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gion leur femble une Loi dure: ils ne la fuivent que par crainte, fans goût & fans affection, la mettant où elle n'eft pas, & ne s'attachant qu'aux formalités D'autres, plus emportés, s'écartent tout-à-fait; prévenus des fauffes idées que leur ont données la dureté des Catechifmes & la fimplicité des femmes qui ont été les premieres à leur parler de Religion. Ils ne veulent rien écouter, & fuppofent, fans s'en éclaircir, que tous ces difcours ne meritent pas feulement d'être examinés C'eft ce qui fait les libertins; principalement quand leurs paffions & leurs mauvaises habitudes leur rendent odieufes les verités de la Religion : quand ils ont interêt de les détruire, au moins dans leur efprit , pour appaifer les remords qui les tourmentent. Et voilà jufques où peuvent aller les mauvais effets des inftructions defagréables.

Cherchons donc, avec l'aide de Dieu, 1. Tim. qui veut le falut de tous les hommes, 11. s'il y a quelque moyen de remedier ou de fuppléer à la fechereffe des Catechifmes: & premierement tâchons d'en découvrir la cause. Elle vient, fi je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont compofés, étoient des Théologiens nourris dans l'école ; qui n'ont fait qu'extraire de chaque traité de Théologie, les définitions & les divi

fions qu'ils ont jugées les plus néceffaires, & les traduire en langue vulgaire, fans en changer le ftyle Ils ont auffi fuivi la méthode fcholaftique, & ont voulu faire apprendre aux enfans les raifons de la fuite des traités; pourquoi l'on parle des Vertus & des Sacremens après avoir traité des myfteres, & ainfi du refte. Mais je crains qu'ils n'ayent pas affez fait de réflexion fur l'état de ceux qu'ils entreprenoient d'inftruire : & en effet il eft difficile que des hommes qui ont étudié long-temps, & qui font fort exercés dans toutes les fubtilités d'une fcience, puiffent bien fe repréfenter jufques où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune teinture.

La méthode & le ftyle de la Théologie fcholaftique, eft fort propre à ceux qui ont étudié la Logique & les autres parties de la Philofophie: tels que font ordinairement les Théolo S. Th. giens. Quand on leur propose d'abord que Dieu peut être confideré en foi

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2.

ou par rapport aux créatures : en foi, ou quant à l'effence, ou quant à la diftinction des perfonnes : à l'égard des créatures, ou comme leur principe, ou comme leur fin que les moyens par lefquels la créature raisonnable peut arriver à cette fin, font les vertus, & la grace, que JESUS-CHRIST nous a meritée, & qui nous eft communiquée

par les Sacremens. Quand, dis-je, vous propoferez tout cela à un homme inftruit de la Philofophie, il vous entendra fort bien; & ce plan géneral lui s fera prévoir agréablement tout ce qu'il doit apprendre enfuite. Mais fi vous dites la même chofe à un Marchand ou à un homme d'affaires, qui n'a point été au College, il ne vous entendra point, & il ne fe formera qu'une idée confufe d'un difcours qui regarde Dieu & la Religion. Il n'eft point accoûtumé à ces divifions méthodiques; il n'entend point ces termes d'eflence, de principe, de fin, de moyens: il faudroit bien des paroles & bien du temps pour lui expliquer tout cela. Ce fera bien pis fi vous parlez à un payfan, à une femme de ménage, à un enfant qui ne fçait pas encore toute la langue, & qui n'a pas encore des idées des chofes communes de la vie.

La meilleure methode d'enfeigner n'eft donc pas celle qui nous paroît la plus naturelle, quand nous confiderons les verités abftraites & en elles-mêmes; mais celle que l'expérience fait reconnoître pour la plus propre à faire entrer ces verités dans les efprits de ceux à qui nous parlons. Or il me femble que nous devons faire grand cas de l'expérience de tous les fiecles. En remontant jufques à fept ou huit cens ans, qui eft à peu

près le temps où la plus grande ignorance s'eft répandue dans le Chriftianifme; audeffus de ces temps miferables jufques au commencement du monde, je trouve que l'on a toûjours fuivi à peu près la même methode pour enfeigner la Religion; & que l'on s'eft fervi principalement de la narration & de la fimple déduction des faits, fur laquelle on fondoit les dogmes & les préceptes de morale.

En effet, pendant les premiers deux mille ans, la vraye Religion fe conserva fans Ecriture, par la feule tradition; & cette tradition n'étoit autre chofe, que le foin Religieux qu'avoient les peres de raconter à leurs enfans les merveilles de Dieu, qu'ils avoient vûes de leurs yeux, ou apprifes par le recit de leurs peres; & que ces enfans également pieux & fideles, avoient foin à leur tour de raconter à leurs entans Ainfi Adam avoit inftruit ce grand nombre d'enfans, dont il commença à peupler la terre. Il leur avoit dit fouvent, l'ayant appris de Dieumême, comment le monde fut créé, comment lui & fa femme furent formés; il leur avoit raconté le bonheur de leur premier état, leur peché, leur peine. Ainfi Noë avoit enfeigné à fes enfans tout ce qui s'étoit paffé de me morable avant le deluge; & fes trois fils répandirent par toute la terre la memoi

re de ce fameux évenement. Qui peut douter qu'Abraham n'ait pris grand foin de raconter à Ifaac tout ce que Dieu avoit fait avant lui pour le genre humain, & les graces particulieres que luimême en avoit reçûes: puifque l'Ecriture marque expreffément fon zèle pour xvII. l'inftruction de fa famille? & qui peut 19. douter que les autres Patriarches ne l'ayent imité?

Gen.

Ex XII.

26.3

Moyle infpiré de Dieu, recueillit & écrivit toutes ces anciennes traditions dans le livre de la Genefe : & dans les livres fuivans, après avoir raconté fort au long les grands miracles que Dieu avoit faits pour tirer fon peuple de la fervitude d'Egypte, il recommande à tous les Ifraëlites qui les avoient vûs conime lui, de les raconter à leurs en- Deut I. fans; & repete fouvent de la part de IO. VI. Dieu ce commandement, comme celui 7.1.19. de liré, relire & mediter continuellement fa Loi, c'est-à-dire, tout ce qu'îl leur donnoit par écrit. Jofué, Samuel & les autres Prophêtes écrivirent de temps en temps les miracles, les prédictions & toutes les autres choles quifervoient à la Religion; ce qui fut continué fans interruption jufques à la captivité de Babylone Au retour, Dieu fufcita le fçavant Efdras pour recueillir avec foin tous les livres précedens, & & y ajoûter 1 hiftoire du retabliffement.

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