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pour empêcher la fin du concile, ne voulant point agir contre la parole qu'il avoit donnée; mais pour arrêter la précipitation avec laquelle on vouloit se conduire fans attendre cette réponfe. Il ajouta qu'il lui paroiffoit indigne qu'on traitât un fouverain fi puiffant comme le moindre gouverneur de provin ce, & il parla avec tant d'aigreur, que les légats indignez lui reprocherent qu'il n'encourroit pas feulement la colere de Dieu, mais encore celle du roi, dont il meritoit d'être féverement puni; que fa conduite & fes difcours montroient fon penchant pour les heretiques, & que le roi d'Espagne étoit trop attaché à la religion catholique pour approuver les excez. Il fe dit encore plufieurs autres chofes moins importantes, après lefquelles on fe fepara fort mécontens. Deux jours après, c'est - à dire le vingt-neuvième du même mois de Novembre on tint une autre congrégation, où l'on résolut de nouveau de terminer promptement le concile, malgré les oppofitions continuelles du comte

de Lune.

Le foir du même jour on apprit à Trente que le pape étoit très-dangereufement malade, & qu'on craignoit beaucoup pour la vie. Un autre courrier dépeché par le cardinal Borromée arriva cinq heures après avec des lettres aux légats qui confirmoient la même nouvelle, & qui les exhortoient à preffer la conclufion du concile au plûtôt, fans fe mettre en peine des oppofitions qu'on y voudroit faire, afin de prévenir un fchifme, que cette mort pourroit procurer par la divifion qui naîtroit aufli-tôt entre le facré college & le concile, touchant le droit

AN. 1563.

d'élection d'un nouveau pape. Cette lettre étoit dat

AN. 1563. tée du vingt-feptiéme de Novembre ; & les légats auffi-tôt qu'ils l'eurent reçuë, manderent les deux cardinaux de Lorraine & Madrucce avec les ambaffadeurs de l'empereur & du roi d'Espagne, & les exhorterent à s'emploier pour finir au plûtôt le concile. Les Imperiaux quoiqu'impatiens de voir cette conclusion, ne laifferent pas de demander le jour entier pour en déliberer : & le lendemain dans une autre affemblée compofée des autres ambassadeurs, & d'environ cinquante prélats, ils donnerent leur confentement, les autres furent du même avis, à l'exception du comte de Lune, qui s'y opposa fortement avec les évêques Espagnols, & trois Italiens.

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Tout le temps qui reftoit jufqu'à la feffion fut emploïé par les préfidens & par les peres à former les décrets qui devoient y être publiez ; & dès le deuxième de Decembre les légats tinrent une congrégation generale, dans laquelle ils porterent tous les décrets concernant le purgatoire, les images, les reliques, le culte & l'invocation des faints, qui avoient été dreffez par le cardinal Ofius & les autres commissaires; & l'on produifit enfuite les articles. qui regardoient la réformation de la difcipline.Comme le décret des indulgences n'étoit pas encore prêt, on réfolut dans une congrégation particuliere tenuë la veille, qu'on l'omettroit, contre l'avis de plufieurs, & particulierement des Imperiaux, qui néanmoins y confentirent, fuppofé qu'on ne pût autrement empêcher le départ des François avant la clôture du concile.

AN. 1563.

XLVII.

Difcours du

premier légat aux

ture du concile.

Extat in actis

fign. 3196. p. 42.

Le cardinal Moron premier des légats parla encore aux peres fur la néceffité de finir le concile. Il fit voir que les matieres les plus importantes avoient été déja traitées : que pour ce qui concernoit la foi, peres pour la clôqui étoit le premier but que s'étoit propofé le con- Raynald, in ancile, on l'avoit très-bien établie en parlant de la malib. bec anno n. justification & des facremens; que.les herefies du 28. temps étoient condamnées dans plufieurs canons: MS. congreg. Trib. que les heretiques dont on fouhaitoit la converfion archiv. Vatican. & le falut, avoient été invitez par le pape, par fes lé- Pallav. ut fuprà gats, & par fes nonces, avec l'offre d'un fauf con- cap. 4.1.9. duit dans toutes les formes, fans qu'on eût pu les gagner: Qu'on avoit même prié les princes, & furtout l'empereur, qui avoit beaucoup de crédit fur leur efprit, de les engager à venir; mais que ç'avoit été fans fuccez. Plût à Dieu, dit il, qu'ils eufsent assisté au concile, & qu'ils fe fuffent foumis à fes décrets; rien ne pouvoit arriver de plus heureux & pour eux & pour toute la chrétienté. Il faut prier le Seigneur de leur infpirer de meilleurs fentimens, & un efprit foumis aux décifions de l'églife. Mais comme il n'y a plus d'efperance de les voir ici, il eft inutile de perdre le temps, les affaires du concile fe trouvent dans un état, où rien n'empêche qu'on ne le finiffe quand on voudra.

Il s'étendit enfuite fur la réformation qui étoit l'autre but du concile, il rappella ce qui avoit été reglé dans la feffion précedente, & dit qu'en obfervant exactement fes décrets, on verroit bien tôt le clergé rétabli dans fon ancienne difcipline. Qu'il étoit vrai qu'on pouvoit mieux faire, mais que ceux, qui compofoient le concile étoient des hommes, &

A N. 1563. des temps

XLVIII.

Vingt cinquié

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non pas des anges, & qu'eu égard aux malheurs on devoit le contenter de ce qu'ils avoient pu faire, laiffant à Dieu le foin de faire le refte. Que les peres avoient devant les yeux le peu qui reftoit, tant pour la doctrine que pour la réformation, que le tout avoit été fi bien examiné & digeré, qu'on n'avoit pas befoin d'en disputer davantage; que le chapitre des princes avoit été réformé, & qu'on devoit les engager à faire le bien plûtôt par le bon exemple que par des cenfures & des anathêmes. Qu'enfin l'on pouvoit tout finir dans la prochaine feffion ; que fa fainteté le fouhaitoit fort, de même que l'empereur & les François, suivant le témoignage du cardinal de Lorraine : le concile aïant été principalement affemblé pour ces derniers, dont les états étoient fi cruellement ravagez par l'herefie. Que le roi catholique étoit entré dans ces vûës, afin de pourvoir au falut de l'Allemagne & de la France. Il est donc temps, continua ce cardinal en adreffant la parole aux peres, que vous ailliez recueillir le fruit de vos travaux ; vos brebis vous attendent, & ne peuvent plus fupporter une plus longue abfence; expediez donc ce que vous avez entre les mains, finiffez le concile en mettant fin à vos veilles & à vos fatigues, perfectionnez votre ouvrage, & attirez par vos prieres la benediction du Seigneur fur une fi fainte œuvre, afin que les peu, ples en retirent tout l'avantage qu'ils en peuvent efperer.

Le même jour deuxième de Decembre on reçut me, & derniere la nouvelle que le pape étoit non-feulement hors de la neuvième tous' danger, mais que la fanté même devenoit beau

feffion du concile,

Pig IV.

coup

A N. 1563.

Labbe collect. conc. tom. 14. p. 894. & seq. & pi

Raynald, annal.

&feq.

coup plus ferme qu'elle ne l'étoit avant sa maladie. Le pape lui même confirma le lendemain cette nouvelle par une lettre, & fe fervit de cette occafion pour prier de nouveau les peres de finir promptement 1659. le concile. Ses voeux furent exaucez: dès le jour Pallavicin ibid. même troifiéme Decembre, on tint la vingt-cin-24. cap. s. 1. 4. quiéme session, qui fut la derniere depuis le com- hoc anno n. 209. mencement du concile, & la neuviéme fous le pontificat de Pie IV. Les peres s'étant rendus à l'églife avec les céremonies ordinaires, la meffe y fut célebrée folemnellement par Zambeccari évêque de Sulmone; & le sermon en latin prêché par Jerôme Ragazzoni Venitien évêque de Nazianze, & alors coadjuteur de Famagoufte. Il prit pour texte ces paroles du pfeaume 48. Peuples, écoutez ces chofes, habitans de la terre, prêtez tous l'oreille. Il invita toutes les nations à être attentives à cet heureux jour auquel le temple de Dieu fe rétabliffoit & le vaiffeau arrivoit au port après de si longues & de fi furieuses tempêtes. Il dit que fa joïe eut été beaucoup plus grande, fi les Proteftans cuffent voulu participer à la conftruction de ce grand édifice; mais que ce n'étoit la faute ni du pape, ni du concile; qu'on avoit choifi pour tenir le concile une ville en Allemagne, qui. étoit comme à leur porte, fans fe fortifier par aucune garde, afin qu'ils n'euffent rien à craindre pour leur liberté qu'ils avoient été priez, invitez, attendus ; qu'on n'avoit rien épargné pour les guerir, soit du côté des dogmes de la foi catholique qu'on avoit expliquez, foit par rapport au rétablisfement de la difcipline de l'églife dans les articles de de la réformation.

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