Page images
PDF
EPUB

>> cents ans d'existence. Ainsi ces figures ont dû être sculptées longtemps avant la découverte de l'Amé>> rique par Colomb1. »

IV. Bornons ici des citations qui ne serviraient plus qu'à satisfaire la curiosité. Le fait que nous voulions établir est acquis à l'évidence. Tous les peuples de la terre, comme disait Voltaire, ont cru l'homme déchu et dégénéré. Ajoutons qu'ils l'ont cru déchu de la manière et avec les circonstances qui favorisent le plus l'incrédulité dans le récit de Moïse : un fruit défendu, un esprit mauvais se glissant sous la forme du SERPENT auprès de la FEMME. Celle-ci, séduite par ce serpent, séduisant à son tour l'homme; tous les maux de l'espèce humaine dérivant de cette transgression : voilà le fond des traditions universelles.

Ann. de la littérature et des arts, tome x, p. 286-287. Le serpent n'est pas représenté dans cette scène. Mais il faut remarquer que, selon le récit de la Bible, il ne devait pas

y être. Le serpent n'intervient que pour séduire la femme, et celle-ci séduit ensuite l'homme. Aussi voyons - nous dans les diverses traditions, et notamment dans celles des Mexicains, que toutes les fois que la femme est représentée en rapport avec le serpent, elle est seule, l'homme n'y est pas.; et que lorsqu'elle est représentée avec l'homme, comme ici, le serpent n'y est plus. Cette seconde scène, qui a consommé la faute originelle, se borne en effet à ceci : et ayant pris du fruit, elle en mangea et en donna à son mari qui en mangea aussi. (Genèse, chap. 111, V. 6.) Cette remarque importante nous conduira à une autre plus importante encore, que nous réservons pour le troisième paragraphe.

De là je tire un raisonnement sans réplique en faveur de la vérité de ce point fondamental de notre Religion.

Tant de peuples, si divers en tout le reste, si dispersés, si séparés, ne peuvent se trouver d'accord sur un fait unique que parce que ce fait s'est réellement passé à l'époque de leur commune origine et a fait une impression profonde sur la source même du genre humain, et c'est bien le cas de s'écrier avec M. Cuvier : - Est-il possible que ce soit un simple hasard qui donne un résultat aussi frappant!!!-Les idées de peuples qui ont si peu de rapports ensemble, dont la langue, la religion, les mœurs, n'ont rien de commun, s'accorderaient-elles sur un point, si elles n'avaient la vérité pour base?

[ocr errors]

Mais il y a quelque chose de plus fort encore. Le fait dont l'universalité de croyance inspirait cette réflexion décisive à M. Cuvier était un fait simple, entouré d'analogies, et qui pouvait d'autant plus aisément s'imaginer partout, que partout il semblait trouver une base naturelle dans l'état apparent du globe. Car c'est ainsi que se présente le fait du déluge. Tandis que le fait sur lequel nous raisonnons en ce moment est un fait complexe, singulier, des plus mystérieux, et dont les détails caractéristiques sont tirés d'un ordre entièrement surnaturel; d'où suit que l'universalité de croyance sur ce fait est d'autant plus inexplicable si elle n'avait la vérité même pour base, et que l'argument de l'illustre géologue grandit de toute l'étrangeté du sujet auquel nous l'appliquons.

Pour faire concevoir notre pensée, qu'il nous soit permis de descendre à une comparaison bien simple.

Mais

Je suppose qu'un fragment de carte soit donné, et qu'il présente une coupure droite et régulière. Si d'autres morceaux de carte sont rapportés et que par le rapprochement ils s'adaptent exactement au premier fragment, il y aura lieu de croire que cet assemblage n'est pas l'effet du hasard et provient de l'union primitive de leur existence. je suppose maintenant qu'au lieu de présenter une coupure droite et régulière, le premier fragment soit tout ce qu'on peut imaginer de plus bizarre et de plus irrégulier dans sa conformation: oh! alors l'épreuve sera beaucoup plus décisive, et si les autres fragments viennent s'enchâsser exactement dans tous les caprices de la découpure du fragment supposé, rien n'égalera la force de cette preuve de leur sincérité respective et de leur primitive unité; et ce moyen est précisément la plus haute garantie matérielle qu'aient pu inventer les hommes, de la sincérité de leurs accords à travers les espaces franchis par la navigation, et qu'à cet effet ils ont appelé charte-partie (carte-partie).

Cette comparaison s'applique d'elle-même à notre sujet.

Si les traditions universelles n'étaient d'accord avec le récit de Moïse que sur le fait simple que l'homme est déchu et dégénéré, ce serait déjà une grande preuve de la vérité de ce récit. Mais ce n'est pas seulement sur l'ensemble du récit que cet ac

TOME II.

4

cord existe, c'est aussi sur ses détails, détails les plus singuliers. Qu'y a-t-il, en effet, de plus singulier que le genre humain tout entier soit déchu dans le mal par la faute d'un premier homme; que la déchéance de ce premier homme soit venue ellemême par la femme, et par la femme en rapport avec un être surnaturel et malfaisant, et, ce qu'il y a de plus particulier, se produisant sous la forme d'un animal et plus particulièrement encore sous celle du SERPENT?- Certes personne ne disconviendra que toutes ces circonstances ne soient singulières, bizarres, et l'incrédulité à qui je m'adresse en ce moment ira même jusqu'à m'accorder qu'elles paraissent absurdes, du moins c'est ce qu'elle a toujours dit, et elle n'a pas eu d'autre arme à opposer à la vérité de ce fondement de notre Religion. Eh bien, c'est par cette arme même qu'elle est vaincue car toutes ces circonstances, surtout celles qui choquent le plus par leur apparence d'absurdité, ayant passé dans les traditions universelles, sont devenues, par cette absurdité même, autant d'arguments invincibles de la parfaite vérité du récit de Moïse auquel ces traditions viennent de toute part s'adapter, et c'est le cas de dire ce mot célèbre: Credo quia absurdum. — Oui, plus les circonstances caractéristiques du récit de Moïse sont étranges, invraisemblables, absurdes si vous voulez, plus il est impossible que le sens commun les ait universellement et identiquement imaginées chez tous les peuples du monde et s'y soit invariablement attaché sans un grand fondement, et plus il

est nécessaire d'admettre que c'est le FAIT lui-même qui s'est imprimé dans la tradition primitive avec une telle force que toutes les traditions successives et universelles en ont gardé l'empreinte.

De quelque côté qu'on envisage l'esprit humain, il est impossible d'expliquer l'accord universel sur ce point autrement que par la vérité et la vérité à sa plus haute puissance.

Plus le mystère du péché originel choque la raison humaine, plus il soulève l'imagination, plus il est obscur, incompréhensible, impénétrable, moins est-il croyable qu'il se soit insinué naturellement dans l'esprit de tous les hommes, et que l'univers tout entier se soit pris à l'imaginer et à le croire identiquement; car ce qui paraît absurde à une personne le doit paraître, à plus forte raison, à deux, à trois, à cent, parce que le sens commun s'oppose de plus en plus à son admission.

Que si on veut faire la part la plus large à la faiblesse de l'esprit humain et le supposer accessible aux impressions les plus fantastiques, j'y consens; mais cela même va s'opposer encore invinciblement à l'admission universelle et permanente d'une même erreur; car cette facilité même de l'esprit à la recevoir et à la forger donnera bientôt à cette erreur une rivale et une héritière. Si une même erreur pouvait être généralement approuvée, ce serait celle qui ressemblerait à la vérité et qui serait conforme aux dispositions naturelles de l'esprit humain. Tous les peuples ont pu adorer le soleil, dit fort bien Mallebranche, pourquoi? c'est que cet astre

« PreviousContinue »