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ORAISON FUNÈBRE

DE

LOUIS DE BOURBON,

PRINCE DE COndé,

PREMIER PRINCE DU SANG;

Prononcée dans l'Eglise de Notre-Dame de Paris, le 10. jour de mars 1687.

NOTICE

SUR LOUIS DE BOURBON,

PRINCE DE CONDÉ. ·

LOUIS DE BOURBON, fils de Henri de Bourbon, prince de Condé, fut connu d'abord sous le titre de Duc d'Anguien. Il naquit le 8 septembre 1621. Elevé sous les yeux de son père avec le plus grand soin, confié à des Jésuites sages et habiles, il montra de bonne heure des dispositions pour l'étude, et s'y livra avec autant d'application que de succès. Il conserva toute sa vie ce goût honorable; et dans les intervalles de ses travaux militaires, fit voir constamment que les plaisirs et les exercices de l'esprit n'étoient pas indignes d'un prince et d'un grand capitaine mais le goût le plus décidé qu'il montra dès ses plus jeunes ans, fut celui des armes. Il n'avoit encore que dix-neuf ans qu'il voulut servir en qualité de volontaire, et se distingua comme tel au siége d'Arras, en 1640. A cette époque aussi le cardinal de Richelieu, ambitionnant pour sa famille les plus nobles alliances, parvint, malgré la répugnance du Duc d'Anguien lui-même, à faire conclure le mariage de celui-ci avec sa nièce, fille du maréchal de Brézé.

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Richelieu mourut en 1642, et jusque-là le Duc d'Anguien n'avoit encore donné des marques de valeur qu'en servant comme volontaire. Mais le cardinal Mazarin, qui succéda à Richelieu, le fit nommer en 1643 pour commander en chef l'armée de Flandre. Le Duc d'Anguien s'étoit déjà rendu à sa destination, lorsqu'il apprit la mort de Louis XIII; et loin d'obéir, dans cette cir

constance, à des vues d'ambition et d'intérêt personnel, il ne songea qu'à l'intérêt public, et à la gloire de sauver la France, en la délivrant de ses ennemis. La célèbre et à jamais mémorable bataille de Rocroi fut l'effet de cette disposition, et couvrit de gloire le Duc d'Anguien, qui montra dans cette brillante occasion autant de vrai courage que de tranquillité d'esprit. La veille de la bataille, après avoir arrêté son plan, et ordonné tous les préparatifs, il s'étoit endormi profondément ; et à la fin de cette fameuse journée, il se mit à genoux sur le champ de bataille, ordonnant à tous les soldats d'en faire autant, et rendit grâces à Dieu de la bénédiction qu'il venoit de donner à ses armes.

Le Duc d'Anguien se distingua de nouveau dans les brillantes campagnes de 1644, 1645 et 1646, où il se montra aussi habile dans l'art d'assiéger les villes que dans celui de gagner des batailles. Devenu, en 1646, héritier des titres et de la fortune de son père, il prit le nom de Prince de Condé, et partit en 1647 pour de nouvelles expéditions, et en 1648 gagna sur les Espagnols la célèbre bataille de Lens.

Ce fut à cette malheureuse époque qu'éclatèrent à Paris ces troubles civils, qui, jusqu'en 1653, ne cessèrent d'agiter la France. Le Prince de Condé fut rappelé promptement à la Cour à cette occasion; et quoique déjà lui-même il eût à se plaindre d'elle, et n'eût pas déguisé ses mécontentemens; quoiqu'il fût vivement sollicité d'embrasser le parti des Frondeurs, qui se grossissoit chaque jour, il se montra d'abord déterminé à défendre le Roi et la Reine régente contre toute attaque. Assurés de son appui, le Roi, la Reine régente et toute la Cour sortirent de Paris pour se retirer à Saint-Germain-en-Laye, et le Prince de Condé, à la tête de huit mille hommes, fit le blocus de Paris, et força bientôt les Frondeurs à demander la paix; elle fut signée en mars 1649.

Mais la scène changea bientôt. Le Prince de Condé se

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laissa séduire par les conseils du Prince de Conti son frère et de la duchesse de Longueville sa sœur, qui, tous deux, se montroient les plus entreprenans et les plus indisposés contre le cardinal. La Cour, instruite de leurs secrètes menées, songea d'abord à en prévenir l'effet par un coup d'éclat, et le 18 janvier 1650, fit arrêter et conduire au château de Vincennes le Princé de Condé, le Prince de Conti et le Duc de Longueville leur beau-frère. Ils furent transférés depuis au Hâvre-de-Grâce. Ce ne fut qu'au bout de treize mois, que, sollicitée par le Parlement, la Cour se décida à les remettre en liberté ; mais le Prince de Condé, qui, comme le rapporte Bossuet, déclara dans la suite au Roi qu'il étoit entré innocent dans la prison, et qu'il en étoit sorti coupable, garda dans son cœur un ressentiment profond de cette injure, et ne fut pas longtemps sans le faire éclater. En septembre 1651, il se mit ouvertement à la tête des mécontens, fit un traité avec les ennemis extérieurs, et prit les armes contre son Roi. Il arriva jusqu'aux portes de Paris, et après deux ou trois mois passés en attaques partielles et infructueuses, la journée sanglante du faubourg Saint-Antoine, où le Prince de Condé et le maréchal de Turenne tant de fois unis et combattant pour la même cause, étoient alors opposés l'un à l'autre, et rivalisoient de valeur et d'habileté, mit fin à ces troubles funestes. Le parti des Frondeurs s'affoiblit insensiblement. Le cardinal Mazarin, qui s'étoit déjà une fois retiré, consentit de nouveau à quitter la Cour, et le Roi, rentré dans Paris le 21 octobre 1652, publia une amnistie générale.

Le Prince de Condé, trop fidèle à l'espèce de prédiction qu'il avoit faite lorsqu'il embrassa le parti des mécontens, « qu'il tiroit l'épée malgré lui, et qu'il seroit peut-être le » dernier à la remettre dans le fourreau », refusa de prendre part à l'amnistie, et se retira en Espagne, où il se vit bientôt à la tête de toutes les forces de cette monarchie. Mais il n'en désiroit pas moins ardemment la

paix; et malgré la protection puissante de la couronne d'Espagne, il ne vouloit pas que les conditions qu'elle faisoit avec la France pour le faire rétablir dans tous ses droits, retardassent un instant la conclusion de la paix tant désirée. Par une déclaration formelle et signée de lui, il remit tous ses intérêts et tous les dons que le roi d'Espagne vouloit lui faire, au bon plaisir et à la discrétion du roi de France; et Louis XIV, sensible à ce procédé, consentit à le recevoir, et à oublier tout-à-fait le passé.

A

Rendu ainsi à sa patrie, nous le verrons dorénavant plus appliqué que jamais à se signaler par de nouveaux services. Il combattit en Flandre, en Hollande, en Allemagne, et cueillit partout de nouveaux lauriers. Il gagna le 11 août 1674 la célèbre bataille de Senef. En 1675, il fit lever le siége que le général Montecuculli avoit mis devant Haguenau, après la mort de Turenne. Depuis cette campagne, il ne parut plus à la tête des armées, soit à cause des incommodités auxquelles il commençoit à devenir sujet, soit pour d'autres motifs. Il resta cependant à la Cour, mais sans avoir presque aucune part aux affaires. Enfin, la paix de Nimègue, conclue en 1679, lui fournit une occasion de demander au Roi la permission de se retirer. Il vint se fixer à Chantilli. Ce fut dans cette magnifique retraite qu'il passa ses dernières années, livré sans distraction à des goûts paisibles, et partageant son temps entre la lecture, la société des gens instruits et des savans en tout genre dont il s'entouroit, et surtout la pratique scrupuleuse et sévère de tous les exercices de la religion, pour la gloire et le maintien de laquelle il se montroit zélé. Vers le milieu de l'année 1686, qui fut la dernière de sa vie, il s'affoiblit d'une manière plus sensible; mais ayant appris alors que la Duchesse de Bourbon, fille de Louis XIV, et femme de son petit-fils, étoit attaquée de la petite vérole à Fontainebleau, il partit sur-le-champ pour se rendre auprès d'elle, et donna aut Roi une nouvelle marque d'attachement et de zèle, lorsque

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