprise était insensée sans une condition à laquelle il commença par se plier franchement, et qu'il ne cessa de remplir comme un des éléments les plus essentiels de ses recherches, et cette condition.... C'EST LA PRIÈRE.

Il faut le laisser parler lui-même, car rien ne peut remplacer ce langage de l'expérience exprimée avec le même cœur qui l'a ressentie.

« Le décret qui me mit hors la loi sembla me >> mettre également hors des peines de la vie, et >> m'introduire dans une existence nouvelle et plus » réelle. Si je n'eusse jamais été proscrit, emporté >> comme tant d'autres par une sorte de tourbillon, >> j'aurais continué d'exister sans me connaître, je >> serais mort sans savoir que j'avais vécu. Mon >> malheur m'a fait faire une pause dans le voyage » de la vie, durant laquelle je me suis regardé, >> reconnu; j'ai vu d'où je venais, où j'allais, le » chemin que j'avais fait et celui qui me restait à » parcourir, les faux sentiers que j'avais suivis et >> ceux qu'il me convenait de prendre pour arriver » au vrai but.

>> Il m'est impossible de peindre quelles jouis>> sances m'ont procurées ce silence, ce recueille>>ment absolu, cette possession continuelle de ma

emportements. Il avait d'ailleurs de l'honneur, de la probité; et pendant les diverses résidences qu'il fit à Paris avant et après la fin de sa carrière législative, il était reçu chez plusieurs banquiers et négociants qui n'avaient jamais partagé ses opinions révolutionnaires. (Biogr. univ. j

>> pensée, cette étude suivie de mon être, ces fruits » de sagesse et d'instruction que je sentais éclore >> en moi, cet abandon de la terre, ce lointain d'où >> j'apercevais et jugeais les criminelles folies des >> hommes, cette adoration sincère et croissante de » la vertu, cette élévation intellectuelle vers les objets grands et sublimes, et surtout vers l'auteur » de la nature, ce culte libre et pur que je lui >> adressais sans cesse.

>>

» Mes opinions sur l'immortalité de l'âme et sur >> les autres points de la métaphysique religieuse » ne tiennent nullement, comme on pourrait le >> croire, à la vivacité de mon imagination, à la sen» sibilité de mon âme. Elles sont le fruit de la plus >>> profonde réflexion, et je puis dire que peu d'hom>> mes se sont trouvés à même de réfléchir comme >> moi. Je dois cet avantage aux malheurs de la » révolution. Proscrit, condamné pour un acte de » dévouement envers ma patrie', la Providence, >> sans me faire quitter Paris, me retint emprisonné » dans une retraite isolée où, n'apercevant, en ar>> rière, que mon échafaud dressé, devant moi, que » le soleil, la nuit, et la nature; n'ayant plus d'au» tre intérêt ici-bas que de réfléchir sur Dieu, sur

Isnard avait été mis hors la loi par un décret spécial. Il s'était attiré cette distinction en répondant, comme président, à la commune menaçante qui demandait la liberté de Marat, que « si Paris attentait à la Convention nationale, on cherche» rait bientôt sur les rives de la Seine la place où cette ville >> aurait existé. >>

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