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Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. Et quand il eut dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint!» (Jean 20, 19-22).

Quelle que soit la forme de ces croyances, on y retrouve la même idée tous les disciples de Jésus sont inspirés.

:

Le plus ancien document qui constate dans la pratique l'inspiration générale des disciples de Jésus, se trouve Actes 15, 22 et sui

vants :

« Les apôtres et les anciens avec toute l'assemblée résolurent de choisir quelques hommes dans leur sein... en leur remettant la lettre que voici :

«Les apôtres et les anciens et les frères aux frères d'Antioche... Salut!... «Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne point vous imposer «d'autre charge que les choses indispensables...>

En prenant les choses à la lettre, il faudrait donc admettre que les livres écrits, depuis dix-huit siècles, par des membres baptisés de l'Église, sont sortis de la plume d'hommes «pénétrés du SaintEsprit >>.

Mais autre chose est la théorie, autre chose les faits. Nous avons un jour prié l'un des chefs les plus estimés d'une École socialiste de nous faire connaître le système de son parti. Il l'exposa avec beaucoup de clarté, et sa théorie fit briller à nos yeux un idéal de bonheur et de prospérité. Seulement elle supposait des hommes parfaits pour l'appliquer. Et que faites-vous des passions humaines!« Nous n'y avons pas songé. >>

--

C'est ce regrettable oubli qui, de tout temps, a fait échouer les systèmes les plus beaux en apparence et les plus attrayants.

La théorie du «< Saint-Esprit communiqué à tous les chrétiens >> s'est heurtée contre le même écueil. Dans les premiers temps, on ne s'en aperçut point, par la raison que le baptême n'étant administré qu'aux adultes « convertis», on n'oubliait pas de rappeler aux néophytes la grande condition de l'amendement moral qui devait le précéder. En outre, la parole vivante, fruit immédiat de l'inspiration divine (Marc 13, 11), était alors considérée comme la chose essentielle. Les pages écrites avaient une importance moindre. C'étaient les feuilles de l'arbre dont la sève était le Saint-Esprit :

elles pouvaient tomber et se perdre, la sève en produisait de nouvelles. Lorsque Luc recueillit les documents pour composer son Évangile, beaucoup d'autres « avaient déjà entrepris d'écrire l'histoire des faits qui s'étaient accomplis» (Luc 1, 1). Ces écrivains, il ne les nomme pas, et hormis les Évangiles de Marc et de Matthieu, leurs œuvres sont perdues pour nous. L'important à l'origine, c'était donc l'esprit qui animait les chrétiens, non les livres qu'ils rédigeaient 4.

L'autorité, en matière de foi, résidait alors dans le cœur, non dans les écrits des disciples. De là une certaine liberté dans la façon de traiter les livres, qui tous, d'ailleurs, ne se répandaient que sous forme de manuscrits sur des feuillets de papyrus prompts à se détériorer par l'usage. Lorsqu'on voulait y changer ou y ajouter quelque chose, on ne craignait pas d'effacer les mots ou les passages qui ne convenaient point, et d'écrire, soit entre les lignes, soit en marge, les modifications ou additions que l'on croyait devoir faire, et qui, dans les copies nouvelles, étaient intercalées dans le texte. De là une série d'éditions dont la dernière faisait oublier les précédentes, et nous est seule parvenue. De là aussi des difficultés souvent inextricables pour le critique qui veut classer chronologiquement les livres, et que déroutent des passages datant d'époques différentes.

III

Faits sur lesquels nous nous appuyons pour juger les Écrits

du Nouveau Testament.

L'idée païenne de révélation surnaturelle, adoptée dans l'Église, fait considérer aujourd'hui le Christianisme comme donné de toute pièce. Même les dogmes successivement promulgués, et dont la date est connue par l'histoire (voy. Livre I, p. 193-194), sont présentés comme contenus dans les Saintes Écritures. Les conciles n'auraient fait que «définir» ce qui était déjà « révélé ». Affirmer qu'après la clôture du Nouveau Testament des vérités nouvelles

sont apparues, est aussi contraire à la conception traditionnelle des choses que conforme à l'Évangile et à l'expérience. L'Évangile de Jean (16, 13) dit clairement : « L'esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité. » Et nous avons vu (Livre I, 3° partie) par des exemples tirés de l'ordre matériel, que des vérités inconnues dans la primitive Église, par exemple, celle du mouvement de la terre, celle de l'ancienneté de l'homme, etc., ont été mises au jour et victorieusement démontrées. Ce sont ces vérités incontestables, ce sont les faits qu'elles établissent, qui doivent servir au critique pour juger, non seulement les doctrines de l'Église, mais les écrits mêmes du Nouveau Testament. Résumons ces faits:

L'humanité habite un astre qui entouré de toutes parts, à de grandes distances, d'autres astres, les uns lumineux, les autres obscurs -se meut au milieu d'eux dans l'immensité sans bornes. En d'autres termes, la Terre est dans les cieux; ses habitants naissent, vivent et meurent dans les cieux. Par suite de son mouvement de translation dans l'espace, notre globe occupe à chaque instant la place qu'un autre monde a occupée avant lui ou occupera plus tard. Si, parmi les astres, il en est de plus petits que la Terre, il en est d'autres, et en nombre incalculable, qui sont plus volumineux (comp. Livre I, p. 465-614).

L'univers n'est abandonné ni au caprice ni au hasard. Il est régi par des lois (comp. Livre I, p. 491-614). Celles que l'homme a découvertes sont universelles et immuables. On ne saurait admettre que celles qu'il ignore soient limitées et changeantes.

La conviction de la constance des «lois de la nature» s'oppose à la croyance aux miracles, si l'on entend par «miracle » une intervention surnaturelle dans l'ordre naturel des choses (comp. Livre I, p. 596, chap. III). Si, au contraire, on appelle << miracle >> un phénomène qui révèle l'action de l'auteur de toutes choses, cette action étant continue et se manifestant partout, l'univers entier est un miracle perpétuel.

Au début, l'homme a été, non supérieur, mais inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Il a commencé par un état voisin de celui de l'animal, et s'est élevé à travers de longs siècles de luttes et d'expé

riences au point où il se trouve aujourd'hui (voyez Livre I, p. 645-663).

La douleur et la mort ne sont pas une conséquence de la volonté de l'homme. Elles existaient avant lui. Des millions de milliards d'êtres ont souffert et sont morts avant que l'homme soit apparu sur la Terre (Ibid., p. 625-645). Bien plus, l'univers entier est assujetti à la loi que toute forme qui naît doit périr l'astre est destiné à se dissoudre, comme le corps de l'être animé. La durée seule de l'existence varie, et, pendant l'existence même, la forme apparente se modifie sans cesse.

L'atmosphère qui entoure notre globe et qui permet à ses habitants de respirer et de vivre, n'a qu'une épaisseur relativement minime. Il est donc impossible aux hommes de se rendre corporellement dans quelque autre astre que ce soit. Il n'en existe pas moins des rapports constants entre les mondes. Le lien qui les unit tous est la gravitation (Ibid., p. 595). En outre, la lumière transmet aux uns l'image des autres, avec une vitesse estimée à 75,000 lieues par seconde (Ibid., p. 594).

Toutes les fois que, dans ce Livre, nous qualifierons un récit de «<légende », c'est parce que ce récit supposera réelle une image du monde en contradiction avec les faits que nous venons d'énumérer.

Parmi les nombreuses facultés de l'homme, il en est deux qui ont joué un grand rôle dans la genèse de ses idées : l'imagination et la raison, Elles agissent presque toujours de concert, mais avec une puissance relative qui varie : la première est prépondérante dans l'enfance et dans la jeunesse; la seconde, dans l'âge mûr.

« Quand j'étais enfant, dit l'apôtre Paul, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; mais quand je suis devenu homme, j'ai quitté ce qui tenait de l'enfant » (I Cor. 13, 11).

L'imagination, que Pascal traite avec une grande dureté 5, ne mérite pas les reproches qu'il lui adresse. Par des fictions charmantes, elle console l'homme enfant de son ignorance des faits

réels. Elle l'empêche d'errer dans le vide, elle donne un corps aux êtres et aux choses invisibles, objets de sa foi et de sa vénération.

Sans l'imagination, l'enfance et la jeunesse seraient décolorées. C'est elle qui produit dans l'âme humaine les fleurs aux formes variées, au délicieux parfum, que la raison plus tard changera en fruits.

La raison cherche la vérité, c'est-à-dire la réalité des choses, pour laquelle elle éprouve un respect religieux. Elle se nourrit de ses enseignements avec une indicible félicité. La connaissance d'une seule vérité la pénètre de plus de joie que celle de cent fictions.

<< Laissez là toutes les choses transitoires», dit l'auteur de l'Imitation, «<et cherchez ce qui est éternel» (Imitation de Jésus-Christ, livre III, chap. 1, 2). Qu'y a-t-il d'éternel, si ce n'est la vérité? <«< Heureux celui que la vérité instruit elle-même, non par des figures et par des paroles qui passent, mais en se montrant telle qu'elle est» (Ibid., I, II, 1).

Nous nous proposons, dans les pages qui suivent, d'exposer l'histoire des livres du Nouveau Testament, non dogmatiquement, mais historiquement (qu'on nous permette cette expression).

Le but du dogmatiste est de faire concorder l'histoire avec une doctrine préconçue, et au besoin de « faire vaincre l'histoire par le dogme », comme on l'a essayé au concile du Vatican 6. Le dogme est le lit de Procuste, où l'on torture l'histoire jusqu'à ce qu'elle ait pris les dimensions voulues.

Le but de l'historien est de rendre hommage à la vérité reconnue, qu'elle plaise ou qu'elle ne plaise pas, qu'elle s'accorde avec les croyances officielles ou qu'elle les heurte et les contredise. Il la recherche sans parti pris; et l'ayant trouvée, il l'expose avec respect et amour. Il ne connaît point d'intérêt supérieur à celui de la vérité. Il a foi en sa puissance. Il s'écrie avec l'Israélite : « La vérité est grande et l'emporte sur toutes choses» (voyez Livre V, p. 216). Il s'écrie avec l'Indou: «La vérité certes vaincra, non l'erreur 7». Et, s'il est chrétien, il saura que son Maître, loin de contredire le Juif ou l'Indou, est d'accord avec eux, lorsqu'il dit: « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité »

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