Page images
PDF
EPUB

-lomnier la Religion, & de dire que nous la faisons confifter en des fubtilités, dont peu de gens font capables.

Mais, dira-t'on, comment expliquer les myfteres, fans tous ces termes confacrés à la Religion depuis fi long-temps? Peut-être ne peut-on pas s'en paffer entierement, mais peut-être auffi que la coûtume nous impofe. Il eft bien plus aifé, je l'avoue, de propofer au peuple la -Doctrine Chrêtienne avec les mêmes termes que nous avons lûs dans les livres de Théologie; mais il ne faut pas plaindre notre peine, fi nous pouvons trouver des expreffions qui leur faffent mieux entendre les mêmes chofes. Or il n'eft pas néceffaire pour cela d'en inventer de nouvelles; il n'y a qu'à bien étudier celles dont on fe fervoit avant que les fubtilités des Héretiques euffent forcé les Théologiens à emprunter ce langage d'Ariftote & des autres Philofophes. Encore n'en trouvera-t'on guères dans les Peres des quatre ou cinq premiers fiecles; quoique l'on eût déjà bien difputé fur toutes les parties de la doctrihe Chrétienne. Ils s'attachoient religieufement au langage de l'Ecriture sainte.

Suivons leur exemple; imitons autant que nous pourrons, felon notre langue & nos mœurs, leftyle de JesusCHRIST, des Apôtres & des Prophetes. Ils parloient le langage commun des

d

hommes leurs expreffions étoient fimples, nettes, folides, & ne laifloient pas d'être grandes & nobles. Ils donnoient des idées claires & vives, & agiffoient beaucoup fur l'imagination: parce qu'il y a peu d'hommes capables de penfer fans s'en aider. Plus les Peres font anciens, plus ils tiennent de cette noble fimplicité. Servons-nous des expreffions que l'Eglife a confacrées par fes decrets & par fes Prieres; & particulierement de celles des Symboles & des autres profeffions de Foi, qu'elle a faites de temps en temps, pour conferver fa Doctrine contre les herefies, à mesure qu'elles fe font introduites; car c'eft ce langage qu'elle a voulu mettre en la bouche de tout le peuple. Les termes fcientifiques feront toûjours d'u fage dans les écoles, entre les Théologiens de profeffion; mais à quoi bon en fatiguer les fimples, qui ne demandent qu'à s'inftruire, fans difputer, & à qui il importe de fçavoir les chofes qu'ils doivent croire; non pas les mots, dont fe fervent les Sçavans, pour les expliquer?

Or je prétens que la methode hif torique fera fort utile, pour faire entendre le fond des chofes, fans s'arrêter aux paroles. Je fuppofe qu'un enfant fiVôt qu'il a fça parler, a appris par coeur le Symbole; & fi l'on veut quelqu'un

des Catechifmes ordinaires, le plus court & le plus clair. Quand après cela pendant un long-temps, comme de fix mois, on lui aura parlé de la création du monde, de la Providence de Dieu, de fes miracles, de fes bienfaits, des terribles effets de fa juftice & de tout le refte que je raconte dans la premiere Partie; la feconde fera bien préparée, & les dogmes feront beaucoup moins difficiles. Il doit naturellement réfter de tous ces faits l'idée d'un Dieu toutpuiffant, bon, jufte, & fage. Il ne fera pas neceffaire de demander combien il ya de dieux. Il ne viendra pas dans l'efprit qu'il puiffe y en avoir plufieurs :: vú principalement que ni les Héretiques qui nous environnent, ni les Infi-deles les plus proches de nous, qui font les Juifs & les Mahometans, ne prêchent que l'unité de Dieu.

[ocr errors]

Dans la même fuite d'hiftoire aura fouvent parlé du Meffic, Fils de: Dieu, long-temps promis & attendu. On aura raconté fa venue, fa vie, fes miracles, fa doctrine, fa Paffion. On aura parlé plufieurs fois du Saint-Esprit à l'occafion des Prophetes & des Apô tres. Après tous ces faits bien expliqués,. il ne fera pas difficile de faire entendre que Dieu eft Pere, Fils, & Saint Efprit: que JESUS-CHRIST eft Vrai Dieu & Vrai Homme, & que toutefois ce

ne font pas deux, mais un feul JESUSCHRIST. Il ne fera pas néceffaire de parler, fi l'on ne veut, de fubfiftance, ni d'union hypoftatique. Tout de même dans les Sacremens, je crois qu'abfolument parlant, on pourroit fe paffer des mots de matiere, de forme, de fubftance & d'accidens, dont l'Eglife en effet ne fe fert point dans fon Office public. Il fuffiroit de décrire exactement comment les Sacremens font adminif trés, & d'obferver foigneufement quelles actions extérieures, & quelles paroles y font les plus néceffaires. Que fi, après avoir inftruit long-temps, & avoir effayé tous les moyens que la charité peut fuggerer, on trouve des hommes fi groffiers, qu'ils ne puiffent entendre les verités néceffaires au falut; je ne fçai fi on ne doit point les regarder comme des imbecilles, & les abandonner à la mifericorde de Dieu, le contentant de prier pour eux; fans fe tourmenter à leur faire apprendre par cœur des paroles, qui ne les fauveront pas toutes feules.

Outre les mots, il faut encore prendre garde aux phrafes. Ceux qui écrivent dans leur cabinet, ne manquent guères de donner à ce qu'ils compofent un tour de Periode: principalement s'ils fçavent écrire en Latin Mais nous ne parlons point ainfi notre ftyle

naturel eft tout coupé, & celui des enfans bien plus que des autres. Ils ne peuvent pas embraffer à la fois plufieurs idées, ni en connoître les rapports. Ainfi quand on fait dire à un enfant que le Chrêtien eft celui qui étant baptifé fait profeffion de la doctrine Chrêtienne il eft embarraffé de ce mot étant, qui fufpend le fens & lie la Periode; il diroit plûtôt féparément: Un Chrêtien eft un homme qui eft baptifé, & qui fait profeffion de la doctrine Chrêtienne. Encore ces mots de profeffion & de doctrine font bien grands pour des enfans. De-là vient que n'entendant point ce qu'ils apprennent, ils ne le difent point naturellement, comme quand ils parlent d'eux-mêmes, mais le recitent avec précipitation comme pour s'en décharger, & élevent la voix en finiffant.

Le Catechifte doit prendre fur lui toute la peine; fe faire petit avec les enfans, & avec les fiimples, étudier leur langage, & entrer dans leurs idées pour sy accommoder autant qu'il fera poffible; mais il ne faut pas donner dans la baffeffe. Pour fe faire entendre des enfans, il n'eft pas néceffaire de parler comme leurs nourrices, ni de begayer avec eux pour s'accommoder au petit peuple, il n'eft pas befoin de faire comme lui des folecifmes, d'ufer de fes

« PreviousContinue »