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Enfin, ce qu'il a de semblable avec le grand sacrifice du Christ, par où il fait voir qu'il en est la figure, , et ce qu'il a de dissemblable avec lui, par où il fait voir qu'il n'en est que la figure.

Il est manifeste, en un mot, qu'un usage tout à la fois aussi étrange, aussi uniforme, et aussi universel, n'a pu faire le fonds de toutes les Religions que parce qu'il suppose une grande vérité primitive dévoyée de son but. Cette vérité, qu'il est aisé de retrouver encore sous cet usage, parce qu'elle résulte de ses formes elles-mêmes, c'est le fait d'une dégradation et la nécessité d'un médiateur; c'est le salut par le sang d'une victime offerte en expiation de nos fautes et en substitution de notre indignité. Or, autant tout cela paraît bizarre, incohérent, absurde, et grossier, dans les sacrifices anciens, envisagés comme des réalités, autant cela revêt, dans le grand sacrifice du Christ, un caractère de raison, de sagesse, de sublimité, et de profondeur, donc, c'est le sacrifice du Christ qui est le terme de cette vérité primitive et la solution du problème universel qui la contient.

C'est ainsi que tout le genre humain, par les mille voix de ses sacrifices et pour ainsi dire par les gémissements de toutes ses victimes, dépose en faveur de la vérité de la Religion de JésusChrist.

S III.

Traditions sur l'attente d'un libérateur.

Les trois parties de ce chapitre ont entre elles un rapport étroit que nous n'avons pu mieux comparer qu'aux deux revers d'une médaille et à la légende qui est autour. De même que la signification de celle-ci s'applique aux deux revers, de même les sacrifices contiennent implicitement la double vérité d'une déchéance et d'une réhabilitation. Mais de même que nous avons présenté les traditions universelles directement relatives à la déchéance, ainsi devons-nous dérouler maintenant ce qu'elles ont de spécial à la croyance et l'attente d'un libérateur.

Ce troisième aperçu, s'il remplit son objet, deviendra un puissant confirmatif des deux autres avec lesquels il formera un corps de preuves des plus indissolubles; car, en premier lieu, tout ce qui dira réhabilitation redira implicitement déchéance; et, en second lieu, tout le genre humain nous ayant déjà dit qu'il ne pouvait y avoir de libération que par le sang, si nous faisons voir qu'à côté de cela il a toujours attendu un libérateur jusqu'à JésusChrist, nous aurons prouvé encore plus fortement que c'est par le sang de ce libérateur que devait s'opérer sa réhabilitation, et nous aurons recom

plété l'institution des sacrifices en ramenant dans ses formes la vérité qui avait cessé de les animer.

Entrons résolument dans ce nouvel horizon. Il est vaste mais plein d'intérêt.

I. Le premier peuple qui se présente toujours c'est le peuple juif; et ce n'est pas au nom de la foi qu'il jouit de ce privilége, c'est, comme nous l'avons vu, au nom des titres les plus légitimes même aux yeux de la seule raison. Écoutons-le donc avec justice si ce n'est avec respect : c'est notre aîné1.

Chose remarquable et déjà bien concluante! de tous les peuples anciens celui qui a mis le plus d'énergie et de persistance à professer l'attente d'un réparateur envoyé du ciel et conforme à JésusChrist, est celui qui a le mieux conservé toutes les autres vérités traditionnelles et par-dessus toutes, celle de L'UNITÉ D'UN DIEU. On peut dire que, de tout temps, la croyance à un MÉDIATEUR a été le corollaire inséparable de la croyance à UN DIEU UNIQUE et comme le second paragraphe de ce premier article de la Religion naturelle. Quelle preuve! quelle caution de sa vérité!— On ne saurait assez méditer ce point selon nous décisif.

Ce n'est plus Moïse personnellement, c'est le peuple juif dans sa plus grande généralité et comme peuple que nous appelons maintenant en témoignage. Il ne faut donc pas voir ici une répétition ni un double emploi. La suite le fera sentir davantage.

Le peuple juif, comme l'aîné de la grande famille des peuples, est demeuré pendant trois mille ans en possession des lieux qui furent le berceau et comme l'antique manoir du genre humain. Il est resté dépositaire et gardien des titres patrimoniaux dont tous ses frères n'avaient emporté avec eux, dans leur dispersion, que d'informes copies. Il fut réservé d'abord pour être, par une sorte de présuccession, le confident et le favori du père céleste, mais à la charge de rendre compte à tout le genre humain des dons qu'il avait reçus, au grand jour de l'ouverture du vieux Testament dont il est devenu, par la répudiation même qu'il en a faite, l'exécuteur universel. - Tel est le double rôle qui se partage la destinée de ce peuple vraiment peuple de Dieu, comme instrument visible de sa miséricorde et de sa justice contre lui-même.

Et comme il a bien rempli ce rôle ! - Pendant que toutes les nations de la terre marchaient en aveugles dans les voies étroites de leurs intérêts individuels, que leurs écoles de sagesse se contredisaient les unes les autres par mille doctrines opposées, que la politique, la Religion, la philosophie, divergeaient dans des sentiers isolés et sans issue, et que tout en elles était, ce semble, régi par cet aveugle destin dont elles avaient fait le plus puissant de leurs dieux, le peuple juif n'a qu'une doctrine, qu'une politique, qu'une destinée, qu'une idée fixe, c'est d'annoncer, de figurer, et d'attendre le MESSIE; c'est de conserver et de féconder en lui le germe d'une bénédiction qui

doit se répandre un jour sur toute la terre et l'absorber lui-même dans son universalité. Rien ne le préoccupe que ce grand objet, rien ne l'en distrait et ne l'en détourne; il s'y livre tout entier, et cela, non pas pendant tel ou tel siècle, mais pendant trente siècles consécutifs. Sa patience et sa ténacité à reproduire et à attendre ce grand événement pendant si longtemps ont quelque chose de l'invariable répétition des actes de la nature et de cet instinct augural qu'elle donne aux animaux. Abraham, Jacob, Moïse, David, Isaïe, Daniel, et tant d'autres, patriarches, législateurs, rois, pontifes, anachorètes, n'apparaissaient de loin en loin que pour redire la grande espérance et préciser de plus en plus les circonstances et les caractères de son divin objet. L'esprit d'orgueil et de domination, qui est la condition de tout ce qui est grand parmi les hommes, et qui appelle, qui pousse leur génie dans des voies incessamment nouvelles, ne peut rien sur eux; ils se bornent tous au rôle de précurseurs, et ne font servir la supériorité si grande de leur influence et de leur génie qu'à préparer la place à un plus grand qu'eux, à celui qui doit venir, — à l'étoile de Jacob, — au désiré des nations, à celui en qui elles seront toutes bénies, -au prince de la paix, — à l'ange de l'alliance, à l'agneau de Dieu chargé des péchés du monde, à celui qui germera de la terre et pleuvra du ciel, pour sauver l'une par l'autre et les réconcilier par sa médiation. Glorieux et humilié, heureux et malheureux, il portera sa princi

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