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tant de jalousie ? C'est lorsque nous lui voulons res-, sembler dans l'autorité souveraine; lorsque nous voulons l'imiter dans l'honneur de l'indépendance, et prendre pour loi notre volonté, comme luimême n'a point d'autre loi que sa volonté absolue. C'est là le point chatouilleux, c'est là l'endroit délicat; c'est alors que sa jalousie repousse avec violence tous ceux qui veulent s'approcher ainsi de sa majesté souveraine. Par conséquent, si sa jalousie s'irrite seulement contre notre orgueil; qui ne voit la soumission est l'unique moyen pour nous en que défendre? Il est jaloux quand vous prenez pour loi votre volonté. Pour empêcher les effets de sa jalousie, abandonnez votre volonté. Soyons des Dieux, il nous est permis, par l'imitation de sa justice, de sa bonté, de sa sainteté, de sa miséricorde toujours bienfaisante. Quand il s'agira de puissance et d'autorité, tenons-nous dans les bornes d'une créature, et ne portons pas nos désirs à une ressemblance si dangereuse.

Mais si nous ne pouvons ressembler à Dieu dans cette souveraine indépendance, admirons, mes Sœurs, sa bonté suprême qui a voulu nous ressembler dans la soumission. Jetez les yeux de la foi sur ce Dieu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. A la vue d'un abaissement si profond, qui pourroit refuser de se soumettre? Vous vivez, ma Sœur, dans un monastère, où la sage abbesse qui vous gouverne vous doit faire trouver la soumission non-seulement fructueuse, mais encore douce et désirable. Mais quand vous auriez à souffrir une

autre conduite; de quelle obéissance vous pourriezvous plaindre, en voyant celle du Sauveur des ames, et à la volonté de quels hommes l'a livré et abandonné son Père céleste? Ç'a été à la volonté de Judas, à celle de Pilate et des pontifes, à celle des soldats inhumains qui, ne gardant avec lui aucune mesure, ont fait de lui tout ce qu'ils ont voulu : Fecerunt in eo quæcumque voluerunt (1). Après cet exemple de soumission, vous ne sauriez descendre assez bas; et vous devez chérir les dernières places qui, depuis l'abaissement du Dieu - homme, sont devenues désormais les plus honorables.

(1) Matth. XVII. 12.

SERMON

POUR UNE PROFESSION.

SUR LA VIRGINITÉ.

Sainte séparation et chaste union, deux choses dans lesquelles consiste la sainte virginité : combien elle est mâle et généreuse. De quelle manière, en établissant son siége dans l'ame, rejaillit-elle sur le corps. Avec quel soin les vierges doivent garder tous leurs sens. D'où vient la sainte virginité a-t-elle tant d'attraits pour le Sauveur. Saint ravissement des vierges, et leurs priviléges. Précautions qui leur sont nécessaires, pour être saintement unies à leur Epoux. Son amour et sa jalousie : ses deux regards sur elles. Qu'estce qui cause sa retraite. Funestes effets de l'orgueil : avantages de l'humilité.

Emulor vos Dei æmulatione: despondi enim vos uni viro, virginem castam exhibere Christo.

J'ai pour vous un amour de jalousie, et d'une jalousie de Dieu; parce que je vous ai fiancés à cet unique Epoux, qui est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute II. Cor XI. 2.

pure.

PUISQUE la sainte cérémonie par laquelle vous vous consacrez au Sauveur avec la bénédiction de l'Eglise, vous met au nombre des vierges sacrées, et vous joint à la troupe innocente de ces filles choisies et bien-aimées, qui doivent être conduites au Roi,

selon la prophétie du Psalmiste (1); pour vous faire connoître avec évidence quelle est la profession que vous faites, il est nécessaire que vous pénétriez ce que c'est que la virginité chrétienne, dont les anciens docteurs nous ont fait de si grands éloges. C'est aussi ce que vous enseigne le divin apôtre, en vous assurant qu'il vous a unie, comme une vierge chastc et pudique, à un seul homme qui est Jésus-Christ; et il vous montre, par ces paroles, que la sainte virginité consiste principalement en deux choses. Mais pour entendre un si grand mystère, remontons jusqu'au principe, et supposons avant toutes choses que cet Epoux immortel, que votre virginité vous prépare, a deux qualités admirables. Il est infiniment séparé de tout par la pureté de son être : il est infiniment communicatif par un effet de sa bonté.

Quand j'entends le Seigneur Jésus qui enseigne à Marthe empressée, qu'il n'y a qu'une chose qui soit nécessaire (2); je remarque en cette parole la condamnation infaillible de la vanité des enfans des hommes. Car si le Fils de Dieu nous apprend que nous n'avons tous qu'une même affaire, ne s'ensuit - il pas clairement que nous nous consumons de soins superflus, que nous ne concevons que de vains desseins, et que nous ne repaissons nos esprits que de creuses imaginations, nous qui sommes si étrangement partagés parmi tant d'occupations différentes? tellement que ce divin Maître, nous rappelant à l'unité seule, condamne la folie et l'illusion de nos désirs inconsidérés, et de nos prétentions infinies: d'où il est aisé de conclure la solitude que les hommes fuient,

que

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et les cloîtres qu'ils estiment autant de prisons, sont les écoles de la véritable sagesse; puisque tous les soins du monde en étant exclus avec leur empressante multiplicité, on n'y cherche que l'unité nécessaire, qui seule est capable d'établir les cœurs dans une tranquillité immuable.

C'est, Madame, à cette unité que vous invite le divin apôtre, quand il vous assure aujourd'hui qu'il vous a unie pour toujours, comme une vierge chaste et pudique, à un seul homme qui est Jésus-Christ, Uni viro. C'est en effet à cet unique Epoux que votre profession vous consacre; et la sainte virginité, que vous lui offrez en ce jour, vous sépare de toutes choses pour vous attacher à lui seul. Mais avant que de traiter un si grand mystère, recourons tous, d'une même voix, à la mère et au modèle des vierges, et implorons sa bienheureuse assistance, en la saluant avec l'ange et disant, Ave, Maria.

IL importe infiniment au salut des ames de considérer sérieusement un endroit admirable du divin apôtre (1), où cet excellent maître des Gentils nous représente l'économie de l'Eglise dans la diversité des opérations qui font l'harmonie de ce corps mystique. Il se fait, dit-il, en l'Eglise une certaine distribution de grâces; et comme nous voyons que le corps humain se conserve par les fonctions différentes de chacun des membres qui le composent, ainsi en est-il du corps de l'Eglise, dont tous les membres ont des dons divers, selon que l'Esprit de Dieu les anime. C'est de là que nous apprenons cette belle

(1) Rom. xi. 4 et seq.

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