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» enflammé de colère, il prononça ce serment ter>> rible : Que dans l'olympe et le ciel étoilé » Até ne reparaisse jamais, elle qui nous frappe >> tous. En parlant ainsi Jupiter, d'une main vi» goureuse, la précipite des cieux, et bientôt elle >> atteint les terres cultivées par les hommes '. » — Il est curieux de retrouver ainsi dans l'Iliade le germe du poëme de l'Homère chrétien, de Milton, qui cependant ne s'est inspiré qu'aux traditions bibliques, et il est évident que cette concordance ne s'explique que parce qu'Homère lui-même, malgré le désordre apporté dans ces traditions par le polythéisme, en avait trouvé autour de lui quelques débris.

La haute philosophie païenne, celle qui s'appuyait sur la tradition, avait aussi de son côté conservé un pâle rayon de ce grand flambeau qui éclaire l'abîme de notre nature. Ainsi nous lisons dans Pla— « La nature et les facultés de l'homme ont » été changées et corrompues dans son chef, dès sa >> naissance". >>>

ton:

Tous les anciens théologiens et les poëtes disaient aussi, au rapport de Philolaüs le pythagoricien, « que l'âme était ensevelie dans le corps » comme dans un tombeau, en punition de quelque péché 3. >>>

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3

J'ai choisi la traduction de Dugas Montbel.

2 Plat. Timai; voir aussi Phæd. Oper. T. 1, p. 157, edit. Bipont.

3 Clement. Alexand. Strom., lib. III, p. 433.

Cicéron, qui réfléchit comme un pur miroir toutes les vérités conservées dans le monde païen, et qui déjà, comme nous l'avons vu, avait trouvé en creusant la nature humaine une étincelle divine ensevelie sous des décombres, dit ailleurs : « Ces erreurs >> et ces calamités de la vie humaine ont fait dire >> aux anciens devins ou interprètes chargés d'expliquer aux initiés les mystères divins, que nous » n'étions nés dans cet état de misère que POUR

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>> EXPIER QUELQUE GRAND CRIME COMMIS DANS UNE VIE

» SUPÉRIEURE, et il me paraît qu'ils ont vu quelque » chose de la vérité à cet égard, ALIQUID VIDISSE VI>> DEANTUR : c'est pourquoi aussi je donne mon as>> sentiment à cette pensée d'Aristote, que nous >> sommes condamnés à un supplice semblable à celui que subissaient autrefois les malheureux qui tombaient entre les mains des brigands d'É>> trurie. Des corps vivants étaient attachés face à » face à des corps morts; ainsi en est-il de nos >> âmes dans leur union avec nos corps 1. »

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Ex quibus humanæ vitæ erroribus et ærumnis fit, ut interdùm veteres illi sive vates, sive in sacris initiisque tradendis divinæ mentis interpretes, qui nos ob aliqua scelera suscepta in vitâ superiore, pœnarum lundarum causa natos esse dixerunt, aliquid vidisse videantur, verumque sit illud, quod est apud Aristotelem, simili nos affectos esse supplicio, atque eos, qui quondàm, quùm in prædonum Etruscorum manus incidissent, crudelitate excogitatá necabantur; quorum corpora viva cum mortuis, adversa adversis accommodata, quam aptissimè colligabantur : ita nostros animos cum corporibus copulatos,

C'est ainsi que la haute philosophie païenne, à l'aide du faible jour de la tradition, entrevoyait quelque chose de la grande vérité qui fait le fondement du christianisme.

III. Mais la basse philosophie, ou, pour ne pas profaner ce nom, le philosophisme ou rationalisme, avait tant agité et comme défoncé le sol de l'esprit humain, que les traces de cette tradition étaient presque entièrement détruites chez les nations lettrées de l'antiquité, à la différence des autres nations appelées barbares, chez lesquelles elles se trouvaient beaucoup plus vives. Et ceci n'est pas une légère preuve de la vérité de cette tradition. Ce ne sont pas les hommes qui l'ont inventée, puisqu'elle se retrouve de plus en plus complète et semblable au type mosaïque, à mesure précisément qu'on s'éloigne des peuples inventeurs pour entrer chez les peuples stationnaires et conservateurs. C'est ce qui va résulter du troisième ordre de citations que nous allons présenter.

D'après la doctrine des Perses, meschia et meschiané, ou le premier homme et la première femme, étaient d'abord purs, soumis à Ormuzd leur auteur. Ahrimane les vit et fut jaloux de leur bonheur. Il les aborda sous la forme d'une couleuvre, leur présenta des fruits, et leur persuada qu'il était l'auteur de l'homme, des animaux, des plantes, et de ce bel univers qu'ils habitaient. Ils le crurent, et dès lors

ut vivos cum mortuis esse conjunctos. (Hortensius, sive de Philosophia, fragmenta.)

Ahrimane fut leur maître. Leur nature fut corrompue, et cette corruption infecta toute leur postérité 1. — Ainsi, dit le savant auquel nous devons ces communications, le péché ne vient point d'Ormuzd, mais il a été produit, dit Zoroastre, par l'être caché dans le crime, ou Ahrimane '.

Cet être caché dans le crime, auteur de la chute et de la corruption de la nature humaine, se retrouve encore dans les traditions égyptiennes, sous le nom de Typhon, d'où vient probablement le Python des Grecs, ce monstrueux SERPENT qu'Homère appelle destructeur des hommes et des animaux, et Ovide terreur des peuples. Plutarque nous apprend des choses fort curieuses sur le Typhon égyptien, dans son Traité d'Isis et d'Osiris; laissons-le parler : - « Xénocrate tient que les jours malencontreux, » où il se fait et dit quelque chose honteuse et vi» laine, il n'estime point qu'elle appartienne aux >> bons dieux ni aux bons démons; mais qu'il y a » en l'air des natures grandes et puissantes, au de>> meurant malignes et mal accointables, qui ont >> plaisir que l'on fasse de telles choses pour elles'.

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2

Vendidat-sadæ, p. 305, 428.

Exposition du système théologique des Perses, par Anquetil du Perron; Mémoires de l'Académie des inscriptions, tome LXIx, p. 184.

3 « Nous avons à combattre, dit saint Paul, non contre des >> hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et » les puissances, contre les princes des ténèbres, contre les es» prits de malice répandus dans l'air : — contra spiritualia » nequitiæ in cœlestibus. » (Epist. ad Ephes, 6, 12.)

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Empedocle même dit qu'ils sont punis et chastiés >> des faultes et offenses qu'ils ont commises.... A >> cela ressemble naïvement ce que l'on récite de

>>

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Typhon, qu'il fit par son envie et sa malignité

plusieurs mauvaises choses, et qu'ayant mis tout » en combustion, il remplit de maux et de misères » la mer et la terre... Et puis en fut puni, etc. '. » -Je laisse le reste de cette curieuse citation dans l'ombre, ne voulant dévoiler ici que ce qui a trait à la chute. Nous la reprendrons dans le paragraphe des Traditions sur la réhabilitation.

Qui ne reconnaît jusqu'ici dans ce Typhon des Égyptiens, comme dans l'Ahrimane des Perses, comme dans l'Até d'Homère, le Satan des hébreux et des chrétiens, le démon tentateur, l'antique ennemi du genre humain, qui, déchu lui-même, en punition d'une faute commise contre Dieu, se fit, par envie et malignité, l'instigateur des mauvaises choses, et remplit par là de maux toute la terre?

La révélation nous enseigne que, depuis lors, nous sommes ses esclaves (à moins que nous n'acceptions le secours de ce descendant de la femme qui devait lui briser la tête ); que c'est lui qui souffle dans nos âmes les feux empestés de la concupiscence et des passions, et qu'il est le prince de ce monde d'erreurs et de crimes où nous vivons. Et c'est là précisément encore ce qu'enseignaient les traditions égyptiennes, ainsi qu'il appert de cet

I

Plutarque, De Isis et Osiris, nomb. xxiv, traduction

d'Amyot.

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