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» de tout votre cœur, de toute votre âme, et de toute » votre pensée; - celui-là est le premier et le grand >> commandement. Le second, qui lui est semblable, est celui-ci : — Vous aimerez votre prochain » comme vous-même.

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En ces deux commandements consiste toute la » loi. »

Après avoir ainsi tracé le corps de sa doctrine, le Christ, fort de sa divinité, en appelle à la plus décisive de toutes les épreuves: L'EXPÉRIENCE, et il jette (si j'ose ainsi dire) le gant à l'incrédulité :

L'homme qui voudra faire la volonté de mon >> Père connaîtra si ma doctrine vient de lui ou si je parle de mon chef. »

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Et pour nous faciliter cette expérience, le premier, il nous donne un grand exemple de l'amour de Dieu et des hommes en s'immolant pour eux à sa justice, afin que, réconciliés par sa médiation secourable et réunis en lui et par lui à son Père comme une famille de frères exilés, nous puissions tous ensemble redire après lui cette prière descendue du ciel pour y remonter :

« NOTRE PÈRE qui êtes aux cieux, >> Que votre nom soit sanctifié;

>> Que votre royaume nous advienne;

>>>> Que votre volonté soit faite sur la terre comme » elle l'est dans le ciel.

>> Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien, >> Et remettez-nous nos offenses comme nous les >> remettons à ceux qui nous ont offensés,

>> Et ne nous induisez pas en tentation, >> Mais délivrez-nous du mal. »

Quelle morale! quelle doctrine! quelle lumière d'en haut! quelle sainteté et quel ennoblissement pour l'espèce humaine!........ Mais quelle révolution dans toutes les idées reçues! quel renversement de toutes les conceptions de l'esprit humain! quelle subversion de la nature terrestre!.... Quoi! tous égaux, tous frères! Quoi! l'esclave avant le maître! l'enfant avant le philosophe! le publicain avant le pharisien! - Quoi! bienheureux les pauvres! bienheureux ceux qui pleurent! bienheureux ceux qui sont persécutés! - Quoi! pardonner les offenses et les pardonner toujours! chérir ses ennemis et les chérir autant que soi-même! - Quoi! s'humilier, se renoncer, porter une croix, mourir à tout pour avoir la vie, se perdre pour se sauver, tout quitter pour tout avoir! .. Quand la Sagesse éternelle fit éclore l'univers du sein du chaos, que tous les éléments confondus se divisèrent et coururent se ranger à la place qui leur était prescrite : la lumière dans le firmament, les eaux dans le gouffre des mers, les airs dans l'espace, et que la terre desséchée sortit, se balançant sur son double pôle, toute radieuse de jeunesse et de virginité, cette Sagesse éternelle ne se manifesta pas plus vivement que lorsque, descendant elle-même parmi nous, elle fit ainsi jaillir le monde moral du chaos de l'esprit humain, et renversant, dispersant toutes nos fausses conceptions, mettant au ciel ce que nous avions mis en terre, et

précipitant dans l'abîme ce que nous avions déifié, appelant bonheur les maux et malheur les biens, elle éclata ainsi jusqu'à paraître à la terre une folie.

Aujourd'hui que l'Évangile, à force de porter des fruits de vie, a gagné le cœur des nations et y a étendu ses racines, nous en comprenons toute la sublimité vraiment divine et nous y voyons une perfection absolue qui confond tous nos vains palliatifs de morale et nos fantômes de législation. Sa loi est celle de l'amour. Elle ne s'arrête pas au dehors sans pouvoir réformer l'intérieur. Elle ne retient pas seulement la main sans pouvoir changer le cœur. Elle est pure en tout, parce qu'elle purifie tout, et ce qui est secret encore plus que ce qui est visible. Elle n'est point obligée de tolérer quelque chose à cause de la dureté du cœur de ceux à qui elle est donnée; car son premier effet est d'amollir le cœur et de le rendre docile. Elle rappelle le mariage à sa première institution et à sa première unité. Elle ne règle pas la vengeance; elle l'interdit. Elle ne défend pas l'abus du serment; elle le rend inutile en rendant tous les hommes sincères. Elle ne condamne pas l'adultère; elle en étouffe le désir. Elle ôte la différence entre l'ami et l'ennemi en faisant aimer l'un et l'autre, entre l'esclave et le maître en leur donnant un commun seigneur. Elle ne réprime pas les désirs de la concupiscence; elle en tarit la source. Elle ne parle pas de récompenses temporelles; elle prépare à tout quitter pour le ciel. En un mot, elle convertit les hommes et renouvelle la face de la terre.

CHAPITRE III.

DIVINITÉ DE LA MORALE ÉVANGÉLIQUE.

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S Ier..

L'Évangile seul est, quant à la morale, toujours sûr, toujours vrai, toujours unique, et toujours semblable à lui-même....... L'intelligence nous dit qu'il convient aux hommes de suivre ses pré>> ceptes, MAIS QU'IL ÉTAIT AU-Dessus d'eux de lES » TROUVER1. >>>

Ces paroles du philosophe de Genève sont d'une vérité exacte.

I. Pour peu, en effet, qu'on soit sensible à la beauté morale, il est impossible de ne pas être frappé de ce qu'il y a d'absolu dans la perfection de la morale de l'Évangile. C'est là son cachet, et ce cachet est celui des œuvres de Dieu.

Les hommes ne peuvent rien faire que de relatif, de contingent, et de fini. Ainsi ils se sont essayés assez souvent à créer des systèmes de morale et de

' J.-J. Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, p. 30, 86, 87. Paris, 1793.

législation sous ce rapport ils ont fait preuve de fécondité; mais examinez les uns après les autres tous ces milliers de systèmes, choisissez les meilleurs, et trouvez-en un seul qui, pour obtenir un bien quelconque et souvent chimérique, n'ait pas été obligé de consacrer des maux réels et quelquefois de les faire naître où ils n'étaient pas. Trouvezen un seul dont l'utilité ne soit pas circonscrite dans des circonstances de temps, de lieu, de personnes, et qui, hors de ces circonstances, ne soit lui-même un mal souvent plus grand que celui qu'il avait pour objet de réparer. Les hommes ne peuvent abstraire entièrement le mal de leurs œuvres parce qu'ils en portent la source au dedans d'eux-mêmes; ils ne peuvent que le déplacer : Minima in malis, voilà leur devise.

Si donc nous trouvons un système de morale absolument parfait qui, pourvoyant à tous les besoins moraux de l'espèce humaine, en redresse sur lui tous les vices sans transiger avec un seul, et qui soit également bon pour tous les temps, pour tous les lieux, pour tous les hommes, pour tous les mondes réels ou possibles même, si bien que dans le ciel et jusques au sein de la Divinité son éclat ne pâlisse pas et qu'il soit parfait en un mot comme la perfection même et absolu comme la vérité, alors nous serons sortis de la sphère des conceptions humaines et nous aurons infailliblement rencontré l'œuvre de Dieu.

Or, tel est l'Évangile.

II. Ces premières réflexions nous paraissent de

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